Paris et la rue Gerty-Archimède
Rue Gerty-Archimède, Paris XIIe
La rue Gerty-Archimède a été inaugurée par Anne Hidalgo, adjointe au maire de Paris et Michèle Blumenthal, maire du XIIe, mardi dernier.
La nouvelle rue Gerty-Archimède se trouve dans le XIIe arrondissement, en bordure des anciens chais de Bercy, entre la rue Baron Le Roy (inventeur du système des appellation d’origine contrôlées) et ses vieux platanes et le chemin de fer du TGV sud et ses catainers). Elle fait face à la rue de l’Aubrac. La rue Gerty-Archimède dessert un espace encore vierge qui relevaient, il y a peu encore, de la SNCF. Elle n’a que 3 numéros pour l’instant : le 1 (un parking), le 3 ( ?) et le 5 (un portail vitré). Ils desservent tous une école polyvalente toute neuve et encore sans nom (mais elle portera, elle aussi, le nom de Gerty Archimède). De l’autre côté, face à l’école, des barrières vertes et grises de chantier. Le numéros pairs n’existent pas encore. Et au fond, ces mêmes barrières qui cachent mal un autre terrain vague à construire, en bordure des rails.(Photos de Régis Durand de Girard et DR)
Un chantier
Le TGV passe doucement et barre la ligne d’horizon que cacheront bientôt des édifices. La rue s’achève en placette et en impasse, devant le portail de l’école. Pas une âme, dans cette encore demi-rue, mais les cis des enfants, derrière le mur… Deux jeunes femmes en formation rejoignent la rue Gerty-Archimède. Elles suivent un stage de formation dans l’école encore sans nom. Elles ignorent qui est Gerty Archimède, mais elles se reprennent : « Tout est expliqué sur la plaque ! ». Une autre stagiaire a été plus curieuse : « Je l’ai lue ce matin et j’ai appris quelque chose car je ne connaissais pas. »
A l’entrée de la rue Gerty-Archimède, côté rue Baron Le Roy, un hôtel à droite (89 euros la nuit), un coiffeur à gauche (qui cherche des modèles), de part et d’autre deux plaques de rue au nom de la députée guadeloupéenne déclime son cursus : « Première femme avocate de Guadeloupe, première femme députée de la Guadeloupe… ». Vingt mètres après le début de la rue, des bittes amovibles interdisent l’accès aux voitures. Les trottoirs sont pavés et le macadam flambant neuf. Pas d’arbre ni de façade, la rue Gerty-Archimède est à l’image de la France de la diversité, encore en chantier.
Quelques rues ultramarines à Paris
Les noms de rues parisiennes faisant référence à l’outre-mer est encore limité. Il y a bien sûr la places des Antilles à Nation, il y a la rue du Chevalier Saint-George dans le 8e (qui a pris la place de la rue Richepance), les rues de la Martinique et de la Guadeloupe dans le XVIIIe, la rue Louis Delgrès dans le XXe, l’esplanade Gaston Monnerville dans le 6e et, désormais la rue Gerty-Archimède. Dans le XVIIe, la place du général Catroux, débaptisée sous l’occupation, n’a pas encore retrouvé son nom de place des Trois-Dumas.
"Un signe fort d'intégration des populations d'outre-mer dans l'histoire de la France"
Comment la mairie de Paris a eu connaissance de cette femme ?
George Pau-Langevin, déléguée auprès du Maire de Paris pour les affaires des ressortissants d'Outre-mer (notamment), est la cheville ouvrière de cette initiative et en est à l'origine. Elle a été saisie par les élus communistes et la Maire du 12e arrondissement. Gerty Archimède est très connue dans les milieux politiques de gauche et de droite et elle est une figure emblématique de l'Outre-mer. Rappelons que Ségolène Royal y avait fait référence récemment, et Lucete Michaux-Chevry (bien que de droite) s'en dit l'héritière.
Que signifie pour vous cette reconnaissance ?
Il existe très peu de rues dans Paris portant un nom de femme et encore moins de rues portant le nom d'un personnage historique ressortissant des DOM-TOM. Le fait d'avoir nommé du nom de Gerty Archimède une rue ainsi qu'une école est un hommage à sa lutte politique et sociale en tant que femme et femme antillaise. Elle est un signe fort d'intégration des populations d'outre-mer dans l'histoire de la France et une reconnaissance forte de leur identité au sein de l'unité nationale.
La rue vous plaît-elle ?
La rue me plait car elle est située dans un quartier vivant en plein développement. C'est, dit-on, le 16e du 12e arrondissement. Elle n'est donc pas de "seconde zone". Le fait qu'une école y soit établie et qu'elle se situe à deux pas d'établissements culturels de qualité (cinémathèque française, salles C), d'un grand parc et de lieux de vie, de rencontres et de loisirs, me semble important. D'autre part, l'histoire ouvrière du quai de Bercy, renvoyant symboliquement (par les vins et spiritueux notamment) au port de Basse-terre, donne une épaisseur supplémentaire à la présence de Gerty Archimède dans le quartier.
Gerty Archimède (26 avril 1909-15 avril1980 à Morne à l’eau)
Gerty Archimède, aînée d'une famille de cinq enfants, est née le 26 avril 1909 à Morne à l’eau et travaille, après avoir obtenu son baccalauréat, à la Banque de Guadeloupe, avant de commencer en Martinique des études de droit, qu’elle termine à la Sorbonne. Après ses études, elle revient en Guadeloupe et prête serment en 1939, devenant ainsi la première femme avocate des Antilles. En 1945, elle est élue conseiller général sur la liste d’entente prolétarienne Social Communiste, et devient l’année suivante, une des premières femmes député. Elle siège sur les bancs du PCF jusqu’au 17 avril 1951. L’année suivante, elle réintègre le barreau de la Guadeloupe, puis est élue, en 1953, adjointe au maire de Basse-Terre (M. Chaufrein), tout en continuant ses activités d’avocate. Elle sera maire du chef-lieu de 1953 jusqu’en 1956. En 1969, Gerty Archimède accueille et héberge clandestinement Angéla Davis, la militante noire des droits civiques aux USA. Aujourd’hui, elle est honorée pour son combat pour la défense des droits des femmes. Militante féministe, elle crée en Guadeloupe une fédération de l'Union des Femmes Françaises qui deviendra l’Union des Femmes Guadeloupéennes. Elle décède donc le 15 avril 1980, à Morne à l’eau, là même où elle était née.
(D’après les éléments biographiques transmis par Pierre Archimède)
La phrase
« Elle voulait donc être la première, non pour satisfaire un quelconque égocentrisme, mais pour donner l’exemple et aider ses sœurs Guadeloupéennes et Antillaises à se libérer. A juste titre, elle est considérée comme la pionnière de l’émancipation féminine en Guadeloupe » Lucie Julia, dans un livre sur la vie de Gerty Archimède, « Fleur et Perle de la Guadeloupe »