Entretien avec le conseiller Penchard
Mercredi, les conseillers économiques et sociaux devait voter un avis qui soutient la philosophie de la loi de programme pour l’outre-mer mais émet des réserves. Entretien avec le conseiller Jean-Michel Penchard.
« Une loi d’étape »
Q- Qu’en est-il réellement financièrement de cette loi ? Doit-elle apporter 100 millions d’euros supplémentaires par an ou amoindrir nos économies de 150 à 200 millions d’euros par an ?
R- Mme Alliot-marie a été très claire en rappelant qu’elle avait organisé une réunion sur les modes de calcul des économies fiscales et budgétaires, et sur les nouveaux engagements financiers de l'Etat, « puisque, a-t-elle dit, l'Etat a décidé d'augmenter en net ses concours de 100 millions d'euros par an ». Elle nous a même invités à demander des comptes en précisant : « Cette démarche de transparence est indispensable. »
Q- L’actuel projet de loi a-t-il été influencé par l’avis du CES de 2006 sur l’évaluation de la Loi Girardin ?
R- Une de nos préconisations de 2006, lors de l’évaluation de la loi Girardin, consistait à avoir des mesures adaptées aux spécificités de chaque territoire. Le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer a ainsi retenu ce principe en proposant des zones franches globales d’activité composées pour chaque DOM de trois secteurs prioritaires choisis localement, et d’autre part d’entreprises éligibles situées en Guyane et dans les îles de Guadeloupe souffrant de la double insularité (Marie-Galante, les Saintes et la Désirade).
Q- On vous doit la venue du rapporteur de l’avis du CES, M. Saubert aux Antilles, le mois dernier, pourquoi ?
R- J’ai pris conscience du mécontentement des socioprofessionnels sur ce projet de loi de programme et j’ai convaincu le rapporteur Alain Saubert de venir en Guadeloupe où il a rencontré une centaine de responsables économiques et sociaux des Antilles Guyane à la CCI de Pointe-à-Pitre ; il a ainsi mesuré les inquiétudes légitimes qui se manifestaient, il en est reparti convaincu et son rapport présenté aujourd’hui le démontre sans aucun doute. Ce qui donne d’ailleurs à ce rapport une certaine légitimité. De plus, j’ai profité de sa visite pour l’emmener à Marie-Galante toucher du doigt la réalité et les inconvénients liés à la double insularité que connaissent les îles de l’archipel.
Q- Quelles sont les avancées de ce projet de loi ?
R- D’une part, le secteur de la recherche est désormais inclus dans le champ de la défiscalisation, et correspond à un souhait qu’avait formulé par le CES. Cependant, il convient que, contrairement aux dispositions relatives aux ZFGA, la défiscalisation en faveur de la recherche fasse l’objet des précisions qui paraissaient nécessaires. Elle pourrait notamment conduire à faire bénéficier les campagnes expérimentales de pêche du dispositif de défiscalisation. D’autre part, pour réduire la fracture numérique des mesures nouvelles concernent l’éligibilité du financement des câbles sous-marins à la procédure de défiscalisation.
Par ailleurs, la continuité territoriale est prise en compte non seulement pour les liaisons de chaque collectivité avec la métropole, mais aussi pour les liaisons entre collectivités d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité en raison des difficultés particulières d’accès à son territoire. Cette extension de la notion constitue une avancée par rapport à la LOPOM qui visait uniquement les liaisons aériennes entre l’Outre-mer et la métropole. Elle correspond à la demande qu’avait formulée le CES en 2003.
Enfin, le projet de loi crée une commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’État Outre-mer qui sera assistée d’un comité d’experts et pourra consulter les organisations syndicales et professionnelles. A ce sujet, le CES estime que la consultation des partenaires sociaux ne doit pas constituer une simple possibilité mais une obligation.
Q- Etes-vous satisfait des mesures proposées pour les ZFGA ?
R- De nombreuses interrogations et insatisfactions demeurent sur les ZFGA. Ainsi, le CES demande de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, notamment la double insularité en Guadeloupe, de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié en relevant, voire en supprimant, les plafonds qui leur sont applicables, de faire de l’environnement une priorité dans l’ensemble des DOM, de considérer comme domaines d’activité prioritaires des secteurs stratégiques pour l’avenir de ces territoires comme les technologies de l’Information et de la communication aux Antilles, et d’intégrer le commerce de proximité à certaines conditions.
