La ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité́ et de l’Egalité des chances en Guadeloupe
Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité́ et de l’Egalité des chances
« Pas de sujet tabou »
Il y a quelques temps, une enquête sur la discrimination à l’emploi local en Outre-mer vous a été présentée par SOS Racisme et le CNRS. Les résultats montraient la réalité d’une discrimination visant les jeunes guadeloupéens dans la restauration. Qu’entendez-vous faire contre ce phénomène qui participe à alimenter la colère de la jeunesse ?
Les discriminations ignorent les frontières géographiques, sociales et culturelles. Elles peuvent aussi bien intervenir en raison du genre, de l’origine, du handicap, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, des croyances mais aussi de la santé ou de l’engagement syndical.
Dans ce contexte, à la suite des engagements du Président de la République, le Gouvernement a lancé une plateforme de lutte contre les discriminations (www.antidiscriminations ; 3928) que nous avons confiée au Défenseur des droits. L’objectif est de mettre les victimes de discriminations en rapport avec les associations, avec des juristes, avec des médiateurs, qui vont pouvoir les diriger vers les services de l'Etat lorsque ce sera nécessaire, avec le ministère de l'Intérieur ou avec la Justice.
Quel message faire passer aux Guadeloupéens pour que les personnes LGBT+ ne soient pas l’objet au mieux de quolibets, au pire de violences ? Comment changer les structures mentales ?
Nous vivons aujourd’hui dans une société où, fort heureusement, la parole se libère de plus en plus sur des sujets pendant trop longtemps couverts par le déni et une invisibilisation. Nous l’avons observé avec les mouvements #MeToo, #MeTooInceste ou #MeTooGay ; l’omerta qui entourait les violences se brise désormais, et cela vaut bien entendu pour les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles ou transgenres.
Mais les LGBTphobies restent une réalité dans notre pays. Les personnes LGBT+ ont un risque d’attenter à leur jour 4 fois plus élevé que le reste de la population française, et ce chiffre monte à 7 fois plus pour les personnes transgenres. C’est insupportable. Faire évoluer notre société passe dès lors par des sanctions et aussi de la sensibilisation. Le Plan d’action LGBT+ 2020-2023 que j’ai lancé le 14 octobre 2020 va dans ce sens. Il vise à faire de l’égalité des droits pour les personnes LGBT+ une égalité réelle et à lutter contre toutes les formes de LGBTphobies. Avec Sébastien Lecornu, nous sommes résolument déterminés à déployer toutes les 42 actions de notre Plan dans les territoires ultramarins.
Les violences conjugales sont à l’origine de nombreux faits divers ici. Fait-on tout ce qu’il faut pour les prévenir, pour éviter les récidives et pour que l’accueil des femmes plaignantes soit correct dans les commissariats et gendarmeries ?
Le 25 novembre 2017, le Président de la République a érigé l’égalité entre les femmes et les hommes en la Grande cause de son quinquennat. Une Grande cause qu’il compte poursuivre s’il est réélu. La lutte contre les violences faites aux femmes en constitue le premier pilier.
Depuis 2017, 4 lois ont été votées, l’ensemble des mesures issues du Grenelle des violences conjugales ont été engagées et le budget dédié à mon ministère a quasi doublé en cinq ans. Il s’agit de mesures très concrètes tels que le déploiement des bracelets anti-rapprochement, des téléphones grave danger ou la création de centres de prise en charge des auteurs de violences (CPCA). Car s’occuper des auteurs c’est aussi mieux protéger les victimes. Depuis juillet 2020, en s’appuyant sur le travail remarquable des associations, nous avons créé 30 centres de ce type dans l’Hexagone et en Outre-mer. Lutter contre les violences est un travail de longue haleine et un véritable changement de civilisation.
Depuis le Grenelle des violences conjugales, près de 100 000 policiers et gendarmes ont reçu une formation initiale ou spécialisée. , 404 intervenants sociaux ont été recrutés au profit des commissariats et des gendarmeries, dont 102 sur la période 2020-2021, afin de compléter l’action policière par la la prise en charge sociale des femmes victimes de violences. Le ministre de l’Intérieur en fait une priorité.
Pour mieux accompagner et protéger les victimes en Guadeloupe, nous avons recruté sept intervenants sociaux afin d’accompagner les forces de l’ordre dans l’accueil de la parole des victimes. Les associations d’aides aux victimes mènent également des actions de formations des professionnels pour mieux appréhender le phénomène des violences intrafamiliales.
C’était une volonté forte du Gouvernement d’augmenter le nombre de places d’hébergement pour les victimes : 20 places supplémentaires ont ainsi été ouvertes en Guadeloupe.
Le département dispose également de 30 téléphones grave danger.
Pour lutter contre la récidive, Le 5 octobre 2021 a été inauguré le CPCA porté par l’association Service de contrôle judiciaire et d'enquête (SCJE) situé à Perrin, aux Abymes. Ces structures sont indispensables pour accompagner les auteurs de violences à la fois psychologiquement et socialement.
Enfin, je tiens à saluer le travail remarquable des élus guadeloupéens de la majorité pour lutter contre toutes les violences, et particulièrement Justine Benin qui œuvre pour sensibiliser aux problématiques de l’endométriose.
Le baromètre de l’écart des salaires entre les hommes et les femmes a été récemment publié (avec des résultats globaux encore insuffisants), que peut-on dire de la situation en Guadeloupe ?
L’index de l’égalité professionnelle, portée avec la ministre du Travail Elisabeth Borne, mis en place dès 2019 grâce à la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est aujourd’hui un outil bien installé, en particulier dans les grandes entreprises. Il permet de noter sur un total de 100 points les politiques d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Non seulement il permet de mesurer les écarts de rémunération, mais aussi de s’assurer que les entreprises respectent leurs obligations légales telles que le fait d’augmenter les femmes qui reviennent de congé maternité. On regarde également s’il y a une parité entre hommes et femmes parmi les 10 plus gros salaires dans l’entreprise.
Cette année au niveau national, 61% des entreprises de plus de 50 salariés ont publié leur note, comme l’an dernier à la même date (pour les entreprises de plus de 1000 salariés, ce pourcentage atteint les 85%). La note moyenne progresse d’un point par rapport à 2021 pour s’établir à 86/100, ce qui est une bonne nouvelle.
En Guadeloupe, avec les données que nous avons recueillies à ce jour (l’obligation de déclaration était au 1er mars mais toutes les entreprises n’ont pas encore effectué leur déclaration), la note moyenne à l’index égalité professionnelle est de 84/100. C’est proche de la moyenne nationale donc.
Mais, restons humbles face à ces résultats : il n’y a en France que 2% des entreprises qui obtiennent la note de 100/100, alors qu’elle devrait être la norme !
Votre visite intervient à une semaine de l’ouverture de la période dite de réserve pour les membres du gouvernement. Qu’est-ce que différencie votre déplacement ministériel d’un acte de campagne pour le président-candidat ?
En raison de la crise sanitaire, je n’ai malheureusement pas pu me rendre plus tôt en Guadeloupe. C’est la première fois que je m’y rends en tant que ministre et je m’en réjouis. En raison de ma propre histoire et de mon parcours, j’ai un attachement très particulier aux territoires ultramarins. Je suis ici pour rencontrer les associations et les acteurs publics engagés en faveur de l’égalité.
Propos recueillis par FXG