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Publié par fxg

Instruction dossier chlordécone : l'offensive des parties civiles

Les parties civiles demande des mises en examen dans le dossier chlordécone

A quelques jours de la réponse du parquet à l’avis de fin d’instruction du dossier de plainte contre le chlordécone, les parties civiles, dont la CTM, le CRAN et Ecologie urbaine mettent en place l’ultime offensive reposant désormais sur une connaissance précise du dossier d’instruction qui révèle des éléments accablants. Elles demandent des actes supplémentaires aux magistrats instructeurs pour tenter d’obtenir enfin leur transport sur place.

Dans l’affaire de la plainte pour mise en danger d’autrui, administration de substances nuisibles et tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l’utilisation du chlordécone déposée par plusieurs associations en Martinique et en Guadeloupe depuis 2006, le parquet doit rendre son réquisitoire avant la fin du mois de juin. En effet, le 31 mars dernier, les deux juges d’instruction du pôle santé publique, accident collectif et environnement du tribunal judiciaire de Paris, Brigitte Jolivet et Fanny Bussac, ont rendu un avis de fin d’instruction. Avant que ce délai ne soit échu, les parties civiles ont adressé aux deux magistrates des observations et demandes d’actes. Ainsi la Collectivité territoriale de Martinique demande aux juges d’élargir leur instruction « au crime d'empoisonnement et que le parquet fasse un réquisitoire supplétif visant ce crime », en s’appuyant sur le rapport d'expertise de Jean-Luc Rivière et de Myriam Siegwart, qui indiquent que « la toxicité du chlordécone était connue de la communauté scientifique française et internationale ».

La CTM demande encore à ce que son président Serge Létchimy, qui a par ailleurs présidé la commission d’enquête parlementaire pendant deux ans, soit entendu. Le président Létchimy, sans doute un des meilleurs connaisseurs du dossier, a d’ailleurs fait part de ses observations sur les éléments à charge, l’instruction comme sa commission d’enquête ayant permis de déterminer l’historique et les circonstances de la pollution au chlordécone. Ainsi, la découverte de chlordécone en 2002 dans des patates douces à Dunkerque a permis d’établir qu’elles provenaient de terres de l’habitation Macouba qui avaient été plantées naguère en bananes, puis données en fermage à un maraîcher. L’enquête a conclu à l’époque à l’absence de preuve suffisante pour aboutir à une mise en examen.

15 à 20 tonnes écoulées hors délais

Par ailleurs, la CTM revient sur l’utilisation du pesticide au-delà des délais légaux : « L’utilisation des stocks témoigne d’une gestion défaillante du dossier par le ministère de l’Agriculture. » En cause « la pression exercée par les groupements bananiers (SICABAM, GIPAM et ASSOBAG) qui invoquaient l’absence de solution opérationnelle alternative pour lutter contre le charançon du bananier ». Les procédures administratives lancées à partir de juillet 1994 (94 sacs de 25 kilos de Curlone saisis auprès de la SARL Agrisol en Guadeloupe) ont montré que cette SARL se fournissait auprès de la société Phyto-Center (correspondant en Guadeloupe de la société Joseph Cottrel, filiale des établissements Laurent de Laguarigue) depuis septembre 1993 (en tout 440 sacs). Le dirigeant Guy Cottrel indiquait avoir vendu 15 à 20 tonnes de Curlone achetés en 1991. Eric Eberstein, chef de service à la DIRECCTE en Guadeloupe, a expliqué au cours de son audition lors du déplacement de la commission d’enquête que « des revendeurs qui avaient bien pris connaissance de cette interdiction de commercialisation (…) pensaient naïvement que cette interdiction ne concernait pas les stocks. » Ainsi après le 1er mars 1994, les ventes de pesticide ont perduré alors que « des techniques de lutte comme le piégeage ou d’autres produits chimiques non rémanents n’avaient pas la faveur des groupements de producteurs de bananes, qui les jugeaient onéreux et agissaient pour qu’elles ne soient pas diffusées ».

Le rapport d’enquête parlementaire conclut pour dire que « malgré la connaissance de la dangerosité de la molécule, et les alertes successives sur sa toxicité, l’État a autorisé la commercialisation et l’usage du chlordécone. Cette utilisation a bénéficié d’un soutien actif des industriels, des groupements de planteurs et des services de l’État sur place. »

Pour contrer le risque très réel de prescription, la CTM indique que « l’empoisonnement est demeuré pendant longtemps occulté (…) et que la dissimulation des infractions a suspendu le délai de prescription, qui ne peut courir qu’à compter de la révélation en 2004 du scandale au grand public. » L’avocat et maire écologiste de Pointe-à-Pitre, Harry Durrimel, nourrit lui aussi cet argumentaire au nom des associations qu’il défend en Guadeloupe.

Au final, la CTM demande aux juges de mettre en examen les maraîchers Élianne et Félix Francourt et le propriétaire foncier Antoine Marraud des Grottes et de les confronter. Elle souhaite également l’audition et la mise en examen des responsables en 2002 des groupements SICABAM, GIPAM et ASSOBAG, d’Eric Raimbaud, cadre de l’établissement Laguarigue, et Lionnel de Laguarigue.

FXG

Le CRAN demande la mise en examen de Bernard Hayot

Dernière partie civile intégrée dans le dossier chlordécone, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) demande aux magistrats instructeurs de procéder aux auditions et mises en examen de Lionnel de Laguarigue, Henri Ernaoult, directeur adjoint des établissements Laguarigue, la société Phyto-Center et son représentant légal. Le CRAN demande par ailleurs l’audition et la mise en examen de Bernard Hayot, président du groupe Bernard Hayot. Pour justifier une telle demande Patrick Lozès, président du CRAN s’appuie sur une déclaration jointe à l’instruction du préfet Alain Frouté qui explique la situation par la « toute puissance de la famille Hayot..., ce problème (du chlordécone)... n’était pas identifié à l’époque. »

Louis Boutrin, de son côté pour l’association Ecologie urbaine, a demandé l’audition d’une dizaine d’ouvriers agricoles, tout comme le bâtonnier Germany pour deux femmes également employées agricoles de la banane. Là encore, c’est la même stratégie pour obtenir le transport des juges d’instruction aux Antilles, puisqu’ils n’ont jamais encore daigné s’y rendre. Car sans mise en examen, le dossier va tout droit vers le non-lieu.

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