Une Guyanaise lauréate du prix L'Oréal-Unesco poour les femmes et la science
Opale spécialiste des écosystèmes d’eau douce en Amazonie
Opale Coutant est l’une des lauréate 2022 du prix L'Oréal-UNESCO-Pour les Femmes et la Science. Cette jeune chercheuse est attachée de recherche et d’enseignement au laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB) à Toulouse. Elle se consacre sa thèse à l’impact des activités humaines sur la biodiversité des écosystèmes amazoniens.
« Je suis née à la Réunion, mais quand j'ai eu 2 ans, mes parents ont débarqué en Guyane. » Son père était prof de mathématiques au collège Eugène-Nonnon, sa mère, prof des écoles, enseigne toujours à l’école élémentaire Maximilien-Saba, dans le quartier Mango. Opale suit toute sa scolarité à Cayenne et c'est au lycée Félix-Eboué qu'elle passe son bac scientifique. « Je suis ensuite partie faire mes études à Grenoble. » Son premier master porte sur les mésanges dans les Pyrénées. En M2, elle retourne en Guyane pour étudier l'impact des routes sur la dispersion des graines par les espèces frugivores. « Ça a été un stage de master assez incroyable qui m'a donné l'opportunité d'aller sur le terrain pendant six mois ! Après ça, je me suis clairement dit que je voulais rester en Guyane et travailler sur le même type d'écosystème ! »
En Guyane c'est l'antenne du CNRS qui l'accueille. Mais en réalité, une fois sur place, elle est sur le terrain. Les écosystèmes d’eau douce du pays n’ont plus de secret pour elle. « Il y a sept bassins versant différents, ça fait beaucoup de criques ! » Ses recherches sur l'impact des activités humaines sur la biodiversité des cours d'eau concernent les poissons mais aussi les mammifères comme les loutres ou les cabiaïs. Elle participe à inventorier la biodiversité sur les cours d’eau « affectés par des pressions humaines de différentes ampleurs ». L'essentiel de ces activités, c'est de l’orpaillage, notamment de l'orpaillage illégal et l’usage du mercure, puisque c'est la première menace qui pèse sur la forêt de Guyane. Opale n'étudie pas les aspects écotoxicologiques liés à la pollution aux métaux lourds, elle s’intéresse aux aspects écologiques, c'est-à-dire aux changements de conditions environnementales du milieu. « C'est assez dramatique ! Alors que La Guyane et le territoire qui présente le taux de déforestation le plus faible en Amazonie (soit une perte d'environ 1% de la forêt), on a pu mettre en évidence la vulnérabilité des écosystèmes d'eau douce. On observe des déclins drastiques de la biodiversité en poissons (25 %) et en mammifères (40 %). » Chez les poissons, ce sont plutôt les espèces herbivores et détritivores, celles qui sont à la base de la chaîne alimentaire, chez les mammifères, ce sont les tops prédateurs, notamment les loutres et les jaguars, des espèces qui sont classés en danger par l'Union internationale de la conservation de la nature (UICN).
Lors de sa dernière mission sur l’Oyapock, Opale est remontée une trentaine de kilomètres au-dessus de Trois-Sauts. Le Maroni a été échantil-lonné par une équipe qui est remontée presque au niveau des monts Tumuc-Humac. Le Sinnamary a également été échantil-lonné jusqu'à Saut-Parasol, tout comme les bassins côtiers du Kourou, de l’Approuague autour du site des Nouragues. « On a également échantillonné quelques points sur les marais de Kaw, détaille Opale, le seul fleuve qui nous manque c'est la Mana. » C'est le Maroni qui est le plus impacté et de loin. Viennent ensuite l’Oyapock et en dernier le Sinnamary. « L'idée serait de pouvoir faire des prédictions sur les autres fleuves sans avoir à les échantillonner. Pour cela on utilise des modèles mathématiques. » Son équipe a collaboré avec les responsables de l'expédition des sept bornes. « Ils ont aussi fait des campagnes d'échantillonnage dans des zones jamais inventoriées comme le Mitaraka. Ça ne me sert pas dans le contexte de ma thèse, mais c’est extrêmement intéressant parce qu'on découvre des espèces endémiques qui ne sont pas encore décrites, notamment en termes de poissons. »
Le contrat d'attachée de recherche et d'enseignement qu’Opale a décroché lui permet une année supplémentaire de financement car son projet est de terminer sa thèse et dans un deuxième temps de pouvoir monter son propre projet de postdoc. « C'est ce qui me permettrait de rester sur des thématiques similaires à celle que j’étudie dans ma thèse et de poursuivre mes recherches en Guyane. » Des possibilités de collaboration existent avec le Laboratoire Ecologie, Evolution, Interactions des Systèmes amazoniens (LEEISA), un laboratoire de recherche scientifique créé en Guyane en janvier 2016 par le regroupement du CNRS Guyane, de l’Université de Guyane et de l'Ifremer. C’est tout ce qu’on lui souhaite !
FXG