La déclaration de Yaoundé
L'appel de Yaoundé des producteurs ACP et européens de bananesCe matin (mardi), les producteurs ivoiriens, camerounais, ghanéens, dominicains et européens de banane rendent public la déclaration de Yaoundé. A l’issue de deux jours de séminaire organisé à Yaoundé par l’Association des producteurs européens de bananes et le gouvernement camerounais, les professionnels sont passés à la phase supérieure dans leur démarche de front commun vis-à-vis de la communauté européenne et de l’OMC. Cette démarche avait été initiée au ministère français de l’agriculture le 30 avril dernier en vue des négociations qui se sont déroulées en juillet à Genève dans le cadre du cycle de Doha. « Le rendez-vous de Yaoundé, a indiqué le ministre camerounais du commerce, Luc Mbarga, est le premier du genre. Ce rapprochement a été rendu nécessaire car la question de la banane est éminemment politique et l’appel de Yaoundé doit mettre fin à la guerre de la banane à l’OMC. »
Un triple appel
Le texte de la déclaration, qui devait être finalisé dans la soirée de lundi, est un triple appel. Un appel en direction de l’Union européenne afin qu’elle use bien de son droit d'appel devant l’Organisme de résolution des différends suite à la décision de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) de donner raison aux Etats-Unis et à l’Equateur qui se plaignaient des droits de douane imposés à leurs productions pour le marché européen. L’Europe a jusqu’au 29 août pour faire appel. En second lieu, c’est un appel pour que l’accord sur la banane se fasse dans le cadre de l’OMC, « seul cadre légal capable d’assurer une solution fiable et pérenne à ce conflit ». Enfin, un appel en direction des pays latino-américains pour négocier « une affaire Sud Sud, pour se répartir équitablement le marché européen ». La déclaration doit être transmise dès ce jour à Bruxelles, aux gouvernements des pays ACP et au gouvernement et à la présidence de la République française qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne.
De Genève à Yaoundé
En préliminaire du séminaire des 25 et 26 août à Yaoundé, Eric de Lucy, président de l’Union des groupements des planteurs de bananes a résumé devant l’ensemble de la délégation ce qui, depuis l’échec des négociations de Genève, a conduit à la situation présente. « Lors des négociations dans le cadre ducycle de Doha (fin juillet), les latinos et la communauté européenne sont parvenus à un accord qui ne nous convient pas. L’ambassadeur de l’Union européenne a même menti, en déclarant que l’accord avait été signé. Il s’agissait de mettre les pays ACP au pied du mur. Les négociations ont alors porté sur les compensations. Nous étions alors k-o debout et nous avons été sauvés par le gong, l’échec de Doha !" Aujourd’hui malgré cet échec, les Latino-Américains (les pays NPF) sont en mesure de dire qu’il y avait un accord et même si après Doha, la Communauté européenne a indiqué qu’il n’y avait plus d’accord, les pays NPF voudront appliquer cet accord. Selon Eric de Lucy, la Communauté européenne ne sait pas vraiment ce qu’elle va faire le 29 août. « Va-t-elle faire appel du panel qu’elle a pedu en première instance ? Si c’est non, c’est qu’elle veut en terminer avec ces négociations. Si c’est oui, ce sera une position un peu plus virile qui permettra de rebattre les cartes. » Les professionnels n’ont pas été dupes et savaient que le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, et le commissaire Mendelson voulaient arriver à Genève le 21 juillet avec un accord sur la banane, avec un litige en moins ! C’est dans cette perspective, désormais, que les producteurs antillais, européens et africains sont réunis à Yaoundé.
L’aspect technique
Depuis le 1er janvier 2006, la Communauté européenne a alloué un contingent tarifaire aux pays ACP sans droits de douane. Les pays NPF (Amérique du sud) sont soumis à un droit de douane fixé à 176 euros la tonne quelle que soit la quantité importée. C’est ce tarif qui a été remis en cause par l’Equateur et les Etats-Unis (les fameux panels). Ceux-ci se sont basés sur la liste des concessions des Communautés qui mentionne le droit de 75 euros pour un contingent de quelque 2 millions de tonnes et 680 euros au-delà de ce contingent (fixé en 2001). Depuis le 1er javier 2006, les exportations de bananes dollar en Europe ont augmenté de 1 million de tonnes. L’ensemble du marché communautaire et ACP est loin d’atteindre de tels contingents d’où ce qu’il est convenu d’appeler la guerre de la banane.
