Khasukuda, Terre de nuit au festival d'Avignon
Les Amérindiens dans la cité des PapesJean-Marc Hervé, metteur en scène, conteur et marionnettiste de Saint-Laurent et Ruben Makosi, le musicien et apprenti chamane, ont emmené avec eux la féerie du monde amérindien dans la cité des Papes ! Trois contes et trois façons d’investir l’espace. Assis devant un carbet, tel un griot, Jean-Marc Hervé, anime la marionnette d’un pêcheur de tortues luth. Victime de la vengeance des tortues qui lui reprochent toutes la mort d’une mère, d’une fille, d’une soeur, il passe dix ans sous au fond de la mer auprès d’une mystérieuse femme qui devient son épouse. Autorisé à revenir dans son village arawak, le pêcheur ne peut se taire comme il l’a promis… Jean-Marc Hervé joue avec les personnages, comme un garçon jouerait avec ses soldats, une fille avec ses poupées… Les marionnettes parlent, elles sont douées d’une vie propre et l’on en oublie les doigts du marionnettiste qui pourtant les manipulent directement, sans l’aide de ficelles. Le théâtre redevient du jeu, un jeu pur et les adultes imitent les enfants et pénètrent dans la magie du conte amazonien… C’est au tour du jaguar… Ce prince de la forêt détient le secret du feu. Comme dans toutes les histoires, un homme le lui volera. Du feu, le jaguar n’a gardé que la braise dans ses yeux !
Contes et légendes de l’Amazonie
Pour ce conte, la scène s’est déplacée en façade du carbet. Dans des cadres de bois flotté, le conteur dessine à la manière des anciens qui illustrent leur propos en dessinant sur le sable de la plage à Awala-Yalimapo. Il projette des lumières et des ombres colorées. Cette animation en deux dimensions renvoie à la magie d’un des plus anciens films d’animation, Les aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger, de 1926 !. La musique (flûte, percussions, bruitages) sacrée de Ruben Makosi, qui a été un consultant expert dans la conception du spectacle, vient ajouter à la féerie. Mais, ça y est ! Jean-Marc Hervé investit le carbet et ses profondeurs, cet entremêlement de poutres et de branches liées par des lianes qui indiquent le chemin des racines, des traverses, un assemblage capable de porter le fleuve, et sur le fleuve, des pirogues emplies de pêcheurs ! C’est la dernière légende, celle du déluge et de l’oubli, une histoire là encore que l’on retrouve dans toutes les civilisations ! Malgré la grande qualité de ce spectacle, il a souffert d’une mauvaise indexation dans le programme du festival. Ce qui lui a valu de rater une partie de son public : les enfants et les familles. Tant bien que mal, tout de même, Khasukuda, Terres de nuit, a rassemblé autour de la cosmogonie amérindienne près de 1000 spectateurs.
100 % GuyaneKhasukuda était le spectacle tout public de la programmation du TOMA pendant ce festival d’Avignon et aussi le seul à 100 % guyanais. Jean-Marc Hervé et Ruben Makosi sont venus exprès avec leur spectacle, leurs marionnettes et leur carbet de Saint-Laurent-du-Maroni et d’Awala-Yalimapo au détriment d’une invitation au Brésil ! Et si Norma Claire est bien authentiquement Guyanaise, elle arrivait de Paris avec un spectacle où les accents de l’afro et de l’urban dance, avec la présence sur scène de son fils, le smurfer Nelson Ewandé, étaient bien là. Quant au tissage poétique monté autour de l’œuvre du Guyanais Damas, Léon-Gontran Damas a franchi la ligne, elle est mise en scène par Frédérique Liebaut, une Martiniquaise basée dans le Val- de-Marne, soutenue par la Région Martinique et accueillie en résidence à Hesdin dans le Pas de Calais.
Interview. Jean-Marc Hervé, metteur en scène, concepteur et marionnettiste
« Créer un théâtre qui retrouve son identité en Guyane »
Comment qualifier ce spectacle ?
C’est un spectacle de marionnettes parce que la marionnette prend beaucoup de formes. On peut aller du théâtre d’objet à simplement animer quelque chose par le regard. La marionnette contemporaine a un peu explosé ses limites. Là ce sont des marionnettes, pour certaines très peu mobiles mais elles sont totémiques, ce sont des effigies. Les petits personnages monolithiques du village de pêcheurs sont faits comme le bâton sacré des tanbouyens, ronds au bout et partant en fuseau.
