Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par fxg

Les Saramakas sous les feux de la rampe en AvignonTroupe-KS-and-Co.jpg

« Je suis venu au festival d’Avignon avec la compagnie en tant que stagiaire et, en fait, je suis le régisseur de plateau. »Dawsen Dawsen s’est occupé des décors et des accessoires pendant qu’un autre de ses camarades, élève comme lui de l’école des arts du spectacle de Saint-Laurent du Maroni, prenait en charge la régie son et lumière de la pièce l’Os que la compagnie Kokolampoe  a joué durant tout le mois de juillet au théâtre d’Outre-mer en Avignon, sur la scène de la chapelle du Verbe incarné dans le cadre du festival « off ». L’Os a été créé au festival des Tréteaux du Maroni avant d’être joué à Mana. Et sans passer par la case Cayenne, la troupe d’apprentis techniciens et comédiens emmenés par Serge Abatucci et Ewlyne Guillaume, s’est retrouvée projetée sous les feux de la rampe avec une représentation tous les jours au même titre que le millier de spectacle qu’a accueilli l’ancienne cité des papes. Et jamais devant une salle vide ! L’Os, une pièce écrite par le Sénégalais Birago Diop, était la seule pièce qui permettait au spectateur avignonnais d’entendre la langue saramaka tongo. Quasi une première mondiale,  mais qui n’a pas pour autant tourné la tête de la quinzaine de jeunes Bushinengués venus des bords du Maroni jusqu’au bord du Rhône. Mirmonde.jpg « En plus de venir de nulle part, nous, des descendants d’esclaves, on remplit le théâtre au même titre que les autres troupes et c’est kiffant ! » Mirmonde joue le rôle de Yéyéta, une enfant qui a toujours rêvé d’aller à l’école, un rêve contrarié par la tradition… Dans la réalité, Mirmonde est une native de Saint-Laurent, d’origine haïtienne et qui avait démarré ses études théâtrales à Toulouse avant de rejoindre l’école de Saint-Laurent en deuxième année. « Je fais très moderne et j’avais peur de ne pas faire partie du groupe… » Non seulement, elle se trompait, mais elle a pu en profiter pour apprendre beaucoup de la culture saramaka. L’Os, dans cette version musicale et bilingue, illustre parfaitement la situation de ces jeunes Bushinengués confrontés à la modernité guyanaise, ce que raconte aussi la fable de Birago Diop. Kimmy.jpgKimmy Amiemba est Awa, l’héroïne de L’Os. Son personnage est la femme qui se révolte contre les hommes… Une situation en soi presque révolutionnaire chez les Saramakas. « Quand je suis sur scène, je suis libre », clame-t-elle. Mario Kwadjami est Moussa, lui aussi refuse la tradition et s’oppose à son frère, le mari d’Awa. En cette soirée de la fin juillet, après leur représentation de l’après-midi, la troupe du Kokolampoe théâtre-école, s’apprête à pénétrer dans la fameuse Cour d’honneur du palais des papes, là où se joue la crème du théâtre contemporain avec les spectacles du « in », le festival officiel d’Avignon. Ce soir-là, les jeunes Saramakas ont vu Partita 2, un spectacle dansé. Les apprentis repassent côté spectateurs. C’est cela aussi l’apprentissage du théâtre.

FXG, à Avignon


De la forêt à la scène

Serge-Abatucci-Ewlyne-Guillaume.jpgSerge Abatucci, co-directeur de l’école et comédien partage la scène avec ses élèves. C’est une sorte d’aboutissement du travail qu’il a entamé il y a déjà longtemps. « Pour la société Saramaka, les femmes ne devraient pas être sur scène ; le spectacle vient questionner la tradition comme ma présence dans leur village. » Ca a commencé par une rencontre, un voisinage et puis il a fallu instaurer de la confiance. Pendant longtemps Serge Abatucci a eu besoin de passer par un médiateur, Abaï. Quand ce dernier est décédé, en 2010, il a bien fallu qu’il avance à découvert. Imprégné des concepts glissantiens de la créolisation et du tout monde, Serge a su se faire adopté par toute la communauté. Il a monté Kaïdara, une pièce qu’ils ont travaillé dans le haut Surinam, dans une sorte de « remontée métaphorique du fleuve », puis il a fait venir une cinquantaine de femmes (Seket Inouyé ?) au festival des Tréteaux… Voilà comment la relation est née, voilà comment a été rendue possible cette première affiche saramaka en Avignon. « Ni un projet théatral, ni un projet anthropologique, précise Serge, mais un voisinage et une idée : faire des choses ensemble. » Un verre de rhum, des chansons, puis il y a eu Koudip à la maison de l’Amérique latine à l’invitation d’Edouard Glissant et, enfin, Avignon avec L’Os.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article