Retour sur le dîner présidentiel des Outre-mer
Les Outre-mer la table du président
Le président de la République a annoncé la tenue d’un conseil interministériel des Outre-mer dans six mois et la promesse d’un volet outre-mer en cas de révision constitutionnelle.
Ils étaient cinquante élus à avoir honoré l’invitation à dîner du président de la République mercredi soir sur les cinquante-sept invités (parmi les absents, les députés Guyanais Jean-Victor Castor et Davy Rimane. En revanche les élus martiniquais et Guadeloupéens étaient bien tous présents).
En accueillant ses hôtes, le président de la République a posé le cadre en leur disant que l'objectif de ce dîner de travail était que la parole circule, que les choses puissent être dites et qu'il en attendait des échanges francs.
Après cette introduction, la discussion a été conduite par le ministre des Outre-mer Jean-François Carenco. Les thématiques qui ont été évoquées ont été sans surprise celle de la sécurité, celle de la vie chère, celle des conditions de développement et de rayonnement dans les environnements régionaux ainsi que la question institutionnelle.
Les échanges ont été très fluides. Sur chacun des thèmes, les invités ont pu s’exprimer « avec franchise et clarté et par endroits, selon le sénateur Lurel, avec quelques éclats et une parole drue ». Beaucoup d'attentes se sont exprimées, mais aussi des constats sur la continuité d'une action commencée depuis 2017 avec les assises, le livre bleu et les contrats de convergence et de transformation.
« Il nous faut aujourd’hui bien plus qu’hier, a ainsi déclaré le président Chalus faisant écho à ses collègues Gabriel Serville et Serge Létchimy, renouveler le processus qui crée le lien entre les citoyens et les pouvoirs publiques, processus dans lequel les décisions doivent être prises au plus près de nos populations. »
Logique d'inventaire
La conclusion du débat a été faite par la Première ministre, Elisabeth Borne, et le président a mis sa touche finale en affirmant d’abord qu'il fallait rester dans le temps de l'action. Cela signifie que la démarche du gouvernement ne doit pas être un nouveau processus de diagnostic : l'objectif, c’est l’action. Selon Emmanuel Macron, le plus simple face aux demandes des élus, est de se positionner dans une logique d'inventaire. Il a donc demandé à sa Première-ministre de réunir rapidement les élus et les services des différentes administrations pour que, sur des politiques publiques précises, l’on puisse identifier les freins et trouver les voies et moyens de les lever, que ce soit au niveau organisationnel, réglementaires ou législatif. Il a ainsi annoncé qu’un comité interministériel des Outre-mer serait réuni par la Première-ministre dans les six mois afin de présenter les actions mises en œuvre.
Le président a ensuite encouragé les élus pour que ce travail puisse déboucher sur une vision d'avenir pour chacun des territoires, de manière à pouvoir construire avec une véritable ambition les prochains contrats de convergence et de transformation pour la période 2024-2027. Des engagements formels ont été pris en matière de sécurité, de lutte contre les trafics de stupéfiants et d’armes, de coopération régionale renforcée. Des promesses ont été également faites en matière de développement économique, social et culturel, d’aides aux collectivités pour les grands investissements et équipements du quotidien et de l’avenir. Cela se traduira dans les futurs contrats de convergence et de transformation et dans le budget du ministère des Outre-mer.
Pas de tabou
Enfin sur l'ins-titutionnel (où il était très attendu), le président s’est dit « à l'écoute et ouvert ». De ce point de vue, sans pour autant tracer une feuille de route en indiquant des réformes précises, il a plutôt dirigé les choses vers la future commission trans-partisane qui doit se réunir au niveau national, de telle sorte qu'il y ait un volet outre-mer au sein de cette commission. « S'il faut aller vers de l'institutionnel ou du statutaire, a dit en substance le chef de l’Etat, ce devra être pour une meilleure réponse aux attentes des populations. »
Le calendrier de fin du processus politique de l’accord de Nouméa et la nécessité de construire des institutions renouvelées pour la Nouvelle-Calédonie va permettre une révision constitutionnelle. C’est en tout cas le calendrier qu'ont retenu les présidents des collectivités d’Outre-mer. Mais pour l’heure, personne ne maîtrise ni ces questions organisationnelles ni le calendrier parlementaire. Ce qui est sûr, c'est que le président a répondu positivement au fait que, sur l'institutionnel, dans la perspective d'une éventuelle révision constitutionnelle, la question des outre-mer puisse être abordée. Voilà ce qu’il veut dire en disant qu'il n'a pas de tabou. Ce sont les élus qui viendront porter leurs propositions et l’Elysée assure qu’elles seront observées, c'est cela et seulement cela l'ouverture que le président a faite.