Ces histoires sont-elles issues des mythes amérindiens ?
Ce sont des mythes de fondation au moins pour deux d’entre eux. Le premier tire plutôt vers le conte, un conte un peu moral. C’est l’histoire du pêcheur qui est très adroit et qui abuse et qui, parce qu’il abuse, va être entraîné au fond de l’eau… La nature faut pas trop en abuser !
Vous considérez-vous aussi comme un conteur ?
Je ne suis pas conteur en réalité, je suis à mi-chemin entre le conteur, le comédien et le montreur d’images. C’est cette trilogie qu’on a mise en place pour présenter le spectacle. Ce qui nous a intéressés c’est de trouver une âme amérindienne, et au-delà, de s’inscrire dans une tradition du conte qu’on retrouve énormément en Guyane mais dans le cadre d’une création contemporaine. Depuis que le théâtre de l’entonnoir existe en Guyane, on façonne nos spectacles pour que les Amérindiens s’y retrouvent.
C’est pour ça que vous avez beaucoup travaillé avec eux ?
On est allé à Awala, on a rencontré le chamane, les gens qui portent la parole, les villageois, les enfants qui ont été d’une aide très précieuse pendant la résidence. Ils sont allés nous chercher des graines… Ils nous ont ramené des choses que l’on n’aurait pas eues autrement ! Voilà, c’est l’idée de créer un théâtre qui retrouve son identité en Guyane. Même si je ne suis pas Guyanais, mais ça fait 10 ans que j’y vis en permanence !
Comment arrivez-vous, entre la diction et la manipulation, à ne pas briser la magie ?
Le marionnettiste, il entre dans son personnage et d’autres fois il en sort. C’est toute l’astuce, toute l’habileté. J’ai appris cela à l’école nationale de la marionnette ! On a été formé à pouvoir travailler en schizophrène, c’est-à-dire avec deux personnalités. C’est un va-et-vient continuel.
Pourquoi avoir transformé le castelet classique en un carbet aussi grand ?
On l’a fait aussi gros qu’on pouvait et les marionnettes aussi petites que l’on pouvait pour avoir cette pression du bois et de la forêt sur les personnages pour essayer de retranscrire, de redonner de façon théâtrale et imagée la pression de l’Amazonie sur les gens qui y vivent.
Quel a été le rôle de Ruben Makosi sur cette création ?
Il a été un de nos interlocuteurs, un conseiller. Il est musicien mais aussi plasticien. A certains moments, on a travaillé avec lui sur la recherche des matériaux. Il a beaucoup d’acuité pour repérer ce qui est dans la nature. On retrouve ce regard aiguisé dans ses sculptures.
Contes et légendes de l’Amazonie
Pour ce conte, la scène s’est déplacée en façade du carbet. Dans des cadres de bois flotté, le conteur dessine à la manière des anciens qui illustrent leur propos en dessinant sur le sable de la plage à Awala-Yalimapo. Il projette des lumières et des ombres colorées. Cette animation en deux dimensions renvoie à la magie d’un des plus anciens films d’animation, Les aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger, de 1926 !. La musique (flûte, percussions, bruitages) sacrée de Ruben Makosi, qui a été un consultant expert dans la conception du spectacle, vient ajouter à la féerie. Mais, ça y est ! Jean-Marc Hervé investit le carbet et ses profondeurs, cet entremêlement de poutres et de branches liées par des lianes qui indiquent le chemin des racines, des traverses, un assemblage capable de porter le fleuve, et sur le fleuve, des pirogues emplies de pêcheurs ! C’est la dernière légende, celle du déluge et de l’oubli, une histoire là encore que l’on retrouve dans toutes les civilisations ! Malgré la grande qualité de ce spectacle, il a souffert d’une mauvaise indexation dans le programme du festival. Ce qui lui a valu de rater une partie de son public : les enfants et les familles. Tant bien que mal, tout de même, Khasukuda, Terres de nuit, a rassemblé autour de la cosmogonie amérindienne près de 1000 spectateurs.
