Marie-José Perec, Rien ne sert de courir, Grasset
Rien ne sert de courir, Grasset
« Je ferai ici l’effort de raconter ce que fut pour moi Sidney… » Le lecteur pressé ira donc directement à la page 205 où débute le chapitre Dérader. Cathy Freeman, Nova Peris, le village olympique… Il faut lire ! Marie-José Pérec ne court plus et elle l’écrit même ! Rien ne sert de courir est le titre de . Un ouvrage publié chez Grasset, préfacé par Edouard Glissant où la gazelle se livre. Un livre pour claquer une fois pour toute les portes et certains becs aussi.
« La victoire était une question de vie ou de mort ! »
Ce livre, c’est le moment du bilan d’une carrière ?
Durant toutes ces années, j’avais l’impression d’un courant d’air, d’une porte qui claque ! Avec ce livre, j’ai ouvert tous les tiroirs, toutes les armoires avant de tout refermer. En 2003, les championnats du monde à Paris devaient être la fin de carrière que j’imaginais. Mais ça n’a pas pu se faire. J’ai été blessée… Mon corps a tout donné. Il n’a plus eu envie. J’ai alors décidé d’arrêter ma carrière. Mais j’ai mis un an avant de pouvoir dire oralement : je ne suis plus une athlète.
Que faites-vous maintenant ?
J’ai beaucoup pensé au tourisme en Guadeloupe. J’avais prévu de partir sur un projet de spa mais je me suis rendue compte que ça ne m’intéressait pas du tout. Je cherche à trouver des sensations qui n’existent plus… J’ai repris des études, je suis allé suivre des cours de Théâtre au cours Florent. Pas pour devenir actrice, pour faire un travail sur soi. Ca ne m’a pas encore apporté de réponse. Je prends des cours de dessin, de piano, je voyage et j’ai des activités humanitaire. Je voudrais avoir un enfant. Ca me préoccupe beaucoup.
Où en est le projet d’Anse-Bertrand ?
En stand by, j’ai beaucoup de problèmes !Je veux y monter un centre d’entraînement, une école d’athlétisme. Mais pour ça, faut d’abord que je règle mes problèmes avec le maire d’Anse-Bertrand
Quelle est la place de vos racines créoles ?
C’est ce qui fait qui on est. J’ai commencé à aller bien après Sidney parce que je suis rentrée à la Guadeloupe. Chez moi, j’étais libérée de quelque chose. Il y a avait ma grand-mère. Manger, respirer, vivre, là-bas, c’est simple et ça apporte une sérénité. Je suis redevenue légère.
La négritude vous parle-t-elle ?
On a une culture, une manière de vivre. On arrive sur le continent européen, on est Français mais on a cette culture. La plupart du temps, les gens gomment cet aspect là pour embrasser la culture française. Mais c’est intéressant d’avoir les deux, de ne pas effacer qui on est !
Et Aimé césaire ?
Aimé Césaire nous a permis de nous mettre debout, d’être fiers de notre couleur de peau. Mais Césaire ne s’arrête pas à ça. On avait besoin d’un père comme celui-là. Et surtout, sans Césaire, il n’y aurait pas eu Glissant ! Césaire nous fait prendre conscience de notre côté nègre, mais Glissant nous dit que nous sommes nègres, européens, indiens, libanais… Tout monde.
Vous entamez le livre avec la mer, la mer mémoire. C’est la peur de l’eau ?
La traite nous a transmis cette peur. Quand on allait camper, enfants, on passait plus de temps sur le sable que dans l’eau. On vit avec cette peur constante. Il y a toujours eu cette espèce de colère présente…
Votre regard sur l’esclavage ?
Dans ma famille, on n’en parlait pas beaucoup. Mais ma grand-mère m’en a dit un peu…
Et les discriminations en France ?