FXG
Ils ont dit
Gabriel Serville : « Notre appel a été entendu »
« Les territoires d’Outre-mer ont, selon moi, été entendus ce soir. Nous sortons de plus de quatre heures et demie de réunion avec la Première-ministre, avec le ministre de l'Intérieur, le ministre délégué aux Outre-mer et ensuite le président de la République. J'ai vraiment le sentiment que notre appel a été entendu puisque j'avais dit que la condition sine qua non pour que je participe au dîner de ce soir était que le président de la République s'engage à établir une feuille de route permettant aux territoires d'outre-mer de pouvoir repartir sur de nouvelles bases. Je crois que c'est ce qu'il a voulu faire ce soir, c'est ce qu'il a démontré : sa volonté d'établir une feuille de route avec un calendrier et avec une obligation de résultats. Concrètement, le président de la République reconnaît que nous sommes arrivés au bout d'un cycle et qu'il va falloir changer de logiciel. Je crois que, là-dessus, je ne puis que me satisfaire des résultats obtenus ce soir. »
Serge Létchimy : « l'Appel de Fort-de-France a produit son effet »
« Nous avons eu une rencontre d’une heure et quart avec Gérald Darmanin et Jean-François Carenco. Après cette réunion on a eu 30 à 40 minutes avec le président de la République pour connaître ses intentions et ça nous a rassuré pour ceux qui ne voulaient pas aller dîner. Puis nous avons eu pratiquement trois heures de réunion-débat sur des thèmes très importants. Il n’y a eu aucun tabou, donc je suis personnellement satisfait de cette rencontre et l'Appel de Fort-de-France a produit son effet ! L'Etat a réagi et maintenant il s'agit de faire un plan de travail, un agenda de travail, ce qu'a proposé le président de la République très concrètement. Cela pourrait nous emmener à des modifications très fortes et pas des modifications cosmétiques, y compris des modifications constitutionnelles et statutaires. »
Ary Chalus : « Une ouverture exceptionnelle »
« Nous savons qu’il y a une ouverture exceptionnelle qui sera faite pour la Nouvelle-Calédonie et nous allons en profiter pour pouvoir entrer dans ce champ de travail, travailler sur les problématiques des sargasses, de l'eau, du transport, de la vie chère, de l'emploi, de la jeunesse ! Et là, le président a accepté de mettre en place un calendrier que nous allons discuter très vite. Je peux dire que nous avons été satisfaits ! Le président de la République à fait un grand discours et lors du dîner, plusieurs thèmes ont été abordés par des élus, notamment par moi-même. Par la suite, des parlementaires, sénateurs ou députés ont posé des questions et ont eu des réponses de la part de la Première-ministre et du ministre de l'Intérieur. La conclusion du président de la République nous a satisfait parce que nous avons été entendus par le président et c’est chose faite aujourd'hui. »
Lurel critique : « Nous avons accueilli tout cela favorablement mais avec prudence, ayant déjà été échaudés, d’autant plus que le Président a employé une formule sybilline sur le "caractère ontologique et anthropologue " de nos difficultés. »
ITW Guy Losbar, président du Conseil départemental
« Il y a un préalable : la fusion des deux collectivités »
Quel est votre sentiment après cette rencontre au sommet ?
C'est un travail de longue haleine que nous avons commencé avec l'ensemble des signataires de l'Appel de Fort-de-France, et qui a pu aboutir puisque le but c'était qu'un chantier soit ouvert, qu'il puisse y avoir un agenda, qu'on lance le processus. Le président s'est très clairement engagé dans ce sens. Maintenant il nous appartient à chacun d'affiner notre stratégie territoriale, de bien déterminer ce que nous voulons, et que cela se fasse en toute concertation avec les socioprofessionnels, les acteurs économiques et culturels, enfin avec l'ensemble de la population, de manière à ce que les résolutions que nous allons prendre dans le cadre du congrès des élus soient issues d'une très large concertation et d'une véritable adhésion.
Jusqu’où le président de la République est-il prêt à suivre les choix que le congrès fera ?
Le président de la République a été très clair : il n'y a pas de tabou. Chaque territoire va se définir en fonction de ses réalités, de ses aspirations et de sa stratégie. Le but poursuivi est que les politiques publiques soient beaucoup plus efficaces et que cela se fasse en co-construction autant que faire se peut avec l'Etat et le gouvernement. C'est en ce sens qu'il n'y a pas de tabou particulier.
Le mot « autonomie » est-il adapté à ce que recherchent les signataires de l'Appel de Fort-de-France, ou est-ce un gros mot ?
Cela va évoluer en fonction des territoires puisque si on parle de la Guadeloupe, il y a un préalable : la fusion des deux collectivités pour plus d'efficacité et de rationalisation. Nous avons aussi besoin d'avoir plus de marges de manœuvre. Le statu quo a montré ses limites et nous devons prendre un certain nombre de décisions au niveau local, c'est de cela dont il est question quand je parle de domiciliation du pouvoir.
Vous parlez de transfert de compétences ?
L'urbanisme, la santé et la fiscalité sont les plus compétences les plus concernées dans le cadre d'une éventuelle évolution institutionnelle. Ces nouvelles marges de manœuvre doivent être vue comme un outil nous permettra d'être beaucoup plus performant.
Ce serait à l'occasion de la révision constitutionnelle au sujet de la Nouvelle-Calédonie que vous aurez une fenêtre de tir ?
Le contexte est favorable pour que les choses bougent. Il nous appartient de nous inscrire dans cette démarche et que nous puissions faire des propositions claires qui montrent notre volonté avec une vision qui doit être partagée, mieux réussir les politiques publiques pour répondre aux attentes des Guadeloupéens.
Tous vos détracteurs vont vous rappeler, en matière de compétences, ce à quoi vous êtes parvenus sur la gestion de l'eau…
Sur ce dossier, c'est sûr que les élus guadeloupéens sont fortement critiqués, mais on sait très bien que l'Etat aussi a sa part de responsabilité. Dans le cadre de la liquidation du SIEAEG, il y a quand même 50 millions de factures qui ne sont pas payées donc c'est bien une responsabilité partagée.
Propos recueillis par FXG