Les médailles d'honneur de l'engagement ultramarin
La première fournée des décorés de l’engagement ultramarin
Sept cents personnes environ ont été récompensés de la nouvelle médaille d’honneur de l’engagement ultramarin.
En raison de l’article 10 du règlement de cette nouvelle décoration, qui stipule que « tout acte contraire aux politiques menées par le ministère ou le gouvernement (…) initiera une procédure de suspension ou de radiation de la médaille d'honneur de l'engagement ultramarin », plusieurs personnalités ont déjà annoncé leur refus d’accepter cette médaille, d'autres se sont étonnées de la recevoir sans en avoir été préalablement averties.
Le Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses du 25 avril a publié la longue liste des premiers titulaires de la médaille d’honneur de l’engagement ultramarin. Etablie au 17 mars dernier, cette liste récompense (avec l’échelon d’or pour commencer) tous les anciens titulaires encore vivant du portefeuille ministériel de la rue Oudinot. Ainsi sont décorés Olivier Stirn, Paul Dijoud et Georges Lemoine, anciens secrétaires d’Etat aux DOM-TOM, Bernard Pons (il est décédé entretemps), Louis Le Pensec et Dominique Perben, anciens ministres des départements et territoires d’outre-mer, Jean-Jacques de Peretti, ancien ministre de l’outre-mer, Jean-Jack Queyranne et Christian Paul, anciens secrétaires d’Etat à l’outre-mer, Brigitte Girardin, François Baroin et Hervé Mariton, anciens ministres de l’outre-mer, Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, Christian Estrosi et Yves Jégo, ancien secrétaires d’Etat chargés de l’outre-mer, Marie-Luce Penchard, ancienne secrétaire d’Etat puis ministre chargée de l’outre-mer (qui s'est étonnée qu'on ne l'ai pas avisée préalablement avant que de retrouver son nom sur cette liste), Victorin Lurel, George Pau-Langevin, Ericka Bareigts et Annick Girardin, anciens ministres des outre-mer.
Une deuxième liste attribue aux douze membres du cabinet de Sébastien Lecornu (à l’exception du dircab, le préfet Philippe Gustin) la médaille d’honneur avec l’échelon de bronze. Une cinquantaine de noms de fonctionnaires ou collaborateurs (anciens ou actuels) du ministère des Outre-mer complète cette liste pour l’échelon de bronze.
Enfin, la dernière liste concerne les heureux récipiendaires de la société civile. On compte 36 médailles d’or dont 13 préfets, des personnalités comme Nathalie Assier de Pompignan, l’ex-navigatrice Isabelle Autissier, l’ancien président de Saint-Barthélemy, Bruno Magras, le professeur Olivier Sudrie de Paris-Saclay ou encore le militant de la Yole martiniquaise et machiniste à la RATP Edouard Tinaugus.
Argent
Parmi les médaillés d’argent, on compte 41 militaires du SMA (leur général a obtenu l’or) et des personnalités comme Floriane Bascou, Miss Martinique, Kora Bernabé, conseillère territoriale de Martinique, Max Dubois de R&Dom (qui s’est aussitôt fendu d’une lettre au ministre des Outre-mer pour refuser sa distinction — voir par ailleurs), Sandra Dupuis-Gicquel, fondatrice du SERAC Antilles-Guyane (centre de formation à la langue des sourds), le chocolatier martiniquais Thierry Lauzéa (photo), la Guadeloupéenne Viviane Melyon de France, médecin chef de service de santé et de secours médical du service départemental des pompiers de la Guadeloupe, mais aussi « super mamie 2013 », Florus Nestar (ancien patron de Ladom), la collaboratrice de feu Luc Laventure à Outremer 360, Marie-Christine Ponamalé.
La liste des médaillés de bronze ne compte pas moins de 340 militaires du SMA et l’actrice Aïssa Maïga.
Les décorés guadeloupéens, l’éditeur Florent Charbonnier, patron de Caraïbéditions, le chef Jérôme Bertin, le restaurateur Jimmy Bibrac, la dirigeante de l’entreprise C2I, Agnès Blaze, Jean-Luc Bordin, producteur de manioc à Marie-Galante, Jocelyn Bourgarel, président de l'Union nationale des taxis, la saintoise Jessica Brudey, fondatrice de Foodîles, Emilie Brunet, directrice commerciale outre-mer d’Air Caraïbes, Jean-Luc Cafournet directeur général de la société URBIS, Sébastien Célestine, dirigeant de All Mol et président de Guadeloupe Tech, Kenny Chammougon, co-président French Tech Guadeloupe, France-Lise Choucoutou, agricultrice à Morne-à-l’Eau, Robert Coipel, entrepreneur en bâtiment à Basse-Terre, Athanase Coquin, président de l'unité sucrière de Marie-Galante, le traiteur Thierry Corbin, Magalie Danican (ex dirigeante de Sciences Ô), Max Dorville, Alix Huyghues-Beaufond, présidente du comité territorial d'Action logement, Juliette Irish, Présidente de l’association « Nature is the Key » à Saint-Martin, Nicolas Joachim-Eugène, animateur, concepteur de dispositifs media-jeune, Sébastien Luissaint, président de l'entreprise MYDITEK, l’attaché parlementaire Remy Marcin, le comédien et élu de Paris Jacques Martial, le réalisateur et journaliste Blase Mendjiwa, Willy Rosier du CTIG, René Silo (l’obligé de Patrick Karam), Jérôme Siobud, chef du département développement commercial de l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes, les chanteurs Rony Théophile et Francky Vincent (photo), Marie-France Tirolien, présidente de "Guadeloupe Espoir Drépanocytose", et encore le photographe Willy Vainqueur.