Ils ont dit
Joseph Owona, député de Douala et secrétaire général de l’association des producteurs de bananes du Cameroun
Les Antilles n’existeraient pas s’il n’y avait pas l’Afrique ! Il y a ces liens du sang mais également cette communauté d’intérêts. Ce qui se passe aujourd’hui nous a permis de comprendre que nous avons un ennemi commun. Il était extrêmement important que nous puissions nous retrouver ensemble pour réaffirmer notre position commune, notre solidarité active qui nous amène à faire entendre notre voix au plus haut niveau et le plus fort possible.
Alfred Almont, député de Martinique et vice-président du groupe Fruits et légumes à l’Assemblée nationale
La représentation nationale ne pouvait pas ne pas s’intéresser à ce qui conditionne aujourd’hui le vrai développement économique et social de nos régions. Nous sommes confrontés à l’OMC qui fait reposer les vertus de la croissance sur un libéralisme du commerce international extravagant. Cela a pour conséquence que les plus grosses compagnies ont l’ascendant sur les plus petits. Il est nécessaire que les plus petites s’organisent d’autant pus que la banane européenne, la banane ACP, est une banane des acquis sociaux, une banane qui respecte tous les critères de qualité exigés par l’Union européenne. Il faut à tout prix la protéger. Après avoir réussi l’union des producteurs, que nous puissions nous rassembler et constituer un parti représentatif face aux autres partenaires que sont d’un côté les Latinos-Américains et les nouvelles puissances que sont l’Inde, le Brésil et la Chine. La meilleure défense c’est l’attaque ! Il nous fallait prendre l’initiative au lendemain de l’échec de Genève.
Jérôme Fabre, Compagnie fruitière (ACP)
Nous sommes sans doute concurrents avec les Antillais dans le contexte mondialisé mais malgré tout il y a un partage de valeurs, de méthodes et une même vision qui font qu’aujourd’hui, au-delà de l’histoire les producteurs antillais et africains ont des intérêts en commun pour la défense de leur production. Face à la toute puissance latino-américaine, nous petits producteurs avons vocation à nous défendre ensemble pour faire perdurer nos activités qui jouent un rôle certain dans l’équilibre socio-économique tant aux Antilles qu’en Afrique.
Jean-Michel Emmanuel, administrateur guadeloupéen
de l’Union des groupements
Il est naturel que compte tenu de l’attaque qui a été portée contre les droits de douane, que ceux qui risquent de perdre dans cette affaire se mettent ensemble pour affronter ces panels et arriver à maintenir ces droits de douane. L’enjeu des Latinos est de gagner encore plus d’argent. La suppression des droits de douane augmente considérablement leur marge bénéficiaire, tandis que pour nous ça entraînerait une baisse des prix de vente et donc une baisse considérable de nos revenus et même la disparition de nos productions. Ici, à Yaoundé, nous sommes en train de faire comprendre à l’Union européenne qu’il y a un bloc décidé à se battre et à montrer aux multinationales américaines que l’OMC ne pourra pas sacrifier impunément la banane ACP et communautaire au commerce mondial.
Louis-Daniel Berthomme, président de la chambre d’agriculture de Martinique
Au vu de la position du directeur de l’OMC et des commissaires européens prêts à toucher aux droits de douane sur la banane, nous avons intérêt à montrer notre force pour maintenir ces tarifs douaniers. Si on devait les diminuer de façon substantielle et très rapide, il en va de la diminution des superficies plantées chez nous, voire de la disparition de la production de bananes. Si cela se faisait, ce serait préjudiciable pour l’ensemble de l’économie de nos pays.
