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Publié par fxg

L’ordonnance royale du 4 août 1766 stipule : « Tous les propriétaires de vaisseaux, bateaux, goélettes et bateaux de la Martinique et de Sainte-Lucie feront pouvoir leurs bâtiments d’un pavillon bleu avec une croix qui partagera ledit pavillon en quatre : dans chaque carré bleu, et au milieu du carré, il y aura la figure d’un serpent blanc, de façon qu’il y aura quatre serpents en blanc dans ledit pavillon, qui sera reconnu dorénavant pour celui de la Martinique et de Sainte-Lucie. »

L’ordonnance royale du 4 août 1766 stipule : « Tous les propriétaires de vaisseaux, bateaux, goélettes et bateaux de la Martinique et de Sainte-Lucie feront pouvoir leurs bâtiments d’un pavillon bleu avec une croix qui partagera ledit pavillon en quatre : dans chaque carré bleu, et au milieu du carré, il y aura la figure d’un serpent blanc, de façon qu’il y aura quatre serpents en blanc dans ledit pavillon, qui sera reconnu dorénavant pour celui de la Martinique et de Sainte-Lucie. »

Edouard Tinaugus  : "un drapeau controversé à tort"

Depuis quelque temps, des personnes exercent une pression sur la société martiniquaise pour faire interdire l’emblème des 4 serpents. Au nom d’une pensée anti-esclavagiste et anticolonialiste, ces personnes affirment que l’emblème des 4 serpents est un symbole de l’esclavage et qu’il fait l’apologie de l’esclavage. Aujourd’hui, le débat sur l’histoire des 4 serpents est devenu impossible. Pourtant, rien ne justifie cela. Prenons garde à ne pas nous autocensurer en matière de liberté d’expression. On peut se poser la question de savoir s’il n’y a qu’une pensée unique pour une vérité unique en Martinique ? Je ne le pense pas, nous avons même l’obligation de toujours défendre notre liberté de pensée et de parole. Faut-il rappeler que dans l’histoire de la Martinique, des femmes et des hommes sont morts pour que nous puissions jouir de la liberté d’expression fondée autour des valeurs de diversité, de tolérance et de dialogue ? Le problème lié à l’emblème des 4 serpents est révélateur non d’un mal vivre, mais d’un mal-être. C’est l’arbre qui cache la forêt. La société martiniquaise est en train de prendre un visage qui ne nous ressemble pas. Nous vivons une réalité capitaliste où les nostalgies d’une histoire passée n’ont pas leur place dans cette société multiethnique. Nous devons ajuster en permanence notre vision du monde et le virus du COVID nous le prouve tous les jours. Aujourd’hui, il n’y a pas de bon descendant d’Africains ou de mauvais descendant d’Européens ou autre, il y a une Martinique avec des gens bon ou mauvais qui partagent une culture et une histoire, dont l’histoire des 4 serpents.

Le récit que je vais livrer de l’E4S ne cherche ni à déformer, ni à exagérer, ni à dissimuler les abominations de l’esclavage. L’esclavage est une plaie pour l’humanité et cette plaie fait partie de l’histoire de la Martinique. Ce qui m’indigne profondément dans la polémique autour de l’emblème des 4 serpents, c’est cette blessure à la vérité. Face aux défaillances du présent, l’histoire se doit d’être claire pour que la vérité triomphe des manipulations de toutes sortes.

Je ne viens pas ici pour dire quel emblème, drapeau ou couleur chacun doit choisir pour la Martinique, mais pour apporter des éléments d’histoire afin que l’on sache de quoi il est question.

L’E4S était, à l’origine, un pavillon « azur à la croix d’argent cantonné de 4 serpents ». Il constitue une adaptation locale du pavillon de la marine marchande du Royaume de France. Le pavillon de la Martinique est « les quatre-quarts bleu de France, la croix blanche et les quatre serpents, quatre trigonocéphales ». Le trigonocéphale, de son nom scientifique Bothrops lanceolatus, ou fer de lance de la Martinique, est endémique et emblématique de l’île.

Pouvons-nous penser historiquement que le pavillon bleu à la croix blanche cantonné du serpent endémique de la Martinique est le symbole de l’esclavage en Martinique ?

Pouvons-nous laisser comparer le pavillon bleu à la croix blanche cantonné du serpent endémique de la Martinique à la croix gammée ?

Certains Martiniquais se sont créé un traumatisme de la traite négrière, une forme de schizophrénie qui affecte leur capacité à distinguer la réalité du fait historique, et de ce fait réécrivent l’histoire pour servir leurs intérêts.

La traite négrière a sévi de 1642 à 1848, mais dans les faits, les conséquences de l’esclavage ont perduré bien au-delà de son abolition. Par conséquent, il convient de retracer l’histoire de l’E4S pour comprendre pourquoi il fait partie de l’histoire de la Martinique, pourquoi il n’est pas le symbole de l’esclavage et pourquoi il ne fait pas l’apologie de l’esclavage.