Q- Les entreprises du BTP et les artisans se sont récemment mobilisés à propos de la disparition de la défiscalisation programmée dans le projet de loi du logement libre et intermédiaire, quelles sont vos propositions ?
R- Dans son avis en 2006, le CES n’avait pas demandé la disparition totale de la défiscalisation en faveur du secteur libre et intermédiaire, mais, à enveloppe égale, un rééquilibrage avec le secteur social. Il propose de maintenir d’une part la défiscalisation sur le logement intermédiaire et d’autre part sur l’habitation principale en pleine propriété en l’assortissant de conditions ou en la réservant aux primo-accédants par exemple.
Enfin, vous avez entendu, comme moi, le nouveau secrétaire d’Etat à l’Outre-mer s’engager au cours de la plénière du CES, pour dire que « le logement social ne serait pas exclusif du logement libre et intermédiaire » et que « la LBU serait maintenue et le programme triennal augmenté ».
Q- Les exonérations de cotisations patronales sur les salaires sont-elles une remise en cause du dispositif précédent ?
R- Le recentrage des exonérations de cotisations patronales sur les bas et moyens salaires est une remise en cause partielle du dispositif précédent. Le CES reconnait que l’exclusion des hauts salaires (3.8 SMIC) du système d’exonération peut aisément se concevoir ! Cependant, la question se pose pour les salaires intermédiaires (1.4 et 3.8 SMIC) dont l’allégement des cotisations décline linéairement ; deux conséquences immédiates et inquiétantes qui sont un frein aux augmentations salariales, et au recrutement des cadres, un besoin patent des entreprises domiennes. Enfin le plafond unique à 1.4 SMIC va de façon paradoxale pénaliser les secteurs qui actuellement bénéficient de taux de déduction plus élevés (le tourisme par exemple) et qui vont subir une augmentation de leurs cotisations alors que ce sont eux qui ont le plus besoin d’êtes aidés.
C’est pourquoi le CES, sans s’opposer au nouveau système d’exonération de cotisations patronales, souhaite vivement que ses effets en soient soigneusement étudiés. Peut-être un redéploiement au sein du dispositif permettrait-il de régler la question de l’emploi des cadres sans accroître notablement les coûts de la mesure : par exemple, le champ d’application du dispositif pourrait être restreint pour le réserver aux professions non réglementées et en contrepartie les seuils modifiés : le seuil à partir duquel s’applique la dégressivité pourrait être relevé au-dessus de 1,4 SMIC, ou bien le seuil à partir duquel l’exonération deviendra nulle pourrait être repoussé au-delà de 3,8 SMIC, ou bien les deux seuils pourraient être déplacés vers le haut, ou bien encore la dégressivité pourrait être supprimée de sorte qu’à partir de 1,4 SMIC l’exonération reste stable pour devenir nulle à 3,8 SMIC.
Enfin, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer a reconnu que l’encadrement intermédiaire était nécessaire et que le texte serait amélioré dans ce sens.
Q- Yves Jégo n’a pas parlé de loi de programme dans son discours, qu’en pensez-vous ?
R- Dans son discours il n’a parlé que de loi d’étape. C’est un changement de langage intéressant.
« Une loi d’étape »
Q- Qu’en est-il réellement financièrement de cette loi ? Doit-elle apporter 100 millions d’euros supplémentaires par an ou amoindrir nos économies de 150 à 200 millions d’euros par an ?
R- Mme Alliot-marie a été très claire en rappelant qu’elle avait organisé une réunion sur les modes de calcul des économies fiscales et budgétaires, et sur les nouveaux engagements financiers de l'Etat, « puisque, a-t-elle dit, l'Etat a décidé d'augmenter en net ses concours de 100 millions d'euros par an ». Elle nous a même invités à demander des comptes en précisant : « Cette démarche de transparence est indispensable. »
Q- L’actuel projet de loi a-t-il été influencé par l’avis du CES de 2006 sur l’évaluation de la Loi Girardin ?
