Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par fxg

La chorale des écolier chantant de Bondy devant la sculpture de Fabrice Hyber

La chorale des écolier chantant de Bondy devant la sculpture de Fabrice Hyber

Une commémoration pour faire oublier le vote outre-mer de la présidentielle

Après deux précédentes journées nationales en catimini pour cause de Covid, et au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, le rendez-vous mémoriel du 10 mai, journée nationale de commémoration de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, au jardin du Luxembourg à Paris, hier, a pris des allures de carrefour politique à six semaines des élections législatives.

Le président Macron, tout juste réinvesti, a pris place hier, face à la sculpture de Fabrice Hyber, « Le Cri, l’Ecrit », au premier rang d’une importante délégation ministérielle pour cette 17e journée de célébration de l’abolition de l’esclavage. Pas moins de 22 ministres qui voudraient tous bien rempiler après le dernier conseil des ministres du gouvernement Castex prévu ce mercredi. Seule Simone Schwarz-Bart, invitée d’honneur, dénotait au milieu de tous ce personnel politique. C’est que le message adressé par les électeurs des Antilles et de la Guyane le 24 avril dernier peut sembler à certains (comme l’historienne Myriam Cottias, par exemple, qui en a appelé aux mannes de Césaire) contradictoire avec cette histoire douloureuse commémorée en ce 10 mai.

Guy Losbar et Dominique Théophile

Pour le sénateur de la Guadeloupe, le LREM Dominique Théophile, « le débat est clos. Les Guadeloupéens ont déjà expliqué leur vote et les spécialistes aussi ! Il s’agissait pour les uns d’une colère profonde, d’un ressenti, quelque fois des incompréhensions et ils l’ont manifesté là où l’on peut manifester valablement en démocratie. C’est la force et le droit du vote. Mais le Guadeloupéen n’a pas perdu son âme. Il sait réfléchir et sait revenir à d’autres choix. » Son camarade et allié, le président du conseil départemental de la Guadeloupe, Guy Losbar, pour qui cette cérémonie parisienne était une première, il était tout à fait normal de participer à la cérémonie : « Nous savons tous ce que l’esclavage a représenté. Il faut déconnecter les élections présidentielles de cette célébration puisque c’est chaque année qu’a lieu cette commémoration. Et pour tous ceux qui veulent combattre l’esclavage, qui sont fils d’esclaves comme nous le sommes, il est important que nous puissions faire ce devoir mémoriel de rappel, que ce soit ce 10 mai à Paris, le 27 mai en Guadeloupe ou le 22 en Martinique. Rien de ce qui s’est passé à la présidentielle ne pourra effacer le crime qu’a constitué l’esclavage. »

Placer cet instant hors du contexte électoral

Joël Destom, membre du conseil économique et social européen, était une des rares personnalités martiniquaises présentes à cette cérémonie où l’on n’a vu ni député, ni sénateur de l’île aux fleurs : « Il faut placer cet instant hors du contexte électoral, a-t-il lui aussi insisté ! Un sujet comme celui-là demande de s’extraire des logiques partisanes pour en faire un moment d’union nationale. Très honnêtement, je dissocie ce sujet du vote de la présidentielle parce le sujet de la mémoire est intemporel et va bien au-delà des résultats d’une élection. On sera toujours dans l’obligation de faire acte de mémoire, de le faire de manière très diligente, et avec beaucoup de bienveillance et de respect, quels que soient ceux que l’on a en face de soi. »

Victoire Jasmin, sénatrice socialiste de la Guadeloupe, a observé d’abord « un engouement » pour cette cérémonie : « C’est important qu’on n’oublie pas. Ce qui me touche le plus, c’est la présence des élèves parce que ce dont nous avons besoin, c’est de faire de la pédagogie pour que ça ne revienne pas. Mais quand on voit le retour de la guerre en Ukraine, on ne sait jamais… » Cette allusion à l’actualité l’a ramené elle aussi à cette question du vote Outre-mer car c’est tout l’Hexagone, et tout le parterre des invités, qui avait encore les yeux rivés sur nos départements français d’Amérique, Mayotte et la Réunion. « Le vote des Antillais et des Guyanais à la présidentielle a été une condamnation de l’action président de la République et du gouvernement, a convenu Victoire Jasmin. Maintenant qu’il est réélu, j’espère qu’il va changer de braquet, mais le vote pour l’extrême droite reste inquiétant même si je sais que ce n’était pas une adhésion, mais un rejet de ce qui s’est passé pendant les cinq dernières années et particulièrement les deux dernières avec la pandémie. »