Jusqu’en 1994, je vivais aux USA. Je ne m’étais pas rendue compte de l’absence des Noirs à la télé. C’est en arrivant aux USA que j’ai réalisé que chez nous, ce n’était pas pareil. Là-bas, je voyais des Noirs, des Mexicains…
Vous parlez du malaise antillais…
Les gens ne savent pas vraiment qui ils sont. On découvre qu’on est français une fois débarqué en métropole… Courir m’a permis de dire aux gens qu’on est là, qu’on existe.
C’est ce qui vous a fait courir ?
Pourquoi je cours ? Je voyais comment les Antillais étaient perçus : nonchalants, fêtards, fainéants… Cette représentation… J’ai eu envie de dire qu’on n’était pas que ça. Mes courses, mes victoires, c’étaient une façon de dire que nous aussi, on était capable d’avoir un projet et d’aller au bout !. L’idée de courir comme une sorte d’ambassadrice ne m’a jamais quitté. Quand je courais une épreuve importante, j’avais toujours cette vision de chez moi… La peur au ventre, j’avais l’impression que je devais toujours quelque chose à mes gens. La victoire était une question de vie ou de mort ! Je suis très orgueilleuse.
Que vous reste-t-il ?
Le 200 mètres. Ma plus belle course. Personne ne m’attendait sur cette course là. Je me suis rapprochée de la course parfaite. Dans cette course, j’ai l’impression d’être légère. Les mouvement sont fluides, proches de la perfection. J’avais l’impression de m’envoler, de marcher sur l’eau et d’atteindre le firmament ! Je ne l’ai ressenti qu’une seule fois. Je suis une tueuse.
Comment était l’ambiance au village olympique ?
Ca m’énervait de me retrouver avec des athlètes qui étaient seulement contents d’être là, d’avoir le maillot de l’équipe de France. Moi, je voulais accéder à mon rêve… A côté des ces coquitos bleu blanc rouge. Ce n’est pas une colonie de vacances, l’équipe de France !
Y a-t-il des champions à votre hauteur ?
Carl Lewis, et Heike Dressler. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est de la nostalgie, mais quand je regarde de l’athlétisme, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose. Les grands sportifs n’ont pas de charisme.
Contre le dopage, que faudrait-il faire ?
Ne faudrait-il pas éduquer les jeunes ? C’aurait été difficile de me proposer de prendre quelque chose ! Un sportif doit contrôler ses foulées mais aussi ce qu’il met dans sa bouche.
Serez-vous à Pékin ?
En 2004, j’étais consultante sur Canal+. C’était pas mon truc ! Je serais à Pékin avec l’Equipe. Je pense qu’en natation et en judo, on est bien. J’aimerais bien aussi que Tony Estanguet fasse une troisième médaille. En athlétisme, je surveillerai Yoann Diniz, le marcheur.
Y a t-il une relève française en athlétisme ?
Pour l’instant, on n’a pas réellement vu de jeunes qui ont pointé le bout de leur nez. Ladji Doucouré est blessé… On est loin d’une finale olympique.
Que faut-il penser de JO de Pékin ?
Les jeux sont faits ! Si je courais, je porterais le badge. Mais il ne fallait pas empêcher la flamme olympique de traverser Paris et c’était normal que les personnes qui voulaient manifester le fassent.
Rien ne sert de courir
Marie-José perce raconte son parcours. Un autoportrait de femme de sincère et sans tabous, avec un franc parler inhabituel pour une icône sportive. La diva évoque l’efance et la Guadeloupe, l’adolescence difficile, les conflits avec ses entraîneurs et sa vie personnelle. A 40 ans (Marie-José Pérec les a fait le 9 mai dernier) et pour la première fois depuis les JO de Sidney, elle explique… Mais au-delà de la championne fière et « muette comme un bureau », il y a la citoyenne qui assule son métissage culturel et attentive au sort des démunis. Marie-José Pérec est la seule athlète à avoir été trois fois championne olympique, en 1992 sur 400 m et en 1996 sur le 200 et le 400 mètres. A 35 ans, elle a mis fin à sa carrière.
