Scandale du chlordécone
Scandale du chlordécone : le spectre du non-lieu
Les juges Fanny Bussac et Brigitte Jolivet qui instruisent la plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence par l’administration de substance nuisible ayant porté atteinte à l’intégrité physique d’autrui », autrement dit l’affaire de la contamination de la Martinique et de la Guadeloupe par le chlordécone, ont adressé le 25 mars dernier aux treize parties civiles un « avis de fin d’information ». Ainsi l’instruction de la plainte pour empoisonnement dont le réquisitoire introductif remonte au 13 novembre 2007, toucherait à sa fin. « Je vous avise, écrivent les deux magistrats instructeurs, que l’information me paraît terminée et que le dossier de la procédure est communiqué au procureur de la République. » Ce dernier dispose de trois mois pour adresser ses « réquisitions motivées ». Et les parties civiles disposent également d’un délai pour présenter leurs observations, demandes ou requêtes. « En l’absence de réquisitions ou d’observations dans les délais prescrits, je rendrai mon ordonnance de règlement », concluent les juges.
Avant cela, les représentants des victimes ont jusqu’au 9 avril pour indiquer aux deux magistrats instructeurs les actes qu’ils voudraient voir réaliser comme les éventuelles mises en examen. Pour l’heure aucune mise en examen n’a été prononcée dans ce dossier. De même, récemment, la CTM qui s’est portée partie civile a demandé aux magistrats parisiens de se rendre sur place, et son président, Serge Létchimy a demandé à être entendu. Ces demandes n’ont pas eu de suite favorable. L’avis de fin d’information exprime d’abord la volonté des juges d’en finir avec une instruction judiciaire vieille de quinze ans, mais la suite dépendra des investigations que peuvent encore demander les parties civiles et du réquisitoire du parquet qui dispose lui aussi d’un délai de trois mois. Après quoi il y aura encore le temps de la réponse des juges.
S’il est dans le pouvoir des juges de refuser d’effectuer des actes demandés par les parties civiles, les victimes qui redoutent une décision de non-lieu peuvent se pourvoir en faisant appel. Il appartiendrait alors à la chambre de l’instruction de se prononcer ; la procédure pouvant aller jusqu’en cassation… On est donc sans doute encore loin d’une véritable clôture du dossier.
Les juges Bussac et Jolivet avaient, rappelons-le, en janvier 2021, évoqué devant les parties civiles l’arrêt de l’instruction en raison de la possible prescription des faits. Selon l’avocat de la CTM, Me Alex Ursulet, « un non-lieu serait soit une provocation, soit le fait d’une incompétence » à laquelle il « refuse de croire ». « Et pour cause, ajoute-t-il, le dossier a été dépaysé devant une juridiction spécialisée en matière sanitaire. »
FXG
Quinze parties civiles dont l’UGPBan
La lettre des juges a été adressée aux quinze parties civiles constituées dans l’affaire du chlordécone. Il s’agit de l’ASSAUPAMAR (représentée par Rosalie Gaschet), l’association pour l’Ecologie urbaine (Génya Jos), la Collecvtivité territoriale de Martinique, le Conseil régional de la Guadeloupe, l’association Confédération paysanne (Philippe Colin), l’association Générations futures (Maria Pelletier), l’association Envie Santé (Philippe Verdol), la CGT Guadeloupe (Jean-Marie Nomertin) , l’UGTG (Elie Domota), l’association pour la Sauvegarde de l’environnement (Joyane Jospélage), l’Union régionale des consommateurs (Judes Griffard), l’Union des producteurs agricoles de la Guadeloupe (Alex Bandou), l’Union des producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (Eric de Lucy de Fossarieu) et deux particulier, le chercheur en sciences sociales Malcolm Ferdinand et Patricia Chatenay-Rivauday, présidente de l’association Vivre.