INTERVIEW CESARIA EVORA
"L’espoir est la dernière chose qui meurt"
Cesaria Evora reçoit dans un hôtel trois étoles du XVIIe arrondissement de Paris. Assise dans un petit coin salon avec son assistante, Gabriela, elle boit un café. Devant elle un paquet de blondes fortes. Elle enchaîne les clopes, mais ne les fume qu'au trois-quarts. Interview avant une tournée internationale entre la Russie et les Antilles.
Il y a longtemps, vous chantiez dans votre petite île de Saint-Vincent et le monde ne s’intéressait pas à vous. Désormais, le monde entier vous écoute. Pensez-vous avoir atteint l’universalité ?
Je pense que oui dans la mesure où je voyage beaucoup ! Mais il y a des années, quand je chantais à Mindelo, des gens m’ont déjà entendue chanter. Au Cap-Vert, dans les bars, il y avait beaucoup de marins. Le port de Saint-Vincent était très fréquenté. Et des gens m’ont dit, des années plus tard, m’avoir entendue au pays. Mais je ne m’en rappelle pas…
Vous donnez l’impression de parcourir le monde comme vous parcourez les rues de Mindelo. Quel est le secret de votre simplicité ?
C’est en moi, c’est naturel. Je suis née avec. C’est avec le même sentiment que je chantais à Mindelo que je chante sur toutes les scènes du monde.
D’une île à l’autre, de part et d’autre de l’océan Atlantique, vous vous sentez proches des Créoles des Caraïbes ?
Je suis venue me produire aux Antilles pour la première fois, il y a neuf ans et je m’en sens très proche dans la mesure où nous avons des racines communes. Dans nos musiques, nous utilisons beaucoup d’instruments que ceux qui sont utilisés aux Antilles, en Guyane, au Brésil, à Cuba… Le Cap-vert partage avec ces pays des racines communes. Je m’en sens proche, c’est évident. Il y a très longtemps à Angoulême, un journaliste m’a demandée si je chantais du blues. Non, de la morna, mais c’est la même souffrance que nous chantons, le racisme… C’est un peu ça.
En 1988, vous avez interprété dans La diva aux pieds nus, un morceau, Bia Lulucha, qui est une coladera aux accents zouk. Aimez-vous le zouk ?
J’aime bien écouter le zouk d’autant que beaucoup de Capverdiens chantent dans le style zouk. Enfin, qu’ils appellent zouk capverdien… Je connais beaucoup d’Antillais, mais des artistes antillais, je n’en connais pas. Le seul groupe que je connaisse est Kassav. J’ai chanté une fois une sodade à la télé avec Jocelyne Bérouard.
Votre succès est venu pleinement quand votre voix a été vraiment mise en avant, avec une ambiance acoustique. Avez-vous conscience que votre voix reflète une identité forte dans laquelle beaucoup se retrouvent ?
Je ne saurai vous dire… Il y a beaucoup de versions. Certains me disent que c’est ma musique, certains la nostalgie, d’autres ma simplicité… Chacun donne sa version. Les gens me donnent des surnoms aussi : La diva aux pieds nus, du nom de mon premier disque, le vieux porto… Comme un rhum vieux ! Ma voix qui vieillit devient meilleure et les gens aiment ça.
Une nouvelle génération d’artistes capverdiens se revendique de vous comme Gabriela Mendez. Quel regard portez-vous sur cette jeune génération ?
Je connais beaucoup d’artistes capverdiens d’un certain âge, mais les plus jeunes, je les connais moins. Mais je les apprécie et je pense qu’ils continuent une voie que j’ai ouverte. Ils ne seront pas Césaria Evora, mais ils sont devant une porte ouverte. Je n’ai même pas besoin d’en parler, on m’en parle dans les interviewes ! Vous connaissez Lura ? C’est José da Sylva, mon producteur, qui la produit !