« Je ferai ici l’effort de raconter ce que fut pour moi Sidney… » Le lecteur pressé ira donc directement à la page 205 où débute le chapitre Dérader. Cathy Freeman, Nova Peris, le village olympique… Il faut lire ! Marie-José Pérec ne court plus et elle l’écrit même ! Rien ne sert de courir est le titre de . Un ouvrage publié chez Grasset, préfacé par Edouard Glissant où la gazelle se livre. Un livre pour claquer une fois pour toute les portes et certains becs aussi.
« La victoire était une question de vie ou de mort ! »
Ce livre, c’est le moment du bilan d’une carrière ?
Durant toutes ces années, j’avais l’impression d’un courant d’air, d’une porte qui claque ! Avec ce livre, j’ai ouvert tous les tiroirs, toutes les armoires avant de tout refermer. En 2003, les championnats du monde à Paris devaient être la fin de carrière que j’imaginais. Mais ça n’a pas pu se faire. J’ai été blessée… Mon corps a tout donné. Il n’a plus eu envie. J’ai alors décidé d’arrêter ma carrière. Mais j’ai mis un an avant de pouvoir dire oralement : je ne suis plus une athlète.
Que faites-vous maintenant ?
J’ai beaucoup pensé au tourisme en Guadeloupe. J’avais prévu de partir sur un projet de spa mais je me suis rendue compte que ça ne m’intéressait pas du tout. Je cherche à trouver des sensations qui n’existent plus… J’ai repris des études, je suis allé suivre des cours de Théâtre au cours Florent. Pas pour devenir actrice, pour faire un travail sur soi. Ca ne m’a pas encore apporté de réponse. Je prends des cours de dessin, de piano, je voyage et j’ai des activités humanitaire. Je voudrais avoir un enfant. Ca me préoccupe beaucoup.
Où en est le projet d’Anse-Bertrand ?
En stand by, j’ai beaucoup de problèmes !Je veux y monter un centre d’entraînement, une école d’athlétisme. Mais pour ça, faut d’abord que je règle mes problèmes avec le maire d’Anse-Bertrand
Quelle est la place de vos racines créoles ?
C’est ce qui fait qui on est. J’ai commencé à aller bien après Sidney parce que je suis rentrée à la Guadeloupe. Chez moi, j’étais libérée de quelque chose. Il y a avait ma grand-mère. Manger, respirer, vivre, là-bas, c’est simple et ça apporte une sérénité. Je suis redevenue légère.
La négritude vous parle-t-elle ?
On a une culture, une manière de vivre. On arrive sur le continent européen, on est Français mais on a cette culture. La plupart du temps, les gens gomment cet aspect là pour embrasser la culture française. Mais c’est intéressant d’avoir les deux, de ne pas effacer qui on est !
Et Aimé césaire ?
Aimé Césaire nous a permis de nous mettre debout, d’être fiers de notre couleur de peau. Mais Césaire ne s’arrête pas à ça. On avait besoin d’un père comme celui-là. Et surtout, sans Césaire, il n’y aurait pas eu Glissant ! Césaire nous fait prendre conscience de notre côté nègre, mais Glissant nous dit que nous sommes nègres, européens, indiens, libanais… Tout monde.
Vous entamez le livre avec la mer, la mer mémoire. C’est la peur de l’eau ?
La traite nous a transmis cette peur. Quand on allait camper, enfants, on passait plus de temps sur le sable que dans l’eau. On vit avec cette peur constante. Il y a toujours eu cette espèce de colère présente…
Votre regard sur l’esclavage ?
Dans ma famille, on n’en parlait pas beaucoup. Mais ma grand-mère m’en a dit un peu…
Et les discriminations en France ?
