Carenco à la REF
Tara Govindin, Jean-François Carenco, Bruno Arcadipane d'Action logement et Herve Mariton président de la Fedom
Carenco face aux patrons d’Outre-mer
Le ministre délégué aux Outre-mer s’est livré à un exercice d’échange avec les représentants ultramarins du Medef, mardi, aux Rencontres des entreprises françaises. Cette session a permis d’apprendre que la Première-ministre a accepté de prolonger d’une année les plans de convergence et de transition. Ils devaient s’achever en 2022, ils le seront en 2023, laissant ainsi le temps de préparer avec les élus et les chefs d’entreprises les nouveaux plans 2023-2027. « Je souhaite qu’en préambule, a indiqué le ministre, on imagine quelle économie nous voulions dans quinze ans. » Le ministre souhaite profiter de cette année pour établir « une feuille de route pour chaque sujet ». Il s’agit pour le nouveau titulaire d’Oudinot, ni plus ni moins, que de « changer le modèle économique des Outre-mer ». Il veut insérer nos territoires dans leur environnement économique régional, explique que la vraie réponse au problème du pouvoir d’achat reste « à terme l’activité économique » et que « l’inflation n’est pas plus forte en Outre-mer, mais qu’elle s’adresse à une population pauvre ».
Jean-François Carenco a découvert le bouclier qualité prix (issu de la loi Lurel de 2012) à la Réunion et veut le généraliser à l’occasion du « Oudinot du pouvoir d’achat » (en octobre, sans doute). Jean-Fançois Carenco compte sur les chefs d’entreprise pour qu’ils ne se résignent pas face aux monopoles, qu’ils soient transparents sur leurs marges, qu’ils aillent plus loin dans la formation et le recrutement, le partage de la valeur ajoutée et la lutte contre l’économie informelle. « Vos ambitions, a-t-il déclaré, ne peuvent pas se résumer à un bilan comptable sur un fichier Excel. Enfin, il promet d’ouvrir le chantier des normes « pour essayer des adapter ». En réponse au représentant du Medef de Martinique sur les prêts garantis par l’Etat (PGE) du secteur de l’hôtellerie, le ministre s’est dit favorable à leur transformation en prêts participatifs, « pas partout, dans les secteurs d’avenir ». La réponse sera fermement donnée lors du prochain Comité stratégique du tourisme Outre-mer (CSTOM) le 19 septembre.
Drôle d’humour
Entre vraies annonces et drôles de saillies façon one-man-show, le ministre a semé un certain trouble tant il fallait le suivre pour capter son humour. Comme dans tous ses discours depuis qu’il est ministre, Jean-François Carenco a d’abord à cœur de rappeler qu’il connaît bien les Outre-mer et qu’il les aime. Ses échanges avec le patron du Medef de Saint-Pierre-et-Miquelon où il a été préfet (« J’ai échoué à implanter un casino, mais j’ai réussi à créer une réserve pour les lamas » sic) comme sa façon d’interpeller par son prénom le patron du Medef Guadeloupe, attestent de ce désir de reconnaissance. Mais quand la représentante du Medef de Guyane, Tara Govindin lui propose un new deal pour faire de la Guyane un territoire d’expérimentation qui permette, avec une industrie innovante et éco-responsable, « le développement d’un modèle productif, éducatif et social, qui consacre la France et l’Europe à l’avant-garde de l’industrie bas-carbone », il lui répond un peu légèrement : « Je ne sais pas comment on dit new deal en occitan ? » Non sans avoir admis que la feuille de route à inventer pour la Guyane est de couleur verte.
FXG
L’exhortation de Bruno Blandin, patron du Medef Guadeloupe, au ministre
« La première urgence est politique »
« Les élections présidentielles et législatives ont donne lieu à une abstention massive et à un vote clair de contestation qui s'exprime par un mal-être persistant de la population, une méfiance croissante entre le gouvernement et les élus, une désespérance devant une absence de vision d'avenir et d'ambition porteuse d'espoir. Cette expression électorale fait suite à une longue série, depuis plus de dix ans, de crise parfois de type insurrectionnel. Ces mouvements aux Antilles sont le plus souvent conduit par une organisation dite syndicale et des agents publics se déclarant ouvertement d'une mouvance indépendantiste. C'est particulièrement choquant lorsque ces leaders sont des cadres d'organismes d'Etat payés avec des sur-rémunérations mais exonérés de toute obligation de mobilité ou de loyauté. La situation dans nos DOM se caractérise par la persistance d'un chômage de masse, un déclin démographique, l'exil des jeunes, notamment des jeunes talents, la montée d'une délinquance violente et du phénomène des bandes sur fond de ségrégation sociale, une immigration clandestine grandissante, une crise d'une démocratie locale sans projet, avec une quasi faillite de la sphère communale, l'effondrement de service public aussi essentiel que celui de l'eau, de l'assainissement, de fortes tensions sur les liaisons aériennes et maritimes qui échappent à toute régulation, des situations quasiment monopolistiques, les effets psychologiques, sans doute sous-estimés, d'un sentiment de confinement, d'abandon et d'isolement induit par les mesures sanitaires liées à la crise de la COVID, pas toujours adaptées aux réalités insulaires… Il y a une perte de confiance dans la République et un profond désarroi faute de perspectives et d'ambition porteuse d'avenir, alors oui Monsieur le ministre il y a urgence politique. Une action publique tournée trop exclusivement sur un nécessaire traitement social, ça ne marche plus. Il faut une nouvelle politique faite d'innovation, d'audace, de courage, porteuse d'avenir pour tous, en rupture avec cette désespérance. Il n'y a pas de fatalité nous en sommes convaincus, juste un défi à relever. »
La première réaction de Jean-François Carenco a été de dire que « ce discours a été écrit manifestement avant de m’écouter ». Il a ensuite expliqué que « c’est bien parce que — et les élections l’ont exprimé — j’ai une conscience forte d’une situation dégradée que j’ai accepté de répondre positivement au président de la République ».