Belpomme face à Multigner
Le Pr. Belpomme confronté aux scientifiques de l’INSERM, l’AFSSA et l’INVS devant les députés
Le professeur Belpomme a comparu, hier soir. Comparu, oui. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, tout à la fois juge et procureur, avait décidé de mettre le cancérologue face aux députés antillais, mais aussi face aux chercheurs de l’INSERM (le Pr. Multigner), de l’AFSSA (Pr. Favrot) et de l’INVS (Prs. Eilstein et Bloch).Patrick Ollier a commencé par mettre en cause le sérieux du rapport d’audit du Pr. Belpomme et ses paroles catastrophistes dans les médias. D’emblée, on sentait la volonté de mettre en difficulté le cancérologue de l’hôpittal Georges-Pompidou. Jacques Leguen, président du comité de suite (de la mission d’information sur le chlordécone) a rappelé quelques sentences graves tirées de son rapport : « Catastrophe sanitaire, manque de rigueur de l’AFSSA, rapports de l’INVS sujets à caution, prééminence des cancers de la prostate et du sein liés au chlordécone sans arguments scientifiques… » Dominique Belpomme a plaidé sa cause, mettant en cause les « déformations des journalistes » et rappelant qu’il avait exposé ce rapport aux élus et décideurs tant aux Antilles qu’en métropole dès le mois de juillet dernier, soit deux mois avant le scandale médiatique déclenché par Le Parisien. « Je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire », a-t-il déclaré. « La bombe sanitaire à retardement, c’est vous qui le dîtes », lui lance Ollier. Belpomme justifie cette appellation en citant les travaux du vice doyen de la faculté de médecine de Montpellier, le Pr. Sultan, spécialiste de l’incidence des CMR (cancérigènes mutagènes reprotoxiques) sur les malformations des fœtus. En conclusion, il a indiqué que son équipe était mobilisée pour mener des recherches grâce à un financement de la Région Guadeloupe (154 000 euros). Ce qui a fait dire à quelque personne dans la salle : « Il cherche de l’argent… »
Les scientifiques de l’INSERM, l’AFSSA et l’INVS sont venus lui porter la contradiction. Le Pr. Multigner ne l’a pas cité pour se contenter d’un « la personne qui m’a précédé ». Leurs critiques étaient fondées et ils ont évoqué l’ensemble des travaux en cours depuis 1999 pour mieux balayer les hypothèses du rapport Belpomme : les cancers, la fertilité, la dose maximale acceptable par les individus (50 microgrammes dans les produis de la mer, les ignames ou patates douces), l’absence signifiante de chlordécone dans le lait maternel…
« Une incertitude certaine »
Le Pr. Eilstein de l’INVS a toutefois admis que sur les relations entre exposition et risque, il y avait « une incertitude certaine ». « Dans le fonds, vous êtes inquiets, mais le passage du questionnement aux certitudes, c’est non ! », a-t-il conclu. Selon Belpomme, des « imperfections existent » dans son rapport. Il indique qu’il a été trompé sur le taux des cancers du sein « par des informations données sur le terrain par des épidémiologistes antillais ». « Vous ne leur faîtes pas confiance ? », demande le président Leguen. « Les dossiers communiqués sont en train d’être remodelés par le registre des cancers de Martinique… », répond-il. « Quel est votre protocole ? » l’apostrophe Ollier. « Ce n’est qu’un rapport d’audit, un état des lieux… » Face aux élus Antillais, dont la plupart avaient été surpris de l’initiative prise par Jeanny Marc lorsqu’elle avait invité le Pr. Belpomme à présenter son rapport, le 18 septembre dernier à l’Assemblée nationale, et choqués de ses effets dans la presse nationale, le Pr. Belpomme semblait promis à un tir de barrage. Pourtant, sa défense est venue de ce côté-là. Lurel, Manscour, Letchimy et Jeanny Marc ont reconnu au Pr. Belpomme d’avoir réussi à secouer l’indifférence du gouvernement sur une affaire qui traîne depuis 1999, date de la première affaire liée aux pesticides, l’affaire Capès-Dolé.