Jusqu’en 1994, je vivais aux USA. Je ne m’étais pas rendue compte de l’absence des Noirs à la télé. C’est en arrivant aux USA que j’ai réalisé que chez nous, ce n’était pas pareil. Là-bas, je voyais des Noirs, des Mexicains…
Vous parlez du malaise antillais…
Les gens ne savent pas vraiment qui ils sont. On découvre qu’on est français une fois débarqué en métropole… Courir m’a permis de dire aux gens qu’on est là, qu’on existe.
C’est ce qui vous a fait courir ?
Pourquoi je cours ? Je voyais comment les Antillais étaient perçus : nonchalants, fêtards, fainéants… Cette représentation… J’ai eu envie de dire qu’on n’était pas que ça. Mes courses, mes victoires, c’étaient une façon de dire que nous aussi, on était capable d’avoir un projet et d’aller au bout !. L’idée de courir comme une sorte d’ambassadrice ne m’a jamais quitté. Quand je courais une épreuve importante, j’avais toujours cette vision de chez moi… La peur au ventre, j’avais l’impression que je devais toujours quelque chose à mes gens. La victoire était une question de vie ou de mort ! Je suis très orgueilleuse.
Que vous reste-t-il ?
Le 200 mètres. Ma plus belle course. Personne ne m’attendait sur cette course là. Je me suis rapprochée de la course parfaite. Dans cette course, j’ai l’impression d’être légère. Les mouvement sont fluides, proches de la perfection. J’avais l’impression de m’envoler, de marcher sur l’eau et d’atteindre le firmament ! Je ne l’ai ressenti qu’une seule fois. Je suis une tueuse.
Comment était l’ambiance au village olympique ?
Ca m’énervait de me retrouver avec des athlètes qui étaient seulement contents d’être là, d’avoir le maillot de l’équipe de France. Moi, je voulais accéder à mon rêve… A côté des ces coquitos bleu blanc rouge. Ce n’est pas une colonie de vacances, l’équipe de France !
Y a-t-il des champions à votre hauteur ?
Carl Lewis, et Heike Dressler. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est de la nostalgie, mais quand je regarde de l’athlétisme, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose. Les grands sportifs n’ont pas de charisme.
Contre le dopage, que faudrait-il faire ?
Ne faudrait-il pas éduquer les jeunes ? C’aurait été difficile de me proposer de prendre quelque chose ! Un sportif doit contrôler ses foulées mais aussi ce qu’il met dans sa bouche.
Serez-vous à Pékin ?
En 2004, j’étais consultante sur Canal+. C’était pas mon truc ! Je serais à Pékin avec l’Equipe. Je pense qu’en natation et en judo, on est bien. J’aimerais bien aussi que Tony Estanguet fasse une troisième médaille. En athlétisme, je surveillerai Yoann Diniz, le marcheur.
Y a t-il une relève française en athlétisme ?
Pour l’instant, on n’a pas réellement vu de jeunes qui ont pointé le bout de leur nez. Ladji Doucouré est blessé… On est loin d’une finale olympique.
Que faut-il penser de JO de Pékin ?
Les jeux sont faits ! Si je courais, je porterais le badge. Mais il ne fallait pas empêcher la flamme olympique de traverser Paris et c’était normal que les personnes qui voulaient manifester le fassent.
Rien ne sert de courir
Marie-José perce raconte son parcours. Un autoportrait de femme de sincère et sans tabous, avec un franc parler inhabituel pour une icône sportive. La diva évoque l’efance et la Guadeloupe, l’adolescence difficile, les conflits avec ses entraîneurs et sa vie personnelle. A 40 ans (Marie-José Pérec les a fait le 9 mai dernier) et pour la première fois depuis les JO de Sidney, elle explique… Mais au-delà de la championne fière et « muette comme un bureau », il y a la citoyenne qui assule son métissage culturel et attentive au sort des démunis. Marie-José Pérec est la seule athlète à avoir été trois fois championne olympique, en 1992 sur 400 m et en 1996 sur le 200 et le 400 mètres. A 35 ans, elle a mis fin à sa carrière.