Porgy and Bess, l'opéra noir
Diversité lyrique
Porgy and Bess, l’opéra interdit aux Blancs
"Porgy and Bess" mise en scène par la Sud Africaine Robyn Orlin à l'Opéra Comique (Photo : E. Carecchio)
L’opéra Porgy and Bess ne peut être interprété que par une distribution exclusivement noire. Ainsi en ont décidé les auteurs, le compositeur George Gershwin (1898-1937) et son frère Ira Gershwin qui a écrit le livret avec Dubose Heyward.
La saison lyrique 2007-2008 met à l’honneur cet « opéra nègre americain » selon Truman Capote, considéré aujourd’hui comme un vrai opéra populaire américain, mélangeant langage jazz et negro spiritual. Le livret raconte l'histoire de Porgy, un noir estropié vivant dans les taudis de Charleston, en Caroline du Sud, qui tente de sauver Bess des griffes de Crown, son mari, et de Sportin’Life, un dealer.
L’opéra a connu un très gros succès à sa création en 1935. Les critiques avaient salué la modernité de son approche de la culture afro-américaine. Au fil du temps, la controverse avait pris le dessus faisant considérer l’œuvre comme un point de vue blanc, voire raciste, sur la condition des Noirs américains. Le grand Duke Ellington moquera même « les stéréotypes négroïdes d’un blanc ». Heureusement l’aspect populaire de l’oeuvre reprendra le dessus et de nombreux musiciens noirs de jazz enregistreront leur version de Porgy and Bess comme l’illustre la chanson Summertime reprise par de grandes voix du jazz afro-américain.
Voilà donc un programme passionnant pour deux productions confiées a deux grande figures du spectacle contemporain, les Français Montalvo-Hervieu et la Sud-Africaine Robyn Orlin.
À l’Opéra de Lyon
Porgy and Bess à l’opéra de Lyon. Sportin’Life (Ronald Samm) et Bess (Janice Chandler-Eteme) au premier plan à droite (Photo : B. Stofleth)
José Montalvo et Dominique Hervieu (du Centre chorégraphique national de Créteil) offrent une scénographie sans surprise, frontale et statique, comme dans leur spectacle précédent (Les Paladins de Rameau). Le rideau s’ouvre sur une projection du décor de la création de 1935 signé de Sergei S. Doudeikine. Des séquences surprenantes montrent les chanteurs filmés sous l’eau et des images d'archives déroulent le temps de façon simpliste et illustrent les actions (1965 et le mouvement pour les droits civiques, 1992 et les émeutes de Los Angeles). L’habituel défilé de parcs animaliers auquel ces deux chorégraphes sont habitués occupe l’écran sans répit. Des costumes fleurant bon la Nouvelle Star actualisent de façon triviale la représentation. Le Hip Hop, le Krump et autre Street performance de jeunes meublent la moindre mesure de la partition, les moments creux notamment. L’œuvre est ici jouée dans son intégralité : 3 heures 15 alors que les auteurs l’ont longtemps donnée dans une version écourtée. Le travail de l’opéra de Lyon avec les quartiers trouve ici son aboutissement : la salle se soulève avec enthousiasme devant le spectacle qui n’aurait pas reçu le même accueil avec le public du Théâtre des Champs-Élysées.
Porgy and Bess mis en scène par les Français Montalvo-Hervieu a fait une large place aux ultra-marins dans sa distribution. (Photo : B. Stofleth)
On remarque surtout le Porgy, dur et rayonnant, du baryton Derrick Lawrence, le Crown, violent, frimeur et bling bling, de Timothy Robert Blevins, le Sportin'life, comique au physique généreux, du ténor trinidadien Ronald Samm. Pour les rôles féminins, la soprano Kristin Lewis dans le rôle de Serena est une femme de caractère. Maria (la contre alto Laverne Williams) et Clara (la soprano guadeloupéenne Magali Léger) donnent la couleur du drame et la romance. Les ultra-marins étaient bien représentés dans les deuxième rôles par Jocelyn Michalon qui joue le croque-mort, Jean-Loup Pagesy dans le rôle de Jim, Odile Dovin qui interprête Lily, et Jean-Pierre Cadignan. L’orchestre et le chef emmènent le tout dans un tempo accéléré, peut être pour nous éviter l’ennui d’une mise en scène illustrative et passablement appuyée.