La plaidoirie de Belpomme
« Le message global du rapport est fondé. Il y a un avant et un après ce rapport. Avant on n’avait pas de prise de conscience du problème qui se posait aux Antilles. Après ce rapport, il y a eu le retrait du paraquat, la sensibilisation de la métropole. Mes arguments ne sont pas épidémiologiques mais toxicologiques. Et ils sont rassurants. Le Pr. Multigner doit achever absolument ses études. Nous disons aujourd’hui que le chlordécone n’est pas à l’origine des cancers de la prostate, mais que d’autres études sont nécessaires avec des experts internationaux. Il faut rechercher les causes du cancer de la prostate. La clé se trouve aux Antilles. »
De la mission d’information au comité de suite
En 2005, malgré une demande des parlementaires antillais de créer une commission d’enquête parlementaire, Patrick Ollier, déjà président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, autorisait une simple mission d’information doont la présidence était confiée à Philippe Edmond-Mariette. Le rapporteur était Joel Beaugendre. Depuis le rapport Beaugendre, rien. Avec l’affaire Belpomme, les socialistes ont sollicité une nouvelle fois une commission d’enquête parlementaire qui avait même trouvé le soutien public de Christian Estrosi, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer. Patrick Ollier n’a consenti qu’à créer ce comité de suite, estimant que dans la mesure où personne n’avait refusé de parler, cela ne se justifiait pas. Louis-Joseph Manscour a refusé la présidence de ce comité et s’en est expliqué hier : « Il y a plus que jamais nécessité d’avoir une commission d’enquête avec des moyens d’investigation. S’est-on contenté d’une mission sur l’affaire de l’amiante ? Voilà pourquoi j’ai refusé de prendre la présidence de ce comité de suivi. »
RéactionsJeanny Marc
Qu’est-ce qu’on peut mettre dans notre assiette ? »
« Il n’y a plus de problèmes de pesticide dans les aliments et pour la santé humaine… Mais dans ma circonscription, il y a quatre communes concernées par ce problème. Selon un sondage, 85 % de cette population est inquiète. Qu’est-ce qu’on peut mettre dans notre assiette ?! Avant 2007, on ne nous mettait en garde que contre les tubercules. Maintenant on en parle pour les quenettes, les pommes cannelles, les surelles, le lait, le yaourt, les ouassous. Et Roseline Bachelot nous conseille de ne pas manger plus de deux fois par semaines des légumes du jardin… On nous disait les îles épargnées et voilà que l’on découvre 15 hectares contaminés à Marie-Galante. Même le Pr. Houssin qui est venu est inquiet. Il devrait être auditionné. Le problème doit devenir une priorité du gouvernement car il s’agit d’une question de santé humaine. »
Victorin Lurel
Croyez-vous vraiment à la médecine ethno-raciale pour expliquer ces cancers ? Je conteste cette vision philosophique et scientifique. Et comment a-t-on calculé que nous ne pouvions manger des légumes du jardin que deux fois par semaine ? Patrick Ollier a zappé notre commission d’enquête. Il nous a proposé un comité de suite. Il faudra discuter, dans un mois, pour voir ce qu’il deviendra ce comité de suite... 204 députés ont sollicité M. Ollier pour obtenir une vraie commission d’enquête parlementaire… Je rends hommage au Pr. Belpomme celui par qui les autorités de l’Etat et l’opinion publique ont été saisies ! »
Serge Létchimy
L’incertitude plane un peu partout. C’est un problème complexe à aborder. J’ai toujours reproché au Pr. Belpomme d’avoir alerté de cette façon l’opinion publique, mais je dois constater que ça a changé de vitesse et de rythme ! Il y a la question de la responsabilité et puis on ne veut pas parler des autres pesticides. Or, il y a une combinaison paraquat chlordécone. Quelles sont les conséquences de cette combinaison ? L’Etat doit faire appliquer l’interdiction de l’épandage aérien aux Antilles. Qu’en est-il, non seulement de la rémanence du produit, mais encore de son accumulation dans le corps humain ? Et que fait-on pour dépolluer les terres, indemniser les propriétaires ? Le travail de la mission d’information parlementaire n’a pas été remis en cause, mais qu’a-t-on fait entre 2005 et 2007 ?