R- Une de nos préconisations de 2006, lors de l’évaluation de la loi Girardin, consistait à avoir des mesures adaptées aux spécificités de chaque territoire. Le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer a ainsi retenu ce principe en proposant des zones franches globales d’activité composées pour chaque DOM de trois secteurs prioritaires choisis localement, et d’autre part d’entreprises éligibles situées en Guyane et dans les îles de Guadeloupe souffrant de la double insularité (Marie-Galante, les Saintes et la Désirade).
Q- On vous doit la venue du rapporteur de l’avis du CES, M. Saubert aux Antilles, le mois dernier, pourquoi ?
R- J’ai pris conscience du mécontentement des socioprofessionnels sur ce projet de loi de programme et j’ai convaincu le rapporteur Alain Saubert de venir en Guadeloupe où il a rencontré une centaine de responsables économiques et sociaux des Antilles Guyane à la CCI de Pointe-à-Pitre ; il a ainsi mesuré les inquiétudes légitimes qui se manifestaient, il en est reparti convaincu et son rapport présenté aujourd’hui le démontre sans aucun doute. Ce qui donne d’ailleurs à ce rapport une certaine légitimité. De plus, j’ai profité de sa visite pour l’emmener à Marie-Galante toucher du doigt la réalité et les inconvénients liés à la double insularité que connaissent les îles de l’archipel.
Q- Quelles sont les avancées de ce projet de loi ?
R- D’une part, le secteur de la recherche est désormais inclus dans le champ de la défiscalisation, et correspond à un souhait qu’avait formulé par le CES. Cependant, il convient que, contrairement aux dispositions relatives aux ZFGA, la défiscalisation en faveur de la recherche fasse l’objet des précisions qui paraissaient nécessaires. Elle pourrait notamment conduire à faire bénéficier les campagnes expérimentales de pêche du dispositif de défiscalisation. D’autre part, pour réduire la fracture numérique des mesures nouvelles concernent l’éligibilité du financement des câbles sous-marins à la procédure de défiscalisation.
Par ailleurs, la continuité territoriale est prise en compte non seulement pour les liaisons de chaque collectivité avec la métropole, mais aussi pour les liaisons entre collectivités d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité en raison des difficultés particulières d’accès à son territoire. Cette extension de la notion constitue une avancée par rapport à la LOPOM qui visait uniquement les liaisons aériennes entre l’Outre-mer et la métropole. Elle correspond à la demande qu’avait formulée le CES en 2003.
Enfin, le projet de loi crée une commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’État Outre-mer qui sera assistée d’un comité d’experts et pourra consulter les organisations syndicales et professionnelles. A ce sujet, le CES estime que la consultation des partenaires sociaux ne doit pas constituer une simple possibilité mais une obligation.
Q- Etes-vous satisfait des mesures proposées pour les ZFGA ?
R- De nombreuses interrogations et insatisfactions demeurent sur les ZFGA. Ainsi, le CES demande de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, notamment la double insularité en Guadeloupe, de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié en relevant, voire en supprimant, les plafonds qui leur sont applicables, de faire de l’environnement une priorité dans l’ensemble des DOM, de considérer comme domaines d’activité prioritaires des secteurs stratégiques pour l’avenir de ces territoires comme les technologies de l’Information et de la communication aux Antilles, et d’intégrer le commerce de proximité à certaines conditions.
Q- Les entreprises du BTP et les artisans se sont récemment mobilisés à propos de la disparition de la défiscalisation programmée dans le projet de loi du logement libre et intermédiaire, quelles sont vos propositions ?
R- Dans son avis en 2006, le CES n’avait pas demandé la disparition totale de la défiscalisation en faveur du secteur libre et intermédiaire, mais, à enveloppe égale, un rééquilibrage avec le secteur social. Il propose de maintenir d’une part la défiscalisation sur le logement intermédiaire et d’autre part sur l’habitation principale en pleine propriété en l’assortissant de conditions ou en la réservant aux primo-accédants par exemple.
Enfin, vous avez entendu, comme moi, le nouveau secrétaire d’Etat à l’Outre-mer s’engager au cours de la plénière du CES, pour dire que « le logement social ne serait pas exclusif du logement libre et intermédiaire » et que « la LBU serait maintenue et le programme triennal augmenté ».
Q- Les exonérations de cotisations patronales sur les salaires sont-elles une remise en cause du dispositif précédent ?