Les rappeurs de la MC Malcriado (dont Stomy Bugzy) revendiquent la morna comme une de leurs influences. Vous voyez ça comme une transmission ou un massacre de vos valeurs ?
(Rires…) Ces jeunes chantent une musique totalement différente de celle que je chante, c’est leur problème. Mais j’ai des petits-enfants et eux, ils vont aimer ! C’est une autre génération… Et puis, j’aime bien Stomy. Même s’il ne chante pas la même musique, c’est un Capverdien que je connais. Ses parents aussi. Je l’ai revu en juin pendant le semaine capverdienne. Il était avec Mayre Andrade, sa copine ! J’ai connu son père qui a grandi à Dakar, au Cap-Vert, quand il venait y passer ses vacances, on est devenus amis…
En un mois, vous allez chanter à Moscou, en Sibérie, en Serbie, en Lituanie, en Espagne, en Norvège, aux Antilles et en Guyane, que nous réservez-vous ?
Il y aura beaucoup de morceaux tirés de mon dernier album, Rogamar (priez la mer, en créole capverdien), mais il y aura d’autres chansons, celles que le public réclame, Sodade, Angola… Je crois qu’il y a un Martiniquais qui chante Angola à sa façon, un Angolais aussi…
Qu’est-ce qui vous donne toujours envie de chanter ?
C’est rentrer au pays en vacances pour me reposer ! Je pars en tremblant de froid, je me ressource et je reviens toute raide, prête à redémarrer, à remonter sur les planches ! Je reste au Cap-Vert en août et septembre, puis entre décembre et mars. Le reste du temps je parcours le monde.
C’est beaucoup de travail ?
Je veux voir jusqu’où je peux aller. Quand je n’en pourrai plus, je dirai adieu à José da Sylva pour prendre ma retraite. Mais ce jour là, je n’y ai pas encore pensé ! chez nous on dit que, selon la nature, les vieux partent en premier, mais nous ne sommes pas dieu ! L’espoir est la dernière chose qui meurt.Césaria sera en concert au Centre des arts et de la culture de Pointe-à-Pitre, les 25 et 26 octobre, à Saint-Esprit en Martinique, le 27 octobre, et à Cayenne, le 29 octobre.
Il y a longtemps, vous chantiez dans votre petite île de Saint-Vincent et le monde ne s’intéressait pas à vous. Désormais, le monde entier vous écoute. Pensez-vous avoir atteint l’universalité ?
Je pense que oui dans la mesure où je voyage beaucoup ! Mais il y a des années, quand je chantais à Mindelo, des gens m’ont déjà entendue chanter. Au Cap-Vert, dans les bars, il y avait beaucoup de marins. Le port de Saint-Vincent était très fréquenté. Et des gens m’ont dit, des années plus tard, m’avoir entendue au pays. Mais je ne m’en rappelle pas…
Vous donnez l’impression de parcourir le monde comme vous parcourez les rues de Mindelo. Quel est le secret de votre simplicité ?
C’est en moi, c’est naturel. Je suis née avec. C’est avec le même sentiment que je chantais à Mindelo que je chante sur toutes les scènes du monde.
D’une île à l’autre, de part et d’autre de l’océan Atlantique, vous vous sentez proches des Créoles des Caraïbes ?
Je suis venue me produire aux Antilles pour la première fois, il y a neuf ans et je m’en sens très proche dans la mesure où nous avons des racines communes. Dans nos musiques, nous utilisons beaucoup d’instruments que ceux qui sont utilisés aux Antilles, en Guyane, au Brésil, à Cuba… Le Cap-vert partage avec ces pays des racines communes. Je m’en sens proche, c’est évident. Il y a très longtemps à Angoulême, un journaliste m’a demandée si je chantais du blues. Non, de la morna, mais c’est la même souffrance que nous chantons, le racisme… C’est un peu ça.
