Mme Brune
Marie-Jeanne Serbin, brune, exigeante et Martiniquaise !
Près de quinze ans après sa disparition, le bimestriel Brune est à nouveau disponible dans kiosques en Afrique, en Europe, et aux Amériques. Rencontre avec sa fondatrice et directrice de la rédaction, la Martiniquaise Marie-Jeanne Serbin-Thomas.
« En tant que femme noire, je ne me retrouvais pas dans la presse féminine. A part Amina, il n’y avait rien pour les femmes de mon profil, sauf si j’avais été une femme battue ou violée ! Les magazines féminins comme Elle ou Marie-Claire n’était pas faits pour nous. » C’est décidé et Marie-Jeanne Serbin sort le premier numéro de Brune en 1990. « C’était le premier magazine féminin haut de gamme pour les femmes noires. »
Le magazine s’est très bien vendu sur l’Afrique jusqu’en 1994, moment où le franc CFA a été dévalué. « On a continué à bien vendre, mais le chiffre d’affaires a été diminué de 50 %. J’ai dû faire le difficile choix de mettre le titre en suspens. » Elle entre alors dans le groupe de presse JDEPPE qui publie Jeune Afrique économie où on m’a proposé de monter un magazine de même segment. » C’est ainsi qu’est apparu sur le marché Diva. De 1999 à 2006, Marie-Jeanne en a été la rédactrice en chef.
L’année dernière, Marie-Jeanne fait un déplacement en Afrique et se rend compte que tout le monde l’appelle encore « Mme Brune » et que le souvenir de son magazine est très vivace. En décembre, Marie-Jeanne décide de ressusciter son bébé. Et voilà le bimensuel relancé.
100 % indépendant
« Nous en sommes à 4 numéros avec le prochain qui sort en juillet. » Sa cible n’a pas changé : la femme noire exigeante dans le monde entier. « On a toutes les mêmes problèmes, mais des manières différentes de les exprimer. Par exemple, l’Antillais cherche à améliorer sa chevelure, l’Africaine cherche plutôt à la masquer. » Une ligne éditoriale qui s’adresse à des femmes qui ont des vécus différents et dont ce vécu n’a jamais été pris en compte par la presse. « On fait de ces femmes des consommatrices et non des actrices de leur propre vie. »
Six mois après la renaissance de Brune, Marie-Jeanne peut s’estimer satisfaite : « La notoriété de Brune m’a permis de décrocher de nouveaux marchés comme le journal d’une municipalité du Congo (RDC) ou un magazine pour une compagnie aérienne africaine… » Du coin de sa Bretagne où elle s’est installée, elle fait travailler cinq personnes (fabrication), et un réseau de 7 journalistes dispersés sur la planète. Son journal 100 % indépendant est financé à 40 % par la pub. « Mes critères sont ceux de la presse internationale. » Et ça marche, puisque avec ses 30 000 exemplaires, elle touche 300 000 lecteurs.
« Mme Brune »
Marie-Jeanne Serbin-Thomas est née à Dakar. Son père, originaire du Carbet, y était administrateur, et sa mère (née à Ducos), directrice d’école. « J’y suis née et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 15 ans. » Puis ça a été un an en Guadeloupe avant un atterrissage en métropole où elle passe son bac. Elle enchaîne avec une licence d’anglais, une autre d’ethnologie et un DEA d’esthétique. « Je suis arrivée au journalisme par la petite porte comme pigiste chez Africa international. » Elle en devient presque aussitôt rédactrice en chef adjointe. « Depuis vingt ans, je suis rédactrice en chef. Je sais faire un journal de A à Z. » Brune est un nom qui lui était apparue en rêve et qui satisfait ses exigences morales : « Brune n’a pas la connotation ethnique de couleur qui peut-être traumatique… »