Georges Patient et l'artiste Denguiou

Lénaïck Adam, le député LREM de la Guyane (non loin de son compatriote sénateur LREM, Georges Patient) jugeait sa présence à cette cérémonie « tout à fait normale en tant qu’afro-descendant, (…) juste et indispensable. Mais au-delà d’être indispensable, il faut maintenant traduire ça dans la manière de se comporter avec les différents territoires et leurs populations afro-descendantes beaucoup plus importantes qu’au niveau hexagonal. » Selon lui, ce qui s’est passé lors des dernières élections présidentielles est un signal, un message. « Je l’ai dit au président de la République. A lui d’envoyer un autre signal. J’espère prochainement pouvoir être dans cette dynamique puisque d’ici dimanche, nous allons lancer notre campagne pour les législatives. Il va falloir que nos collègues à l’Assemblée nationale comprennent, entendent les préoccupations de nos territoires. S’ils ne le font pas, je pense que ce sera pire dans cinq ans ! » Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation Mémoire de l’esclavage estimait pour sa part que le vote pro Le Pen dans les département français d’Outre-mer signifiait une demande de respect.

La cérémonie, sans ses avants ni ses après, entre gens du monde puisqu’il fallait être invité, s’est déroulée sur un temps assez court et selon une partition bien réglée. « Une histoire sans parole, a commenté l’écrivaine martiniquaise Suzanne Dracius installée dans le public. Seulement des chants, des lectures d’élèves et un dépôt de gerbes. » Une cérémonie qui, au final, a rempli sa mission, puisque l’accent a été mis sur la transmission à la jeunesse et la dénonciation de l’esclavage contemporain qui sévit hélas encore.

FXG

Trois questions à Simone Schwartz-Bart, invitée d’honneur

« Solitude est une héroïne extraordinaire »

La mulâtresse solitude a fait l’objet d’une lecture par des enfants. Elle donne son nom à un un jardin parisien qui accueille depuis sa statue (réalisée par le Guadeloupéen Didier Audrat) et elle est aussi l’effigie d’un timbre… Tout ça, c’est l’aboutissement d’un impensé ?

L’aboutissement d’un impensé impensable ! Et l’aboutissement d’un travail pour une héroïne merveilleuse qui, vraiment, symbolise cette lutte des esclaves avec un brio, un faste extravagant.

Que signifie votre présence à cette cérémonie nationale de célébration de l’abolition de l’esclavage ?

Je suis seulement contente d’être là, je pense que c’est tout à fait nécessaire parce que, autrement, qui m’aurait représenté ? Qui aurait représenté mon mari ? Il fallait qu’il y ait un représentant. Je suis encore vivante, figurez-vous ! Donc, je suis là et j’y tiens ! C’est vraiment un plaisir, surtout que ce des enfants des école qui lisent les extraits de La Mulâtresse Solitude. Quoi de mieux ? Transmission, transmission ! On en parle beaucoup, mais nous l’avons en direct !

La République rend hommage à la Mulâtresse Solitude, une créature qui échappe désormais à son créateur…

Aujourd’hui Solitude échappe à Jean Schwartz-Bart et pourquoi pas ! Ca arrive très rarement qu’un personnage échappe comme cela à son auteur pour devenir égérie et, en quelque sorte le mythe national d’un peuple. La collectivité pourtant avait besoin d’une histoire et cette histoire lui parvient avec la mulâtresse Solitude. C’est magnifique ! Mon mari avait envie, enfin, il était partisan de l’œuvre anonyme, eh bien, il a réussi son coup. Chapeau l’artiste !

Propos recueillis par FXG

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article