Louis-Joseph Manscour
Neuf communes sur dix dans ma circonscription sont polluées. 75 % de la production bananière se fait chez moi… J’aurai aimé que la population de Guadeloupe et de Martinique puissent participer à cette réunion de confrontation. Elle en serait sortie beaucoup plus troublée encore. Après le rapport Belpomme, j’ai eu peur, comme la population. Si Patrick Ollier semble lui faire un procès, c’est que tout ce que Belpomme a écrit laisse supposer qu’il y a des problèmes. Mais quand il dit que son rapport est inexact dans les détails, c’est grave. Je demande aux scientifiques de venir rencontrer la population pour mieux l’éclairer. Mais même si je ne suis pas d’accord avec lui, sans ce rapport, nous ne serions pas ici et personne n’aurait su la réalité. »
Le professeur Belpomme a comparu, hier soir. Comparu, oui. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, tout à la fois juge et procureur, avait décidé de mettre le cancérologue face aux députés antillais, mais aussi face aux chercheurs de l’INSERM (le Pr. Multigner), de l’AFSSA (Pr. Favrot) et de l’INVS (Prs. Eilstein et Bloch).Patrick Ollier a commencé par mettre en cause le sérieux du rapport d’audit du Pr. Belpomme et ses paroles catastrophistes dans les médias. D’emblée, on sentait la volonté de mettre en difficulté le cancérologue de l’hôpittal Georges-Pompidou. Jacques Leguen, président du comité de suite (de la mission d’information sur le chlordécone) a rappelé quelques sentences graves tirées de son rapport : « Catastrophe sanitaire, manque de rigueur de l’AFSSA, rapports de l’INVS sujets à caution, prééminence des cancers de la prostate et du sein liés au chlordécone sans arguments scientifiques… » Dominique Belpomme a plaidé sa cause, mettant en cause les « déformations des journalistes » et rappelant qu’il avait exposé ce rapport aux élus et décideurs tant aux Antilles qu’en métropole dès le mois de juillet dernier, soit deux mois avant le scandale médiatique déclenché par Le Parisien. « Je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire », a-t-il déclaré. « La bombe sanitaire à retardement, c’est vous qui le dîtes », lui lance Ollier. Belpomme justifie cette appellation en citant les travaux du vice doyen de la faculté de médecine de Montpellier, le Pr. Sultan, spécialiste de l’incidence des CMR (cancérigènes mutagènes reprotoxiques) sur les malformations des fœtus. En conclusion, il a indiqué que son équipe était mobilisée pour mener des recherches grâce à un financement de la Région Guadeloupe (154 000 euros). Ce qui a fait dire à quelque personne dans la salle : « Il cherche de l’argent… »
Les scientifiques de l’INSERM, l’AFSSA et l’INVS sont venus lui porter la contradiction. Le Pr. Multigner ne l’a pas cité pour se contenter d’un « la personne qui m’a précédé ». Leurs critiques étaient fondées et ils ont évoqué l’ensemble des travaux en cours depuis 1999 pour mieux balayer les hypothèses du rapport Belpomme : les cancers, la fertilité, la dose maximale acceptable par les individus (50 microgrammes dans les produis de la mer, les ignames ou patates douces), l’absence signifiante de chlordécone dans le lait maternel…
« Une incertitude certaine »
Le Pr. Eilstein de l’INVS a toutefois admis que sur les relations entre exposition et risque, il y avait « une incertitude certaine ». « Dans le fonds, vous êtes inquiets, mais le passage du questionnement aux certitudes, c’est non ! », a-t-il conclu. Selon Belpomme, des « imperfections existent » dans son rapport. Il indique qu’il a été trompé sur le taux des cancers du sein « par des informations données sur le terrain par des épidémiologistes antillais ». « Vous ne leur faîtes pas confiance ? », demande le président Leguen. « Les dossiers communiqués sont en train d’être remodelés par le registre des cancers de Martinique… », répond-il. « Quel est votre protocole ? » l’apostrophe Ollier. « Ce n’est qu’un rapport d’audit, un état des lieux… » Face aux élus Antillais, dont la plupart avaient été surpris de l’initiative prise par Jeanny Marc lorsqu’elle avait invité le Pr. Belpomme à présenter son rapport, le 18 septembre dernier à l’Assemblée nationale, et choqués de ses effets dans la presse nationale, le Pr. Belpomme semblait promis à un tir de barrage. Pourtant, sa défense est venue de ce côté-là. Lurel, Manscour, Letchimy et Jeanny Marc ont reconnu au Pr. Belpomme d’avoir réussi à secouer l’indifférence du gouvernement sur une affaire qui traîne depuis 1999, date de la première affaire liée aux pesticides, l’affaire Capès-Dolé.
