Gérard d'Aboville et la pêche en outre-mer
Deuxième empire maritime mondial, la France néglige ses ressources halieutiques, tel est le constat dressé par Gérard d’Aboville et le Conseil économique et social.
Gérard d’Aboville, grand rameur solitaire et membre du conseil économique et social (CES), présente à ses collègues du palais d’Iéna, aujourd’hui, un avis sur la pêche en outre-mer. Cet avis fait suite à un rapport de mission qui l’a conduit en Guadeloupe, en Guyane et Martinique (mais aussi les autres COM), entre 2006 et 2007. Son rapport rappelle d’abord que le France est la deuxième puissance maritime du monde derrière les Etats-Unis eu égard à la taille de sa zone d’exclusivité économique de 11 millions de km2, et souligne que nos richesse halieutiques sont largement sous-exploitées. On pêche annuellement sur la planète 94 millions de tonnes de poissons ; la France ne pèche que 600 000 tonnes (soit 0,6 %) et en outre-mer, ce total n’excède pas 50 000 tonnes, soit 0,5 pour 1000 ! Malgré ces chiffres et si le produit intérieur brut de la pêche outre-mer se limite à 1 ou 2 %, la pêche joue un rôle essentiel en matière d’alimentation et de revenus. L’outre-mer est importateur de poissons et en consomme peu, mais « aux Antilles, on importe la majorité du poisson du Venezuela alors que la Guyane est potentiellement producteur », souligne le conseiller qui regrette : « En Guadeloupe et Martinique, les restaurateurs nous ont servi de la daurade congelée importée… » Il conviendrait donc de mieux exploiter la ressource et d’encourager sa protection en généralisant les cantonnements dans les zones de lagon pour aller plus au large. Mais il faut pour cela mieux connaître la ressource. « Il y a 200 espèces répertoriées en Guyane et elles sont inexploitées ! »
Le paradoxe européen
Il conviendrait encore d’éradiquer la pêche illégale, première responsable de la menace de disparition d’espèces (comme le thon rouge, le thon jaune ou le requin). Mais pour éloigner nos pêcheurs des zones côtières où il y a surpêche, il faut moderniser les flottes. Or, le statut domien de nos territoires interdit, à compter de novembre 2007, l’aide à cette modernisation. L’Europe a autorisé une augmentation des flottes (en puissance : + 63 % en KW, et en jauge : +23 %), mais l’absorption des navires non répertoriés entame déjà largement ce capital supplémentaire et dérogatoire ! En conséquence, les mesures européennes de protection des espèces conduit, outre-mer, à encourager leur surexploitation ! Le rapporteur souligne encore l’inorganisation des filières de vente et de la profession…
Enfin, se basant sur l’exemple de la pêche à Saint-Pierre et Miquelon, le rapporteur souligne la légèreté de la France dans les négociations sur la morue avec le Canada il y a 15 ans, car « bientôt on ne parlera plus de poissons, mais de pétrole ! » Bref, la France a bien un empire maritime colossal, mais elle ne l’exploite pas.Gérard d'Aboville, rapporteur, et Michel Paoletti, président du groupe outre-mer au Conseil économique et social,lundi, au salon Eifel du palais d'Iéna.
La pêche martiniquaise en chiffres
1 100 exploitations officiellement, mais sans doute 2 000 si l’on tient compte de la pêche non déclarée (soit 1,4 % de la population active), produisent l’essentiel des 6 000 tonnes annuels (sur une consommation de 15 000 tonnes).
Cinq unités de pêche au large (16 à 25 mètres) exploitent le plateau guyanais où elles pêchent le vivaneau.
La pêche guadeloupéenne en chiffres
6 500 emplois proviennent directement de la pêche (dont 800 patrons pêcheurs et 400 marins) et son chiffre d’affaires annuel est estimé à 80 millions d’euros, soit 1,2 % du PIB. La production est estimée à 10 000 tonnes par an (pour une consommation de 15 000 tonnes). Un millier de saintoises sont immatriculées mais 2 000 seraient en circulation. Une soixantaine de navires de 9 à 12 mètres pratiquent la pêche au large, tandis que seuls six navires de plus de 12 mètres pratiquent des campagnes de pêche sur le plateau guyanais.
La pêche guyanaise en chiffre
La pêche est la 3e ressource économique après l’industrie spatiale et l’orpaillage. La production atteint le 6 200 tonnes qui rapportent 20 millions d’euros. 140 navires, dont 51 chalutiers crevettiers et 90 en artisanal, embarquent quelque 500 marins essentiellement du Guyana ou du Brésil. 160 autres travaillent à terre dans la transformation.
La production de crevettes (2 230 tonnes en 2006) est exportée à 90 % vers la métropole, les Antilles et l’Espagne. Son prix moyen est de 6 euros le kilos. La pêche artisanale produit 2 500 tonnes et génère un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros.
45 navires bénéficient de licence européennes dont 41 ligneurs vénézuéliens. Ces derniers ont produit 1310 tonnes de vivaneau en 2006. Les quatre autres pêchent le requin.