À l’Opéra comique
Crown (Daniel Washington) et Bess (Indira Mahajan) sur la scène de l’Opéra comique. (Photo : E. Carecchio)
La chorégraphe Sud Africaine Robyn Orlin propose un décor minimal. La scène est vide à l’exception d’un immense écran escamotable. Robyn Orlin prend le pari de monter l’opéra de Gershwin avec une table, des chaises et un écran sur lequel elle veut voir une projection de son subconscient. En fait, des images réalisées par Philippe Lainé dans un ghetto de Johannesburg. On y voit les habitants de Kliptown dans un dénuement absolu. Il se joue ici un pari esthétique, une mise en tension et une actualisation réelle de la dramaturgie du livret qui met en avant la force des personnages. Avec une grande simplicité et loin de tout spectaculaire, la chorégraphe s’est attaché à montrer l’aspect universel de cet opéra en déjouant les clichés et la condescendance qui ont longtemps desservi cette œuvre. Le sujet est la pauvreté, la migration forcée...
Bess (Indira Mahajan) et Sportin’Life (Jermaine Smith) dans la version sud-africaine de Robyn Orlin. (photo : E. Carecchio)
Les mouvements sont des danses primitives dans des styles aussi variés qu’il y a d’interprètes. Ceux-ci déjouent une autre image facile, celle du B-Boy noir qui fait du hip hop… Robyn Orlin est au plus prés de l’œuvre et fait un travail de création tout à fait remarquable en évitant les amalgames faciles. Le casting américain est aussi brillant qu’à Lyon. L’orchestre, sous la direction du chef Wayne Marshall, fait swinguer ce conte populaire lyrique.
Nous nous sommes pris à rêver d’un Porgy and Bess, opéra comédie musicale populaire, avec un casting inédit : Admiral T, Christiane Obydol, Lynn’sha, Mike Ibrahim et quelques autres !
Porgy and Bess a été joué à l’opéra de Lyon du 24 mai jusqu’au 1er juin et à l’Opéra comique à Paris du 4 au 20 juin
Porgy and Bess, l’opéra interdit aux Blancs
"Porgy and Bess" mise en scène par la Sud Africaine Robyn Orlin à l'Opéra Comique (Photo : E. Carecchio)
L’opéra Porgy and Bess ne peut être interprété que par une distribution exclusivement noire. Ainsi en ont décidé les auteurs, le compositeur George Gershwin (1898-1937) et son frère Ira Gershwin qui a écrit le livret avec Dubose Heyward.
La saison lyrique 2007-2008 met à l’honneur cet « opéra nègre americain » selon Truman Capote, considéré aujourd’hui comme un vrai opéra populaire américain, mélangeant langage jazz et negro spiritual. Le livret raconte l'histoire de Porgy, un noir estropié vivant dans les taudis de Charleston, en Caroline du Sud, qui tente de sauver Bess des griffes de Crown, son mari, et de Sportin’Life, un dealer.
L’opéra a connu un très gros succès à sa création en 1935. Les critiques avaient salué la modernité de son approche de la culture afro-américaine. Au fil du temps, la controverse avait pris le dessus faisant considérer l’œuvre comme un point de vue blanc, voire raciste, sur la condition des Noirs américains. Le grand Duke Ellington moquera même « les stéréotypes négroïdes d’un blanc ». Heureusement l’aspect populaire de l’oeuvre reprendra le dessus et de nombreux musiciens noirs de jazz enregistreront leur version de Porgy and Bess comme l’illustre la chanson Summertime reprise par de grandes voix du jazz afro-américain.
Voilà donc un programme passionnant pour deux productions confiées a deux grande figures du spectacle contemporain, les Français Montalvo-Hervieu et la Sud-Africaine Robyn Orlin.