La plaidoirie de Belpomme
« Le message global du rapport est fondé. Il y a un avant et un après ce rapport. Avant on n’avait pas de prise de conscience du problème qui se posait aux Antilles. Après ce rapport, il y a eu le retrait du paraquat, la sensibilisation de la métropole. Mes arguments ne sont pas épidémiologiques mais toxicologiques. Et ils sont rassurants. Le Pr. Multigner doit achever absolument ses études. Nous disons aujourd’hui que le chlordécone n’est pas à l’origine des cancers de la prostate, mais que d’autres études sont nécessaires avec des experts internationaux. Il faut rechercher les causes du cancer de la prostate. La clé se trouve aux Antilles. »
De la mission d’information au comité de suite
En 2005, malgré une demande des parlementaires antillais de créer une commission d’enquête parlementaire, Patrick Ollier, déjà président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, autorisait une simple mission d’information doont la présidence était confiée à Philippe Edmond-Mariette. Le rapporteur était Joel Beaugendre. Depuis le rapport Beaugendre, rien. Avec l’affaire Belpomme, les socialistes ont sollicité une nouvelle fois une commission d’enquête parlementaire qui avait même trouvé le soutien public de Christian Estrosi, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer. Patrick Ollier n’a consenti qu’à créer ce comité de suite, estimant que dans la mesure où personne n’avait refusé de parler, cela ne se justifiait pas. Louis-Joseph Manscour a refusé la présidence de ce comité et s’en est expliqué hier : « Il y a plus que jamais nécessité d’avoir une commission d’enquête avec des moyens d’investigation. S’est-on contenté d’une mission sur l’affaire de l’amiante ? Voilà pourquoi j’ai refusé de prendre la présidence de ce comité de suivi. »
RéactionsJeanny Marc
Qu’est-ce qu’on peut mettre dans notre assiette ? »
« Il n’y a plus de problèmes de pesticide dans les aliments et pour la santé humaine… Mais dans ma circonscription, il y a quatre communes concernées par ce problème. Selon un sondage, 85 % de cette population est inquiète. Qu’est-ce qu’on peut mettre dans notre assiette ?! Avant 2007, on ne nous mettait en garde que contre les tubercules. Maintenant on en parle pour les quenettes, les pommes cannelles, les surelles, le lait, le yaourt, les ouassous. Et Roseline Bachelot nous conseille de ne pas manger plus de deux fois par semaines des légumes du jardin… On nous disait les îles épargnées et voilà que l’on découvre 15 hectares contaminés à Marie-Galante. Même le Pr. Houssin qui est venu est inquiet. Il devrait être auditionné. Le problème doit devenir une priorité du gouvernement car il s’agit d’une question de santé humaine. »
Victorin Lurel
Croyez-vous vraiment à la médecine ethno-raciale pour expliquer ces cancers ? Je conteste cette vision philosophique et scientifique. Et comment a-t-on calculé que nous ne pouvions manger des légumes du jardin que deux fois par semaine ? Patrick Ollier a zappé notre commission d’enquête. Il nous a proposé un comité de suite. Il faudra discuter, dans un mois, pour voir ce qu’il deviendra ce comité de suite... 204 députés ont sollicité M. Ollier pour obtenir une vraie commission d’enquête parlementaire… Je rends hommage au Pr. Belpomme celui par qui les autorités de l’Etat et l’opinion publique ont été saisies ! »
Serge Létchimy
L’incertitude plane un peu partout. C’est un problème complexe à aborder. J’ai toujours reproché au Pr. Belpomme d’avoir alerté de cette façon l’opinion publique, mais je dois constater que ça a changé de vitesse et de rythme ! Il y a la question de la responsabilité et puis on ne veut pas parler des autres pesticides. Or, il y a une combinaison paraquat chlordécone. Quelles sont les conséquences de cette combinaison ? L’Etat doit faire appliquer l’interdiction de l’épandage aérien aux Antilles. Qu’en est-il, non seulement de la rémanence du produit, mais encore de son accumulation dans le corps humain ? Et que fait-on pour dépolluer les terres, indemniser les propriétaires ? Le travail de la mission d’information parlementaire n’a pas été remis en cause, mais qu’a-t-on fait entre 2005 et 2007 ?
Louis-Joseph Manscour
Neuf communes sur dix dans ma circonscription sont polluées. 75 % de la production bananière se fait chez moi… J’aurai aimé que la population de Guadeloupe et de Martinique puissent participer à cette réunion de confrontation. Elle en serait sortie beaucoup plus troublée encore. Après le rapport Belpomme, j’ai eu peur, comme la population. Si Patrick Ollier semble lui faire un procès, c’est que tout ce que Belpomme a écrit laisse supposer qu’il y a des problèmes. Mais quand il dit que son rapport est inexact dans les détails, c’est grave. Je demande aux scientifiques de venir rencontrer la population pour mieux l’éclairer. Mais même si je ne suis pas d’accord avec lui, sans ce rapport, nous ne serions pas ici et personne n’aurait su la réalité. »