Deux chercheuses de Guadeloupe récompensées
Christine Barul étudie les impacts du travail dans la survenue de cancers
Christine Barul est l’une des lauréate 2022 du prix L'Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science. Cette jeune maman mène des recherches en post-doctorat au sein de l'équipe d'Épidémiologie en santé au travail et ergonomie (Ester), sur le site Antilles en Guadeloupe.
« Ma dernière publication, raconte-t-elle, c'était dans le journal « Environnemental health ». Il s'agissait de montrer que les hydrocarbures aromatiques polycycliques que l'on retrouve dans les fumées d’un boucan ont un impact dans la survenue du cancer de la prostate. »
Christine n’est pas née en Guadeloupe. Ses parents y sont revenus après sa naissance et elle a grandi à Caraque aux Abymes. Elève au collège du Raizet, elle s’est toujours montrée curieuse. « Je cherchais toujours des réponses à tout. Je voulais toujours comprendre comment les choses fonctionnent. J'étais frustrée quand je n'avais pas une explication derrière certains phénomènes. J'avais cette appétence pour la connaissance et donc la recherche s'est imposée naturellement : la voie royale pour mieux comprendre, c'est la recherche ! »
L’adolescente aurait dû aller au lycée Jardin d’Essai, mais après la visite du lycée de Baie-Mahault, elle est sous le charme. « J’ai aimé l’ambiance qui régnait à Charles-Coeffin-de-Trioncelle, le silence, les couleurs... » C'était loin de chez elle, sa mère n'était pas d'accord mais son père l'a suivie ! « J’y ai passé mon bac, sciences de la vie et de la terre. »
Christine passe sa licence de de biologie-biochimie à l'université des Antilles, puis elle s'oriente vers la santé publique et l'épidémiologie à Bordeaux. Elle soutient ensuite sa thèse à l'université Paris-Sud, Paris Saclay fin 2017 puis part au Québec pour son premier post-doc à l’Institut national de la recherche scientifique. Là, elle étudie le rôle du travail de nuit et de certaines expositions chimiques dans la survenue du cancer de la prostate.
Christine a réussi le concours de l’INSERM et elle sera effectivement nommée chargée de recherches ce 14 octobre dans l’équipe du docteur Danièle Luce.
Cancers et pesticides
Christine s'intéresse aux maladies chroniques, notamment le cancer, et au rôle que peuvent jouer les conditions de travail dans leur survenue ou leur évolution. « J’ai l'historique de l’exposition à des mélanges de pesticides des agriculteurs de la banane en Guadeloupe et en Martinique durant toute leur carrière. Je regarde si ces expositions au travail jouent un rôle dans l'apparition ou l’évolution d'un cancer. L'intérêt de travailler sur des populations comme celle des ouvriers agricoles, c'est que les niveaux d'exposition sont plus élevés. On peut mieux les observer mieux les quantifier, mais c'est sûr que de toute façon, les substances que l'on retrouve sur le lieu de travail se retrouvent ensuite dans l'environnement général. C'est le cas de la chlordécone. » Christine ne nous en dira pas plus, ses résultats ne sont pas encore publiés !
Le prix L’Oréal-Unesco, pour les femmes et la science est une belle reconnaissance de son parcours de femme scientifique. « Ce prix est accompagné d'un budget de recherche qui facilitera mes déplacements pour des congrès ou des formations de haut niveau, c'est un encouragement ! Il faut s'accrocher pour faire ce métier. Si vous n'êtes pas passionné, ce n'est pas la peine ! Le budget alloué à la recherche en France n'est pas très élevé, il faut aller chercher des financements auprès de fondations. Il faut convaincre, mais tout ça c'est un challenge. On devient plus persévérant, plus tenace et on apprend à convaincre ! »
FXG
Elodie Calvez et l’eau des moustiques
Elodie Calvez fait aussi partie des lauréats du prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Elle est actuellement en post-doc à l’Institut Pasteur de la Guadeloupe.
Après sa thèse sur le zika à l’Institut Pasteur de Nouméa, Elodie Calvez, une Bretonne originaire du Finistère, a persévéré dans l’entomologie médicale, d’abord en post-doc à l’Institut Pasteur du Laos et, depuis mars 2021, à l’Institut Pasteur de la Guadeloupe. « J'ai commencé à découvrir les maladies transmises par des moustiques et ça m'a tout de suite passionné ! » Elle rencontre son actuelle cheffe d'équipe, Anubis Vegarua, alors qu’elles suivent le même cours « insecte vecteur et transmission d'agents pathogènes » à l’Institut Pasteur de Paris. « On a postulé pour trouver un financement pour payer mon salaire en Guadeloupe et j'ai obtenu la bourse Calmette et Yersin de la division internationale de l'Institut Pasteur, ce qui m'a permis de rejoindre l'Institut Pasteur de la Guadeloupe. »
Elodie s’est spécialisée dans l’étude des paramètres environnementaux, en particulier l'eau dans laquelle les moustiques évoluent. « Je m’intéresse aux nutriments, aux bactéries que l'on peut retrouver dans cette eau et je cherche à comprendre comment ces paramètres vont influencer le développement des moustiques ainsi que son habilité à transmettre les virus. On sait que les bactéries présentes dans le moustique peuvent influencer la transmission des virus, mais on n'a jamais fait le lien entre la nourriture et la transmission des virus. C'est l'objectif de mon post-doc. » Elodie fait de l'élevage intensif de moustiques. Elle ne jamais au-delà de la deuxième génération pour rester au plus près des réalités du terrain. Elodie se donne à fond à ses moustiques. En Guadeloupe, c’est la dengue qui domine. Pour autant, Elle avoue ne pas s’être équipée de moustiquaire dans le logement qu’elle occupe à Chauvel pourtant, elle a attrapé le zika quand elle était en Polynésie. Un vrai scientifique se doit expérimenter les maladies qu’il étudie !
Elodie achève son post-doc dans six mois. « Je suis en discussion pour voir si je peux rester plus longtemps en Guadeloupe. » Quant à espérer un recrutement, sortir de la précarité à laquelle sont assignées les jeunes chercheurs, c’est une autre paire de manches. D’où l’intérêt de ce prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la Science. « Ce prix est une très belle ligne dans le CV ! Ça me permet de financer l'achat d'un nouvel ordinateur, ma participation à des congrès ou à des formations… C'est un prix qui nous permet de poursuivre notre carrière. »