Kréyol factory à la Villette
Kreyol factory
Critique et reportage Régis Durand de Girard (avec FXG)

L’événement parisien du moment est l’ouverture de la saison kréyol de Jacques Martial à la Villette.
« Le nègre n’est pas, le blanc non plus », Rama Yade a compris, au fur et à mesure de l’exposition que Frantz Fanon avait tout dit… Des vagues labyrinthiques en carton et tôles ondulées, les matériaux de la construction non durable, pour définir tous les espaces de réflexion que propose la Saison kréyol de Jacques Martial à La Villette, à Paris : Traversées, trouble des genres, l’Afrique communauté imaginée, Noir comment ? des îles sous influences, les nouveaux mondes, chez soi de loin… Le sol est un miroir qui réfléchit les surfaces murales d’exposition, les démultiplie. On se déplace en s’accrochant aux œuvres. Ça force le regard ! Les pièces se confrontent, les espaces et les visiteurs aussi qui ne restent pas inactifs. Il y a des vis-à-vis ; des mondes artistiques se rencontrent…
Les œuvres interrogent sur la diversité, celle aussi des regards portés. L’autre nous regarde et nous invite. Les concepts proposés sont attirants. Edouard Glissant aimerait sans doute. Les lumières, très pointues, de Christian Dubet finissent de donner à l’ensemble une atmosphère confortable, intime. La pénombre amène à s’oublier au profit des œuvres… « Il s’agit tout simplement de parler de la diversité du monde, explique Jacques Martial, La créolisation du monde est une contre-proposition à la mondialisation qui tend à éliminer les différences, à formater les esprits, » Polibio Diaz, un Dominicains présente une œuvre, Despues de la siesta, assemblage de grandes photos qui forment un storyboard géant. La sieste, nous dit-il, est la même à Saint-Domingue et à Port-au-Prince. Dans son prolongement, lui répondent les photos d’Haïti de Jane Evelyn Atwood.
Noir comment ?
The big one world, l’œuvre de Bruno Peinado, un Martiniquais exilé en Bretagne, interroge sur l’absurdité de la représentation. En plagiant le bibendum blanc de Michelin, il nous rappelle insidieusement que le caoutchouc des pneus est noir… C’est aussi le monde à l’envers, Le titre de l’œuvre est imprimé en miroir. En arrière-plan du bibendum noir, douze boîtes lumineuses pour une photo rétroéclairée de Jean-Ulrik Desert qui se met en scène en costume folklorique bavarois. Exorcisme des fausses représentations.
Jean-Luc de Lagarigue expose Martinique LTD, une quête des vestiges de la tradition créole comme s’il voulait retenir, stopper la déperdition de la mémoire. Plus loin, Limber Vilorio expose une carcasse de voiture qu’il a tapissée de 210 000 douilles. Une armure faite avec des objets d’attaque. Chez soi de loin s’ouvre aux diasporas caribéennes et océaniennes à Paris, New York, Miami ou Londres. David Damoison est présent avec sa série La rose est sans pourquoi dans les cités françaises, Alex Majoli avec les Jamaïcains de Brixton ou Susan Meiselas à Harlem… Il y a bien une fin à l’exposition, mais le questionnement soulevé est sans fin, ce parcours ouvre une multitude de passerelles. Jacques Martial, Yolande Bacot et les équipes de la Villette ont réalisé une grande exposition qui rendra le travail plus dur aux trois musées new yorkais qui annoncent pour 2011 un concept similaire.
Photos Régis Durand de Girard
Christine Albanel, ministre de la Culture
« Il y a eu la parole de protestation et là, il y a une parole qui n’est pas moins forte, mais qui est une parole artistique. Cette saison sur le thème de toutes les créolités ça met bas toute forme d’exotisme facile et beaucoup d’idées reçues. Nous sommes en face d’un projet total, esthétique bien sûr, mais culturel, philosophique, un projet d’affirmation identitaire très forte. Il y a un dialogue entre ces formes de créolités extrêmement intéressant. Ca donne des clés et je crois que tous les visiteurs vont s’émerveiller mais comprendre surtout, respecter, entrer… On peut en sortir différent. »
Miguel Luciano, de Porto-Rico, vivant à Brooklyn, NYC
"J’ai appelé les pièces que j’expose Pure plantainum et Plantain pride, c’est un mélange entre plantain et platinium. C’est une commémoration de la banane plantain qui est un symbole culturel. J’en ai fait un symbole exagéré, très gros à porter et qu’on exhibe avec fierté comme un symbole, une caricature et une fierté ( ?) de ce que nous sommes."
Triptyka, de Guadeloupe
Jean-Yves Adelo, artiste vidéaste guadeloupéen (des Abymes) présente Triptyka, œuvre créée en 2002 et basée sur les soirées traditionnelles gwoka.
"Triptyka, le nom est un clin d’œil aux retables qui étaient présentés dans les églises à la Renaissance, des triptyques qui permettaient d’éduquer le peuple à travers des images, c’étaient les premières bandes dessinées éducatives. Tous les illétrés pouvaient comprendre. Maintenant je me le réapproprie avec le medium audiovisuel et j’en fais de la peinture en mouvement. C’est là mon cheval de bataille. Je m’appuie sur une tradition orale, mais aussi la danse traditionnelle et j’essaie de tirer des mouvements des danseurs et des textes des chansons, des symboles, des signes qui viennent nourrir la vidéo pour faire une peinture. J’ai besoin d’obtenir du pixel et de la matière. Quand on connaît l’histoire de la Guadeloupe, on va voir des clins d’œil, on va entendre certains hommes politiques comme Michaux-Chevry, Ibo Simon mais ma grand-mère aussi ! Car tous sont des personnages qui m’ont nourri de leurs commentaires, leur pensée sur ce qu’est être Guadeloupéen. Aujourd’hui, je les rassemble dans ce monde qu’est Triptyka pour en faire une genèse personnelle."
Le bateau poubelle de Jean-François Boclé (Saint-Esprit, Paris)
« Je récupère des cartons au sol dans des villes du monde. Et puis, il y a un moment où affleure un langage globalisé, du chinois, de l’allemand, du français… Il n’y a pas de créole même s’il y a beaucoup de cartons de banane de Guadeloupe et de Martinique. Il y a des phrases étranges comme « Rien ne peut l’abattre » que je n’ai toujours pas compris mais c’est un slogan qui m’impressionne beaucoup car c’est comme une pensée magique là où on ne l’attend pas car que peut-on trouver de plus fragile et de plus aberrent que cette monoculture de la banane qui nous a amené une économie coloniale et le chlordécone, faisant de nous une poubelle. A la fin des marchés à Paris, on trouve les cartons des bananes de Guadeloupe et de Martinique et… Rien ne peut l’abattre ! J’utilise ce slogan, mais pas en entier et là, on peut lire « peut l’abattre ».
Critique et reportage Régis Durand de Girard (avec FXG)