En 1988, vous avez interprété dans La diva aux pieds nus, un morceau, Bia Lulucha, qui est une coladera aux accents zouk. Aimez-vous le zouk ?
J’aime bien écouter le zouk d’autant que beaucoup de Capverdiens chantent dans le style zouk. Enfin, qu’ils appellent zouk capverdien… Je connais beaucoup d’Antillais, mais des artistes antillais, je n’en connais pas. Le seul groupe que je connaisse est Kassav. J’ai chanté une fois une sodade à la télé avec Jocelyne Bérouard.
Votre succès est venu pleinement quand votre voix a été vraiment mise en avant, avec une ambiance acoustique. Avez-vous conscience que votre voix reflète une identité forte dans laquelle beaucoup se retrouvent ?
Je ne saurai vous dire… Il y a beaucoup de versions. Certains me disent que c’est ma musique, certains la nostalgie, d’autres ma simplicité… Chacun donne sa version. Les gens me donnent des surnoms aussi : La diva aux pieds nus, du nom de mon premier disque, le vieux porto… Comme un rhum vieux ! Ma voix qui vieillit devient meilleure et les gens aiment ça.
Une nouvelle génération d’artistes capverdiens se revendique de vous comme Gabriela Mendez. Quel regard portez-vous sur cette jeune génération ?
Je connais beaucoup d’artistes capverdiens d’un certain âge, mais les plus jeunes, je les connais moins. Mais je les apprécie et je pense qu’ils continuent une voie que j’ai ouverte. Ils ne seront pas Césaria Evora, mais ils sont devant une porte ouverte. Je n’ai même pas besoin d’en parler, on m’en parle dans les interviewes ! Vous connaissez Lura ? C’est José da Sylva, mon producteur, qui la produit !
Les rappeurs de la MC Malcriado (dont Stomy Bugzy) revendiquent la morna comme une de leurs influences. Vous voyez ça comme une transmission ou un massacre de vos valeurs ?
(Rires…) Ces jeunes chantent une musique totalement différente de celle que je chante, c’est leur problème. Mais j’ai des petits-enfants et eux, ils vont aimer ! C’est une autre génération… Et puis, j’aime bien Stomy. Même s’il ne chante pas la même musique, c’est un Capverdien que je connais. Ses parents aussi. Je l’ai revu en juin pendant le semaine capverdienne. Il était avec Mayre Andrade, sa copine ! J’ai connu son père qui a grandi à Dakar, au Cap-Vert, quand il venait y passer ses vacances, on est devenus amis…
En un mois, vous allez chanter à Moscou, en Sibérie, en Serbie, en Lituanie, en Espagne, en Norvège, aux Antilles et en Guyane, que nous réservez-vous ?
Il y aura beaucoup de morceaux tirés de mon dernier album, Rogamar (priez la mer, en créole capverdien), mais il y aura d’autres chansons, celles que le public réclame, Sodade, Angola… Je crois qu’il y a un Martiniquais qui chante Angola à sa façon, un Angolais aussi…
Qu’est-ce qui vous donne toujours envie de chanter ?
C’est rentrer au pays en vacances pour me reposer ! Je pars en tremblant de froid, je me ressource et je reviens toute raide, prête à redémarrer, à remonter sur les planches ! Je reste au Cap-Vert en août et septembre, puis entre décembre et mars. Le reste du temps je parcours le monde.
C’est beaucoup de travail ?
Je veux voir jusqu’où je peux aller. Quand je n’en pourrai plus, je dirai adieu à José da Sylva pour prendre ma retraite. Mais ce jour là, je n’y ai pas encore pensé ! chez nous on dit que, selon la nature, les vieux partent en premier, mais nous ne sommes pas dieu ! L’espoir est la dernière chose qui meurt.Césaria sera en concert au Centre des arts et de la culture de Pointe-à-Pitre, les 25 et 26 octobre, à Saint-Esprit en Martinique, le 27 octobre, et à Cayenne, le 29 octobre.