Aka Mathias N’Goan, président de l’organisation centrale des producteurs exportateurs de bananes de Côte d’Ivoire
Lorsqu’au mois d’avril, les producteurs communautaires sont venus vers nous pour faire une démarche commune à Bruxelles, je pense que le but était l’efficacité. Nous avons les mêmes problèmes même si nous ne sommes pas dans les mêmes dispositions. Ensemble, on devient plus fort. Une déclaration commune avec nos amis antillais pour bousculer un peu l’Union européenne, ce sera mieux ressenti. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et aujourd’hui, on a besoin d’être ensemble.
Un triple appel
Le texte de la déclaration, qui devait être finalisé dans la soirée de lundi, est un triple appel. Un appel en direction de l’Union européenne afin qu’elle use bien de son droit d'appel devant l’Organisme de résolution des différends suite à la décision de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) de donner raison aux Etats-Unis et à l’Equateur qui se plaignaient des droits de douane imposés à leurs productions pour le marché européen. L’Europe a jusqu’au 29 août pour faire appel. En second lieu, c’est un appel pour que l’accord sur la banane se fasse dans le cadre de l’OMC, « seul cadre légal capable d’assurer une solution fiable et pérenne à ce conflit ». Enfin, un appel en direction des pays latino-américains pour négocier « une affaire Sud Sud, pour se répartir équitablement le marché européen ». La déclaration doit être transmise dès ce jour à Bruxelles, aux gouvernements des pays ACP et au gouvernement et à la présidence de la République française qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne.
De Genève à Yaoundé
En préliminaire du séminaire des 25 et 26 août à Yaoundé, Eric de Lucy, président de l’Union des groupements des planteurs de bananes a résumé devant l’ensemble de la délégation ce qui, depuis l’échec des négociations de Genève, a conduit à la situation présente. « Lors des négociations dans le cadre ducycle de Doha (fin juillet), les latinos et la communauté européenne sont parvenus à un accord qui ne nous convient pas. L’ambassadeur de l’Union européenne a même menti, en déclarant que l’accord avait été signé. Il s’agissait de mettre les pays ACP au pied du mur. Les négociations ont alors porté sur les compensations. Nous étions alors k-o debout et nous avons été sauvés par le gong, l’échec de Doha !" Aujourd’hui malgré cet échec, les Latino-Américains (les pays NPF) sont en mesure de dire qu’il y avait un accord et même si après Doha, la Communauté européenne a indiqué qu’il n’y avait plus d’accord, les pays NPF voudront appliquer cet accord. Selon Eric de Lucy, la Communauté européenne ne sait pas vraiment ce qu’elle va faire le 29 août. « Va-t-elle faire appel du panel qu’elle a pedu en première instance ? Si c’est non, c’est qu’elle veut en terminer avec ces négociations. Si c’est oui, ce sera une position un peu plus virile qui permettra de rebattre les cartes. » Les professionnels n’ont pas été dupes et savaient que le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, et le commissaire Mendelson voulaient arriver à Genève le 21 juillet avec un accord sur la banane, avec un litige en moins ! C’est dans cette perspective, désormais, que les producteurs antillais, européens et africains sont réunis à Yaoundé.
L’aspect technique
Depuis le 1er janvier 2006, la Communauté européenne a alloué un contingent tarifaire aux pays ACP sans droits de douane. Les pays NPF (Amérique du sud) sont soumis à un droit de douane fixé à 176 euros la tonne quelle que soit la quantité importée. C’est ce tarif qui a été remis en cause par l’Equateur et les Etats-Unis (les fameux panels). Ceux-ci se sont basés sur la liste des concessions des Communautés qui mentionne le droit de 75 euros pour un contingent de quelque 2 millions de tonnes et 680 euros au-delà de ce contingent (fixé en 2001). Depuis le 1er javier 2006, les exportations de bananes dollar en Europe ont augmenté de 1 million de tonnes. L’ensemble du marché communautaire et ACP est loin d’atteindre de tels contingents d’où ce qu’il est convenu d’appeler la guerre de la banane.