À l’Opéra de Lyon
Porgy and Bess à l’opéra de Lyon. Sportin’Life (Ronald Samm) et Bess (Janice Chandler-Eteme) au premier plan à droite (Photo : B. Stofleth)
José Montalvo et Dominique Hervieu (du Centre chorégraphique national de Créteil) offrent une scénographie sans surprise, frontale et statique, comme dans leur spectacle précédent (Les Paladins de Rameau). Le rideau s’ouvre sur une projection du décor de la création de 1935 signé de Sergei S. Doudeikine. Des séquences surprenantes montrent les chanteurs filmés sous l’eau et des images d'archives déroulent le temps de façon simpliste et illustrent les actions (1965 et le mouvement pour les droits civiques, 1992 et les émeutes de Los Angeles). L’habituel défilé de parcs animaliers auquel ces deux chorégraphes sont habitués occupe l’écran sans répit. Des costumes fleurant bon la Nouvelle Star actualisent de façon triviale la représentation. Le Hip Hop, le Krump et autre Street performance de jeunes meublent la moindre mesure de la partition, les moments creux notamment. L’œuvre est ici jouée dans son intégralité : 3 heures 15 alors que les auteurs l’ont longtemps donnée dans une version écourtée. Le travail de l’opéra de Lyon avec les quartiers trouve ici son aboutissement : la salle se soulève avec enthousiasme devant le spectacle qui n’aurait pas reçu le même accueil avec le public du Théâtre des Champs-Élysées.
Porgy and Bess mis en scène par les Français Montalvo-Hervieu a fait une large place aux ultra-marins dans sa distribution. (Photo : B. Stofleth)
On remarque surtout le Porgy, dur et rayonnant, du baryton Derrick Lawrence, le Crown, violent, frimeur et bling bling, de Timothy Robert Blevins, le Sportin'life, comique au physique généreux, du ténor trinidadien Ronald Samm. Pour les rôles féminins, la soprano Kristin Lewis dans le rôle de Serena est une femme de caractère. Maria (la contre alto Laverne Williams) et Clara (la soprano guadeloupéenne Magali Léger) donnent la couleur du drame et la romance. Les ultra-marins étaient bien représentés dans les deuxième rôles par Jocelyn Michalon qui joue le croque-mort, Jean-Loup Pagesy dans le rôle de Jim, Odile Dovin qui interprête Lily, et Jean-Pierre Cadignan. L’orchestre et le chef emmènent le tout dans un tempo accéléré, peut être pour nous éviter l’ennui d’une mise en scène illustrative et passablement appuyée.
À l’Opéra comique
Crown (Daniel Washington) et Bess (Indira Mahajan) sur la scène de l’Opéra comique. (Photo : E. Carecchio)
La chorégraphe Sud Africaine Robyn Orlin propose un décor minimal. La scène est vide à l’exception d’un immense écran escamotable. Robyn Orlin prend le pari de monter l’opéra de Gershwin avec une table, des chaises et un écran sur lequel elle veut voir une projection de son subconscient. En fait, des images réalisées par Philippe Lainé dans un ghetto de Johannesburg. On y voit les habitants de Kliptown dans un dénuement absolu. Il se joue ici un pari esthétique, une mise en tension et une actualisation réelle de la dramaturgie du livret qui met en avant la force des personnages. Avec une grande simplicité et loin de tout spectaculaire, la chorégraphe s’est attaché à montrer l’aspect universel de cet opéra en déjouant les clichés et la condescendance qui ont longtemps desservi cette œuvre. Le sujet est la pauvreté, la migration forcée...
Bess (Indira Mahajan) et Sportin’Life (Jermaine Smith) dans la version sud-africaine de Robyn Orlin. (photo : E. Carecchio)
Les mouvements sont des danses primitives dans des styles aussi variés qu’il y a d’interprètes. Ceux-ci déjouent une autre image facile, celle du B-Boy noir qui fait du hip hop… Robyn Orlin est au plus prés de l’œuvre et fait un travail de création tout à fait remarquable en évitant les amalgames faciles. Le casting américain est aussi brillant qu’à Lyon. L’orchestre, sous la direction du chef Wayne Marshall, fait swinguer ce conte populaire lyrique.
Nous nous sommes pris à rêver d’un Porgy and Bess, opéra comédie musicale populaire, avec un casting inédit : Admiral T, Christiane Obydol, Lynn’sha, Mike Ibrahim et quelques autres !
Porgy and Bess a été joué à l’opéra de Lyon du 24 mai jusqu’au 1er juin et à l’Opéra comique à Paris du 4 au 20 juin