R- Le recentrage des exonérations de cotisations patronales sur les bas et moyens salaires est une remise en cause partielle du dispositif précédent. Le CES reconnait que l’exclusion des hauts salaires (3.8 SMIC) du système d’exonération peut aisément se concevoir ! Cependant, la question se pose pour les salaires intermédiaires (1.4 et 3.8 SMIC) dont l’allégement des cotisations décline linéairement ; deux conséquences immédiates et inquiétantes qui sont un frein aux augmentations salariales, et au recrutement des cadres, un besoin patent des entreprises domiennes. Enfin le plafond unique à 1.4 SMIC va de façon paradoxale pénaliser les secteurs qui actuellement bénéficient de taux de déduction plus élevés (le tourisme par exemple) et qui vont subir une augmentation de leurs cotisations alors que ce sont eux qui ont le plus besoin d’êtes aidés.
C’est pourquoi le CES, sans s’opposer au nouveau système d’exonération de cotisations patronales, souhaite vivement que ses effets en soient soigneusement étudiés. Peut-être un redéploiement au sein du dispositif permettrait-il de régler la question de l’emploi des cadres sans accroître notablement les coûts de la mesure : par exemple, le champ d’application du dispositif pourrait être restreint pour le réserver aux professions non réglementées et en contrepartie les seuils modifiés : le seuil à partir duquel s’applique la dégressivité pourrait être relevé au-dessus de 1,4 SMIC, ou bien le seuil à partir duquel l’exonération deviendra nulle pourrait être repoussé au-delà de 3,8 SMIC, ou bien les deux seuils pourraient être déplacés vers le haut, ou bien encore la dégressivité pourrait être supprimée de sorte qu’à partir de 1,4 SMIC l’exonération reste stable pour devenir nulle à 3,8 SMIC.
Enfin, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer a reconnu que l’encadrement intermédiaire était nécessaire et que le texte serait amélioré dans ce sens.
Q- Yves Jégo n’a pas parlé de loi de programme dans son discours, qu’en pensez-vous ?
R- Dans son discours il n’a parlé que de loi d’étape. C’est un changement de langage intéressant.
Le Conseil économique et social adopte son avis sur la loi de programme
Mercredi après-midi, par 160 voix pour contre 18 abstentions, l’avis élaboré par le rapporteur Saubert et le groupe outre-mer sur la loi de programme a été adopté au palais d’Iéna. Même si des incertitudes demeurent quant au chiffrage financier de la loi instaurant les zones franches globales d’activité, les conseillers ultra-marins ont pris note des déclarations d’Yves Jégo, le nouveau secrétaire d’Etat, tendant à reconsidérer la suppression de la défiscalisation du logement libre pour les primo-accédants à la propriété. Selon les conseillers d’outre-mer, Yves Jégo a fait montre d’une réelle ouverture en parlant de nécessité. Selon le président du groupe outre-mer, Michel Paoletti, « nous avons déminé l’avant-projet de loi. » La suite du déminage reviendra aux collectivités territoriales puis aux parlementaires. « La loi, telle qu’on nous l’a présentée devait être la 607 qui devait remplacer notre 307. Et on s’est rendu compte que ce n’était qu’une 207 avec un moteur de 205 », s’amusait un des conseillers qui n’a pas voulu assumer la paternité de cette parabole automobile !
Mercredi après-midi, par 160 voix pour contre 18 abstentions, l’avis élaboré par le rapporteur Saubert et le groupe outre-mer sur la loi de programme a été adopté au palais d’Iéna. Même si des incertitudes demeurent quant au chiffrage financier de la loi instaurant les zones franches globales d’activité, les conseillers ultra-marins ont pris note des déclarations d’Yves Jégo, le nouveau secrétaire d’Etat, tendant à reconsidérer la suppression de la défiscalisation du logement libre pour les primo-accédants à la propriété. Selon les conseillers d’outre-mer, Yves Jégo a fait montre d’une réelle ouverture en parlant de nécessité. Selon le président du groupe outre-mer, Michel Paoletti, « nous avons déminé l’avant-projet de loi. » La suite du déminage reviendra aux collectivités territoriales puis aux parlementaires. « La loi, telle qu’on nous l’a présentée devait être la 607 qui devait remplacer notre 307. Et on s’est rendu compte que ce n’était qu’une 207 avec un moteur de 205 », s’amusait un des conseillers qui n’a pas voulu assumer la paternité de cette parabole automobile !