C’est en 1766 qu’une ordonnance royale instaure le pavillon des 4 serpents en Martinique et à Sainte-Lucie. Cent vingt-quatre ans avant son apparition, les bateaux négriers faisaient déjà le commerce des esclaves.

Dire que l’E4S est le symbole de l’esclavage, c’est de la désinformation, de la manipulation, un mensonge, une contrevérité.

« A partir de 1790, les bateaux français devaient arborer un pavillon national unique. A partir de là, nous pouvons penser que les bateaux négriers français ont été sous pavillon tricolore jusqu’à l’abolition de 1848 et peut-être même après »

Le pavillon des 4 serpents a été utilisé en Martinique de 1766 à 1789, autrement dit pendant au moins 23 ans sur une période d’esclavage qui a duré au moins 206 ans. On peut imaginer que de 1816 à 1830, les emblèmes d’avant la révolution ont été restaurés. Cependant sous Louis Philippe, l’usage du drapeau tricolore a été généralisé.

Étant donné qu’aucun bateau négrier n’avait son port d’attache en Martinique, il est normal de penser qu’aucun bateau négrier n’arborait le pavillon des 4 serpents de la Martinique. Aucune calligraphie, ni tableaux de l’époque de la traite ne montre un bateau négrier avec ce pavillon.

Quand on dit que l’emblème des 4 serpents est un symbole de l’esclavage et qu’il était sur les bateaux négriers, c’est la preuve qu’on ne connaît pas l’histoire. Les bateaux négriers qui mouillaient en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, à l’Île Maurice, en Haïti, ne l’ont jamais arboré.

Dire que l’emblème des 4 serpents fait l’apologie de l’esclavage, c’est réécrire l’histoire et méconnaître la portée des mots. Comment un pavillon peut-il défendre ou justifier l’esclavage ? Comment un pavillon peut-il représenter le système esclavagiste ? Comment un pavillon peut-il transmettre une idéologie raciste ?

L’emblème des 4 serpents de la Martinique n’a jamais été le drapeau d’un parti politique, ni d’une idéologie, contrairement à d’autres. Nous nageons en plein délire. En poussant ce délire à l’extrême, je pourrais penser que tout cela est propagé par des « négro-gauchistes ». Il n’y a pas pire qu’un ignorant qui pense avoir la vérité.

Nous sommes dans un pays de droit et jusqu’à preuve du contraire l’emblème des 4 serpents n’a jamais été reconnu ni considéré comme un symbole de l’esclavage, ni n’a été reconnu comme faisant l’apologie de l’esclavage devant la Loi.

Aimé Césaire, Édouard Glissant, Frantz Fanon, et bien d’autres avant nous, n’ont jamais, à ma connaissance, considéré que l’E4S faisait l’apologie de l’esclavage. Serions-nous plus connaisseurs que nos grands penseurs reconnus ?

On pourrait penser que l’utilisation des mots « nègre et béké » entre Martiniquais fait davantage l’apologie de l’esclavage, car lui était un outil du système esclavagiste.

Aujourd’hui, les Martiniquais doivent se réapproprier leur histoire pour ne pas se laisser manipuler par les mensonges d’esprits malhonnêtes à des fins malsaines. Nous devons faire face à notre histoire et prendre nos responsabilités quand nous brandissons un drapeau au nom de la Martinique. L’histoire ne doit pas être la cause de tous nos maux.

Des générations d’hommes et de femmes se sont battues pour se libérer de l’esclavage. Réduire toute l’histoire esclavagiste et tous les problèmes de la Martinique à l’E4S est une insulte à la mémoire de ces hommes et de ces femmes.

Pour ma part, faire croire que l’emblème des 4 serpents est le symbole de l’esclavage ou qu’il fait l’apologie de l’esclavage, n’est qu’un écran de fumée « politique » dont le seul but est d’occulter les vrais problèmes de la Martinique. Ce n’est pas un drapeau ou un emblème, quelle que soit sa couleur, qui va régler les problèmes des Martiniquais. Bien au contraire, c’est ajouter un problème aux problèmes.

Karl Marx a dit « celui qui ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre ». Cela pourrait expliquer pourquoi certains Martiniquais se considèrent encore et toujours comme esclaves dans l’histoire. Ils se rendent esclaves de leur histoire. Ils sont devenus esclaves de l’esclavage.

Quand on ne maîtrise pas son histoire, on est manipulé dans notre conscience.

Édouard Tinaugus

L’E4S en dates :

1635 : création de la Compagnie des Iles d’Amérique et premier débarquement de Français

dans l’Île.

1642 : la traite négrière prend son essor.

1685 : édit du code noir

1766 : ordonnance royale pour le pavillon des 4 serpents1.

1789 : la révolution française.

1790 : création du premier pavillon national unique

1794 : première abolition

1794 : création d’un deuxième pavillon national tricolore avec la disposition actuelle « bleu au mât, blanc au centre et rouge flottant ».

1802 : Bonaparte abroge le décret d'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises.

1809 : début de l’occupation de la Martinique par les Anglais

1814 : l’occupation de la Martinique par les Anglais prend fin

1848 : abolition de l’esclavage

 

 

 

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