Ils ont dit
Joseph Owona, député de Douala et secrétaire général de l’association des producteurs de bananes du Cameroun
Les Antilles n’existeraient pas s’il n’y avait pas l’Afrique ! Il y a ces liens du sang mais également cette communauté d’intérêts. Ce qui se passe aujourd’hui nous a permis de comprendre que nous avons un ennemi commun. Il était extrêmement important que nous puissions nous retrouver ensemble pour réaffirmer notre position commune, notre solidarité active qui nous amène à faire entendre notre voix au plus haut niveau et le plus fort possible.
Alfred Almont, député de Martinique et vice-président du groupe Fruits et légumes à l’Assemblée nationale
La représentation nationale ne pouvait pas ne pas s’intéresser à ce qui conditionne aujourd’hui le vrai développement économique et social de nos régions. Nous sommes confrontés à l’OMC qui fait reposer les vertus de la croissance sur un libéralisme du commerce international extravagant. Cela a pour conséquence que les plus grosses compagnies ont l’ascendant sur les plus petits. Il est nécessaire que les plus petites s’organisent d’autant pus que la banane européenne, la banane ACP, est une banane des acquis sociaux, une banane qui respecte tous les critères de qualité exigés par l’Union européenne. Il faut à tout prix la protéger. Après avoir réussi l’union des producteurs, que nous puissions nous rassembler et constituer un parti représentatif face aux autres partenaires que sont d’un côté les Latinos-Américains et les nouvelles puissances que sont l’Inde, le Brésil et la Chine. La meilleure défense c’est l’attaque ! Il nous fallait prendre l’initiative au lendemain de l’échec de Genève.
Jérôme Fabre, Compagnie fruitière (ACP)
Nous sommes sans doute concurrents avec les Antillais dans le contexte mondialisé mais malgré tout il y a un partage de valeurs, de méthodes et une même vision qui font qu’aujourd’hui, au-delà de l’histoire les producteurs antillais et africains ont des intérêts en commun pour la défense de leur production. Face à la toute puissance latino-américaine, nous petits producteurs avons vocation à nous défendre ensemble pour faire perdurer nos activités qui jouent un rôle certain dans l’équilibre socio-économique tant aux Antilles qu’en Afrique.
Jean-Michel Emmanuel, administrateur guadeloupéen
de l’Union des groupements
Il est naturel que compte tenu de l’attaque qui a été portée contre les droits de douane, que ceux qui risquent de perdre dans cette affaire se mettent ensemble pour affronter ces panels et arriver à maintenir ces droits de douane. L’enjeu des Latinos est de gagner encore plus d’argent. La suppression des droits de douane augmente considérablement leur marge bénéficiaire, tandis que pour nous ça entraînerait une baisse des prix de vente et donc une baisse considérable de nos revenus et même la disparition de nos productions. Ici, à Yaoundé, nous sommes en train de faire comprendre à l’Union européenne qu’il y a un bloc décidé à se battre et à montrer aux multinationales américaines que l’OMC ne pourra pas sacrifier impunément la banane ACP et communautaire au commerce mondial.
Louis-Daniel Berthomme, président de la chambre d’agriculture de Martinique
Au vu de la position du directeur de l’OMC et des commissaires européens prêts à toucher aux droits de douane sur la banane, nous avons intérêt à montrer notre force pour maintenir ces tarifs douaniers. Si on devait les diminuer de façon substantielle et très rapide, il en va de la diminution des superficies plantées chez nous, voire de la disparition de la production de bananes. Si cela se faisait, ce serait préjudiciable pour l’ensemble de l’économie de nos pays.
Aka Mathias N’Goan, président de l’organisation centrale des producteurs exportateurs de bananes de Côte d’Ivoire
Lorsqu’au mois d’avril, les producteurs communautaires sont venus vers nous pour faire une démarche commune à Bruxelles, je pense que le but était l’efficacité. Nous avons les mêmes problèmes même si nous ne sommes pas dans les mêmes dispositions. Ensemble, on devient plus fort. Une déclaration commune avec nos amis antillais pour bousculer un peu l’Union européenne, ce sera mieux ressenti. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et aujourd’hui, on a besoin d’être ensemble.