Débat sur le chlordécone à l'Assemblée nationale
« Une loi pour la justice et les réparations ! »
Auditionnées par les députés à l'occasion d'un débat sur « le chlordécone en Martinique et en Guadeloupe », les associations de défense des ouvriers agricoles et de l'environnement ont demandé de façon urgente « une loi-programme pour la justice et les réparations. » Face à eux, les députés de l'opposition ont réitéré leur appel au gouvernement à agir dans ce sens.
Manifestations aux Antilles et à Paris, prises de parole et réunions publiques d'information militantes, jusqu'à un débat en séance à l'Assemblée nationale le lundi 27 novembre : malgré le non-lieu judiciaire du début de l'année, la mobilisation anti-chlordécone ne faiblit pas. Invitées à témoigner par l'élu à l'initiative de ce débat, le député GDR de Martinique Marcellin Nadeau, les associations de défense des ouvriers agricoles et de l'environnement sont unanimes. « Nous soutenons la démarche visant à faire voter une loi-programme pour réparer les conséquences de l'empoisonnement des sols et des hommes et des femmes de notre pays, résumait Yvon Serenus, président du collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides et leurs ayants droit, en vision-conférence depuis la Martinique. Il faudrait une loi globale pour remédier à tous les effets nocifs de l'épandage des produits toxiques, du chlordécone. Il s'agit d'indemniser les victimes de l'empoisonnement. » Prenant la parole un peu après lui, le Guadeloupéen Janmari Flower, du Lyanaj pou depolyé Guadeloupe, a estimé que « les prétendues solutions de dépollution des sols sont présentées comme opérationnelles mais des études de l'État montrent que ce n'est pas du tout le cas. Le préjudice écologique, la contamination des sols, des eaux et de la biosphère ne sont pas prises en compte : ce serait l'intérêt d'une loi de programmation sur dix ou quinze ans. »
Objectif « Zéro chlordécone »
Interpellé par les associations mais aussi par les députés de tous les bancs, le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier a défendu avec ardeur l'action des services de l'État. « Je sais à quel point ce sujet suscite, a suscité et suscitera des émotions très vive et légitimes, a-t-il commencé. Le président de la République a acté pour la première fois la responsabilité de l'État. Aujourd'hui, le plan chlordécone IV est ambitieux. Il y a beaucoup d'inquiétudes mais il faut rétablir la vérité : non, tous les sols ne sont pas contaminés. Non, pour l'instant, on ne peut pas dépolluer les sols avec certaines plantes. On ne peut pas dire non plus que l'eau du robinet n'est pas potable : il y a des normes. On va sortir du risque chlordécone mais cela se fera dans le temps. » C'est probablement sur ce point que les visions du gouvernement, des associations et des députés de l'opposition divergent : tandis que le ministre propose de « sortir du risque » avec une forme de gestion de la crise sanitaire et de meilleurs tests, ses opposants réclament une loi de programmation et un objectif « Zéro chlordécone ».
« Quoique vous disiez, les moyens déployés à ce jour par l'État ne sont pas à la hauteur, s'est par exemple indigné le député LFI de Martinique, Jean-Philippe Nilor. C'est un scandale d'Etat aggravé par la décision de non-lieu, mal perçue dans nos territoires. Il faudra plus que des discours pour réparer, il faudra des actes concrets. Il faut tirer des enseignements de l'histoire. » À quoi le ministre Vigier a répliqué que « ce n'est pas des paroles lorsqu'on met en place 130 millions d'euros de moyens pour la recherche et l'information du public. À l'heure où je vous parle, 45 personnes ont été indemnisées ! » Président de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, le député GDR guyanais Davy Rimane était le dernier à interpeller le ministre dans le cadre de ce débat parlementaire sur le chlordécone. Il en a profité pour élargir le débat et rappeler au gouvernement qu' « il y a eu l'amiante dans l'Hexagone, il y a la chlordécone aux Antilles, il y a le nucléaire en Polynésie et il va y avoir le mercure en Guyane. Préparez-vous parce que ce n'est pas fini ! »
FA Paris