100 % GuyaneKhasukuda était le spectacle tout public de la programmation du TOMA pendant ce festival d’Avignon et aussi le seul à 100 % guyanais. Jean-Marc Hervé et Ruben Makosi sont venus exprès avec leur spectacle, leurs marionnettes et leur carbet de Saint-Laurent-du-Maroni et d’Awala-Yalimapo au détriment d’une invitation au Brésil ! Et si Norma Claire est bien authentiquement Guyanaise, elle arrivait de Paris avec un spectacle où les accents de l’afro et de l’urban dance, avec la présence sur scène de son fils, le smurfer Nelson Ewandé, étaient bien là. Quant au tissage poétique monté autour de l’œuvre du Guyanais Damas, Léon-Gontran Damas a franchi la ligne, elle est mise en scène par Frédérique Liebaut, une Martiniquaise basée dans le Val- de-Marne, soutenue par la Région Martinique et accueillie en résidence à Hesdin dans le Pas de Calais.
Interview. Jean-Marc Hervé, metteur en scène, concepteur et marionnettiste
« Créer un théâtre qui retrouve son identité en Guyane »
Comment qualifier ce spectacle ?
C’est un spectacle de marionnettes parce que la marionnette prend beaucoup de formes. On peut aller du théâtre d’objet à simplement animer quelque chose par le regard. La marionnette contemporaine a un peu explosé ses limites. Là ce sont des marionnettes, pour certaines très peu mobiles mais elles sont totémiques, ce sont des effigies. Les petits personnages monolithiques du village de pêcheurs sont faits comme le bâton sacré des tanbouyens, ronds au bout et partant en fuseau.
Ces histoires sont-elles issues des mythes amérindiens ?
Ce sont des mythes de fondation au moins pour deux d’entre eux. Le premier tire plutôt vers le conte, un conte un peu moral. C’est l’histoire du pêcheur qui est très adroit et qui abuse et qui, parce qu’il abuse, va être entraîné au fond de l’eau… La nature faut pas trop en abuser !
Vous considérez-vous aussi comme un conteur ?
Je ne suis pas conteur en réalité, je suis à mi-chemin entre le conteur, le comédien et le montreur d’images. C’est cette trilogie qu’on a mise en place pour présenter le spectacle. Ce qui nous a intéressés c’est de trouver une âme amérindienne, et au-delà, de s’inscrire dans une tradition du conte qu’on retrouve énormément en Guyane mais dans le cadre d’une création contemporaine. Depuis que le théâtre de l’entonnoir existe en Guyane, on façonne nos spectacles pour que les Amérindiens s’y retrouvent.
C’est pour ça que vous avez beaucoup travaillé avec eux ?
On est allé à Awala, on a rencontré le chamane, les gens qui portent la parole, les villageois, les enfants qui ont été d’une aide très précieuse pendant la résidence. Ils sont allés nous chercher des graines… Ils nous ont ramené des choses que l’on n’aurait pas eues autrement ! Voilà, c’est l’idée de créer un théâtre qui retrouve son identité en Guyane. Même si je ne suis pas Guyanais, mais ça fait 10 ans que j’y vis en permanence !
Comment arrivez-vous, entre la diction et la manipulation, à ne pas briser la magie ?
Le marionnettiste, il entre dans son personnage et d’autres fois il en sort. C’est toute l’astuce, toute l’habileté. J’ai appris cela à l’école nationale de la marionnette ! On a été formé à pouvoir travailler en schizophrène, c’est-à-dire avec deux personnalités. C’est un va-et-vient continuel.
Pourquoi avoir transformé le castelet classique en un carbet aussi grand ?
On l’a fait aussi gros qu’on pouvait et les marionnettes aussi petites que l’on pouvait pour avoir cette pression du bois et de la forêt sur les personnages pour essayer de retranscrire, de redonner de façon théâtrale et imagée la pression de l’Amazonie sur les gens qui y vivent.
Quel a été le rôle de Ruben Makosi sur cette création ?
Il a été un de nos interlocuteurs, un conseiller. Il est musicien mais aussi plasticien. A certains moments, on a travaillé avec lui sur la recherche des matériaux. Il a beaucoup d’acuité pour repérer ce qui est dans la nature. On retrouve ce regard aiguisé dans ses sculptures.