L’événement parisien du moment est l’ouverture de la saison kréyol de Jacques Martial à la Villette.


Noir comment ?

The big one world, l’œuvre de Bruno Peinado, un Martiniquais exilé en Bretagne, interroge sur l’absurdité de la représentation. En plagiant le bibendum blanc de Michelin, il nous rappelle insidieusement que le caoutchouc des pneus est noir… C’est aussi le monde à l’envers, Le titre de l’œuvre est imprimé en miroir. En arrière-plan du bibendum noir, douze boîtes lumineuses pour une photo rétroéclairée de Jean-Ulrik Desert qui se met en scène en costume folklorique bavarois. Exorcisme des fausses représentations.

Photos Régis Durand de Girard
Christine Albanel, ministre de la Culture

« Il y a eu la parole de protestation et là, il y a une parole qui n’est pas moins forte, mais qui est une parole artistique. Cette saison sur le thème de toutes les créolités ça met bas toute forme d’exotisme facile et beaucoup d’idées reçues. Nous sommes en face d’un projet total, esthétique bien sûr, mais culturel, philosophique, un projet d’affirmation identitaire très forte. Il y a un dialogue entre ces formes de créolités extrêmement intéressant. Ca donne des clés et je crois que tous les visiteurs vont s’émerveiller mais comprendre surtout, respecter, entrer… On peut en sortir différent. »

"J’ai appelé les pièces que j’expose Pure plantainum et Plantain pride, c’est un mélange entre plantain et platinium. C’est une commémoration de la banane plantain qui est un symbole culturel. J’en ai fait un symbole exagéré, très gros à porter et qu’on exhibe avec fierté comme un symbole, une caricature et une fierté ( ?) de ce que nous sommes."
Triptyka, de Guadeloupe

"Triptyka, le nom est un clin d’œil aux retables qui étaient présentés dans les églises à la Renaissance, des triptyques qui permettaient d’éduquer le peuple à travers des images, c’étaient les premières bandes dessinées éducatives. Tous les illétrés pouvaient comprendre. Maintenant je me le réapproprie avec le medium audiovisuel et j’en fais de la peinture en mouvement. C’est là mon cheval de bataille. Je m’appuie sur une tradition orale, mais aussi la danse traditionnelle et j’essaie de tirer des mouvements des danseurs et des textes des chansons, des symboles, des signes qui viennent nourrir la vidéo pour faire une peinture. J’ai besoin d’obtenir du pixel et de la matière. Quand on connaît l’histoire de la Guadeloupe, on va voir des clins d’œil, on va entendre certains hommes politiques comme Michaux-Chevry, Ibo Simon mais ma grand-mère aussi ! Car tous sont des personnages qui m’ont nourri de leurs commentaires, leur pensée sur ce qu’est être Guadeloupéen. Aujourd’hui, je les rassemble dans ce monde qu’est Triptyka pour en faire une genèse personnelle."

« Je récupère des cartons au sol dans des villes du monde. Et puis, il y a un moment où affleure un langage globalisé, du chinois, de l’allemand, du français… Il n’y a pas de créole même s’il y a beaucoup de cartons de banane de Guadeloupe et de Martinique. Il y a des phrases étranges comme « Rien ne peut l’abattre » que je n’ai toujours pas compris mais c’est un slogan qui m’impressionne beaucoup car c’est comme une pensée magique là où on ne l’attend pas car que peut-on trouver de plus fragile et de plus aberrent que cette monoculture de la banane qui nous a amené une économie coloniale et le chlordécone, faisant de nous une poubelle. A la fin des marchés à Paris, on trouve les cartons des bananes de Guadeloupe et de Martinique et… Rien ne peut l’abattre ! J’utilise ce slogan, mais pas en entier et là, on peut lire « peut l’abattre ».