Les décorés martiniquais
Albert Alamelu, de la compagnie de danse Pom’Kanel de Basse-Pointe, Antoine Amalou, enseignant à Saint-Etienne et créateur de recettes créoles pour SEB, le réalisateur Franck Baucelin, la soprano Marie-Claude Bottius, Chantal Clem (photo), animatrice de Femmes d’Outre-mer, Yves-Robert Cespedes, président du Rotary Club de Fort-de-France Ouest, le yoleur Christophe Dédé, l’entrepreneuse Dorothée de Reynal, le contre-ténor Fabrice di Falco, le docteur Bertrand Dubois, Isabelle Florenty, directrice de la Maison du bèlè, la basketteuse professionnelle Sandrine Gruda, la soprano Livia Louis Joseph Dogué, l’acteur et réalisateur Lucien Jean-Baptiste, Melody Moutamalle, fondatrice de LimièKilti, Doris Nol, fondatrice du blog Caraïbexpat, le sculpteur Gilles Roussi, neveu de Suzanne et Aimé Césaire (qui nous a fait savoir lui aussi qu’il refusait cette décoration), Henri Salomon, président de la chambre de métiers, le docteur Marie-Antoinette Sejean, Marie-Jeanne Serbin du magazine Brune et France Zobda, productrice et actrice.
Les décorés guyanais
La chanteuse Sylviane Cédia (photo), Awatef Chouchane-Argoubi, conseillère municipale de Cayenne, déléguée à la santé, Jean-Luc Deshayes, médecin-échographiste à Cayenne, Johann Fonck, président de l'entreprise Amazone Care, l’artiste lyrique Marie-Laure Garnier, Tara Govindin du Medef, Franck Ho-Wen-Sze président du FRBTP, Gisèle Jean-Louis, adjointe au maire de Cayenne, Rosange Lhuerre, de l’association la Gastronomie guyanaise, Carine Sinaï, présidente de la CCI, Bruno Apouyou, président du grand conseil coutumier de Guyane, Tania Berland-Sandot, retraitée, ex-directrice régionale délégation Guyane du CNFPT, Cléante Bienvenu Pitta, Vermita Chérubin et Roberto Osseux de la chambre de métiers de Guyane et le chef d’entreprise Bernard Boulanger.
Télé et médias
L’audio-visuel public n’est pas en reste, comme pour faire oublier la fermeture de France Ô :
Sylvie Koné, chargée de la communication au pôle Outre-mer reçoit l’échelon d’argent. Les lauréats de bronze sont Hakime Ali Said, directeur régional de Mayotte la 1ère, Karine Baste-Régis (présentatrice-joker du JT de France 2, le grand-reporter Willy Bracciano, Hélène Camouilly, chargée de la diversité à France-Télévision, et Gilles, son frère producteur et ancien directeur de France Ô, Sylvie Gengoul, directrice du pôle Outre-mer de France-Télévision, Chantal Néret, directrice de la relation avec les publics à France-Télévision, Véronique Polomat, directrice éditoriale à France Télévisions, Jean-Marc Thibaudier, adjoint au directeur éditorial à France télévisions (photo).
La lettre de refus de Max Dubois, président de R&DOM
« Pourquoi je refuse de recevoir la médaille du mérite ultramarin »
Je découvre mon nom au Journal officiel, récipiendaire de cette décoration.
À l’article 10 du règlement qui régit cette distinction, on peut lire : « tout acte contraire aux politiques menées par le ministère ou le gouvernement (…) initiera une procédure de suspension ou de radiation de la médaille d'honneur de l'engagement ultramarin. Les autorités témoins de ces situations en rendent compte au Ministre des Outre-mer. »
Chacun sait le combat contre les inégalités en Outre-mer que je mène depuis cinq ans.
Ce faisant, je me suis à de très nombreuses reprises élevé contre la politique menée par ma propre famille philosophique. Je n’ai cessé de dénoncer la croissance des inégalités dans les territoires et les larges incompréhensions des attentes des populations.
