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Publié par fxg

Interview d’Alain Foix, auteur de Noir, chez Galaade, collection Auteur de vue
Alors qu’un débat oppose les pro et les anti statistiques ethniques, le dramaturge guadeloupéen Alain Foix prend parti contre dans un ouvrage intitulé Noir, un essai qui a pour but de faire comprendre les vraies difficultés — historiques, sémantiques, philosophiques —de la condition noire.
« Les mots sont des pièges à capturer les êtres »
Etes-vous un homme noir ?

Je suis un homme.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Il ne suffit pas de dire que le noir est sujet au racisme, il faut aussi savoir d’où vient le racisme et comment il fonctionne Il s’agit de se questionner sur les conséquences du terme noir qui en fait est une sorte de concept enfermant. Ceux qui auront lu un peu vite Césaire ou Fanon, diront qu’en refusant cette appellation, je suis un nègre assimilé, que je refuse mon identité, ma négritude… Moi, je refuse cette forme d’enfermement insupportable. Comment accepter par exemple que le CRAN (Comité représentatif des associations noires) arrive à l’Elysée en disant qu’il représente les noirs ? Comment un comité peut-il être représentatif des associations noires ? Les associations noires, ça n’existe pas ! On est dans un jeu de mot, dans un abus de langage. Le terme noir est déjà en soi un abus de langage. Il n’y a aucun homme qui soit noir, aucun homme qui soit blanc.
Que voulez-vous dire ?
Le mot noir renvoie à tout ce qui est obscur, ténébreux, effrayant, tout ce qui relève du non être. Effectivement il est plus simple de se dire blanc que noir. Le CRAN demande au nom des statistiques ethniques que l’on s’auto-définisse comme noir, cela veut dire qu’il va de soi que le noir est noir de façon déterminée.
On vous rétorquera qu’il faut appeler un chat un chat…
Comme si l’homme était un chat ! En enfermant les gens dans leur couleur, on enferme l’individu. L’individu est le socle du contrat social, c’est-à-dire que l’individu, par sa liberté, choisit d’être en contrat avec la société. Si je ne choisis pas, mais qu’on m’impose mon identité par mon apparence, il y a un problème d’autant plus grave que ce sont les dits noirs qui imposent cela. Au nom de quoi ?
Le CRAN défend les statistiques ethniques pour mesurer les discriminations…
Il s’agit d’une machine de guerre à double ressort et double tranchant. C’est un peu comme la négritude qui a été un outil conceptuel nécessaire au moment où il a fallu affirmer son être nègre contre une certaine vision du noir comme non-être. Ceci dit, c’est un moment déterminé et la négritude, selon Sartre, est un moment dont l’objet est de se dépasser lui-même. Césaire a dit : « Je n’aime pas tous les jours le mot de négritude. » Il percevait l’ambiguïté de ce terme qui renvoie à un côté essentialiste, c’est-à-dire que l’on serait noir de façon essentielle. Or, la question nègre est surtout existentielle. On vous enferme dans une condition. Mais cette condition, il s’agit d’en sortir. Or, on ne peut pas dire : « Je suis noir et je veux en sortir. »
Pourquoi affirmer que les statistiques ethniques sont anti-républicaines ?
La devise nationale inclut déjà la diversité. Le mot fraternité a été rajouté en 1795 après la première abolition de l’esclavage. Haïti a envoyé trois députés : un noir, un mulâtre et un blanc et il y a eu une grande manifestation, une fresque ! Elle avait pour but de montrer que tous les hommes sont frères. C’est alors que le mot fraternité a été introduit. Ce qui signifie qu’il y a dans la trinité de la République française une dimension de la multiplicité qui est déjà inscrite.
Ce n’est qu’une devise…
On ne peut dire que c’est une abstraction blanche puisque c’est lié aux combats qui ont eu lieu. Le problème est que cette devise trouve des freins dans la société civile car la société fonctionne sur deux modes :  celui de la loi écrite et celui de la loi non dite. On est dans une espèce de schizophrénie où il y a un Dr Jekyll d’un côté et un Mr Hyde de l’autre qui va retirer d’une main ce qu’apporte le premier. Le problème est profondément culturel, inscrit dans le fonctionnement sociétal. Ce n’est pas la loi qui va empêcher cela, ni le fait de mettre un noir à des responsabilités ici ou ailleurs. Ces contorsions multiples du CRAN et autres n’ont pour objet que de cacher la réalité sociale et politique qui est que, de toute manière, l’économie, l’industrie, la société fonctionnent de manière à créer une sorte de mise à part, un ghetto. On est dans un paradoxe : ceux qui soutiennent les statistiques ethniques veulent enfermer les noirs dans une image qu’ils ont eu tant de mal à défaire.
Cela justifie-t-il le refus du mot noir ?
Les mots sont des pièges à capturer les êtres. L’identité est en chacun de soi, mais elle est multiple. L’important, c’est la multiplicité, pas la diversité. Et ce qui définit notre identité est ce que nous faisons, nos choix, notre liberté ! Accepter de s’auto-désigner noir ou autre avant de se définir par sa nationalité ou sa fonction, c’est s’enfermer dans une chose qui n’est pas essentiellement nous, parce que nous, c’est du mouvement.
La couleur n’est-elle pas une donnée réelle ?
La réalité n’est pas seulement ce qu’on croit voir, mais ce que la culture nous amène à regarder. On a longtemps cru avant Delacroix que l’ombre était noire. Non ! L’ombre est bleue. Et si l’ombre est bleue, la peinture ne va pas être la même. On tape sur les doigts des enfants lorsqu’ils confondent marron et rouge. Mais lorsqu’on leur fait rencontrer une personne de couleur, on leur dit qu’elle est noire. L’enfant voit bien qu’elle est marron et pas noire, mais il va devoir intégrer cela comme un signe et non comme une réalité. Et ce signe, qui prend sens, remplit sa peur du noir, de l’inconnu, de l’autre. C’est comme ça que ça se construit. C’est pour ça qu’il ne faut pas accepter un masque noir qu’on vous colle au visage. Lorsqu’on me connaît, je suis autre chose que noir parce que ce n’est pas ça qui est intéressant, c’est mon être et non mon image.

Discrimination aux Etats-Unis, xénophobie en France
« On a tort de penser que mettre en place des dispositifs qui seraient inspirés des Américains puisse s’appliquer en France. La société américaine a été une endo-colonie, c’est-à-dire qu’elle s’est colonisée elle-même sur la base de la discrimination raciale avec des noirs, des hispaniques, des amérindiens d’un côté, des blancs de l’autre. La société américaine est donc composée de plusieurs races. Ce n’est pas le cas de la France, car la Nation a été fondée par la République qui ne se pose pas sur cette donnée de la discrimination. Et si la République a développé un régime colonial, c’était un régime extérieur à la France. Le racisme français est un mélange étrange avec la xénophobie. C’est pour ça qu’un noir n’est pas considéré comme un Français à part entière. Un noir est dans l’imaginaire français un autre, alors qu’aux Etats-Unis, c’est un Américain. C’est pour ça qu’on a tort de dire un Noir Américain. On devrait dire un Américain noir… »
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H
Stop, il faut arreter de siter le CRAN , on a dejas dit que le CRAN ca CRAIN.
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