En acceptant une telle médaille, je devrais de facto me soumettre aux orientations politiques du ministère des Outre-mer. Je devrais renoncer à mon combat pour l’égalité.
Depuis ma rencontre avec Emmanuel Macron en 2016, je lui ai apporté mon soutien. Je n’ai jamais varié depuis et ma fidélité politique lui est acquise. Mais soutenir l’action d’Emmanuel Macron, qui de mon point de vue a conduit une action remarquable pour le pays, n’implique pas que je sois en accord sur tous les sujets.
Le Président de la République connaît parfaitement mes désaccords sur la politique menée en Outre-mer au cours de son premier quinquennat.
Il sait mes combats pour l’instauration d’un smic Outre-mer, il sait mon action pour l’arrêt de la domination économique historique de quelques familles en situation de quasi-monopole, et largement bénéficiaires des politiques publiques. Il sait mon opposition au soutien de quelques-uns au détriment de tous pour le développement de la production locale. Il sait ma colère de voir l’impunité des acteurs, grands bénéficiaires sur le malheur des gens, de l’utilisation du Chlordécone. Il sait mon opposition au statu quo qui laisse toujours les mêmes dans l’incertitude, notamment les jeunes confrontés au fléau du chômage de masse. Tous ces combats et quelques autres sont les miens. J’ai décidé de les mener sans renier mon soutien à Emmanuel Macron car je suis certain qu’il en entendra la légitimité.
Le vote du second tour des présidentielles ne signifie en rien l’approbation par nos concitoyens des thèses défendues par l’extrême-droite. Ce vote est l’expression d’une colère immense que je comprends et que, pour beaucoup, je partage.
Alors non, il n’est pas possible pour moi d’accepter une distinction qui, réglementairement, m’obligerait à censurer mes propos, mes actions.
Le séisme politique que nous venons de vivre en Outre-mer sera entendu et compris.
Sans rien renier de mes convictions, je garde l’espoir d’un prochain changement radical qui conduira, sous l’autorité du président Macron, les territoires d’Outre-mer à l’égalité avec les territoires de la France hexagonale.
La lettre de refus du sculpteur Gilles Roussi
« Je ne puis accepter cette distinction qui aurait pour vertu de me remercier de mes engagements à l’égard de mes frères caribéens »
Monsieur le ministre,
Je tenais en premier lieu à vous remercier de votre attention à mon égard pour m’avoir désigné́ à cette honorable distinction d’un hochet républicain émanant de votre ministère.
Mais... Oui je sais, le mais augure une petite mise au point. Certes, la classe « bronze » est à considérer comme troisième marche des honneurs, est-ce cela la « récompense » d’une vie entière consacrée à la mémoire de mes origines ?
Dois-je vous le rappeler ? Avant même que vous soyez mis en projet par vos parents , je me battais pour qu’il existe en Martinique une école d’Art, alors que vous aviez l’âge de trois ans je posais au sein de la ville de Fort de France une sculpture portant le titre de « liberté́ inachevée ».
Lors de votre adolescence j’inaugurais dans la nuit du 4 août deux mille le plaidoyer pour les droits de l’homme, nous entrions dans le vingt-et-unième siècle, vous me décernez une médaille, pourquoi ? Pour mon appartenance au monde des outres mers ?
Soyons sérieux, monsieur le ministre, autant pour votre crédibilité́, croyez-vous, ne serait-ce qu’un instant que vous pouvez vous affranchir de l’impéritie de vos collaborateurs en ce qui concerne le projet du mémorial de l’abolition de l’esclavage ?
Je pose la question : Avez-vous la naïveté́ de croire que la médaille de bronze que vous m’attribuez si gentiment pourrait me faire oublier mes engagements faits et à venir ?
Pour finir monsieur le ministre je laisse la parole à la sœur de mon père, Suzanne Roussi : « L’urgence de ce problème culturel n’échappe qu’à ceux qui sont décidés à se boucher les yeux pour ne pas être dérangéś d’une artificielle quiétude : à tout prix, fut-ce au prix de la bêtise et de la mort. Quant à nous, nous sentons que notre troublante époque va faire éclater ici un fruit mûr, irrésistiblement appelé́ par l’ardeur solaire à disperser au vent ses forces créatrices ; nous sentons sur cette terre tranquille, ensoleillée, la redoutable, l’inéducable pression du destin qui ensanglante le monde entier, pour lui donner, demain, son visage nouveau. »
Je pense monsieur le ministre que vous avez compris le sens de mon refus, je ne puis accepter cette distinction qui aurait pour vertu de me remercier de mes engagements à l’égard de mes frères caribéens.
Comptant sur votre compréhension, veuillez croire à l’expression de ma très haute considération et de mes sentiments dévoués.