Le procès du turf
Les 23 foulées de galop de trop de L’ami d’un soir devant la cour d’appel de Paris
La cour d’appel de Paris rejugeait, hier, le litige opposant un parieur corse, José Dominici, et la société d’encouragement à l’élevage du cheval français.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 novembre.
Une cassette vidéo relatant la course de trot litigieuse a été versée au dossier mais compte tenu de la surcharge de l’audience, elle n’a pas été visionnée. Le président Jacomet ne voulait pas revenir sur les faits (voir hors texte), impatient : « Quelle est votre jurisprudence ? ». Me Talamoni, défenseur du parieur José Dominici, invoque un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 1980 qui rappelle que la société de course est « chargée de veiller à la régularité de la course et doit prendre les dispositions pour en assurer le respect… » « Vous n’avez rien de la cour de Cassation ? », reprend le président… « Arrêt de 1972 : un parieur a engagé une procédure contre un jockey accusé de ne pas avoir soutenu suffisamment son cheval. La Cour a ordonné réparation pour les parieurs. » Il évoque encore le tribunal arbitral du sport qui soutient que les « autorités sportives veillent à l’application de leurs règlements de manière uniforme »… En première instance, le tribunal a reconnu la faute du cheval, l’erreur des arbitres, mais a aussi admis que la société avait mis en place le dispositif habituel, qu’elle avait donc « satisfait à ses obligations de prudence et de diligence ». Selon les premiers juges, la faute n’était pas intentionnelle ni ne relevait « d’une erreur grave, équipolente au dol ». Or, pour Me Talamoni, la faute est « grossière, objective » et le code des courses a été violé. Il plaide l’indemnisation de son client. « Seul le sentiment de la perte existe », Me Pierre Levêque, pour la socuiété d'encouragement à l'élevage du cheval français, parle d’une « entrée sur le terrain de l’opportunité » et cite le juriste Alain Bénaban : « La justice n’est pas une annexe du PMU où l’on honorerait les tickets perdants ! » « Non, oppose Me Talamoni, on vous demande de donner un blanc seing et de faire de la société organisatrice une forteresse hermétique à la justice ! »
« Le rouge est mis »
Me Talamoni remet en cause le conflit d’intérêt entre les organisateurs de courses et les éleveurs : « Le propriétaire de L’Ami d’un soir n’est autre que M. de Folleville, vice-président de la société d’encouragement à l’élevage du cheval français… Un tel système permet les suspicions ! » Me Lévêque tient son code des courses de trot et s’en tient à « la souveraineté de la décision des arbitres » : « Votre décision ne peut s’abstraire de réflexion sur la nécessité de prévoir un système d’arbitrage qui respecte la souveraineté de l’arbitre, sauf flagrance de faute grave des dits arbitres… » Un murmure s’élève dans le public qui croit bien reconnaître l’affaire en cause dans le mot « flagrance ». Me Lévêque poursuit sur la faute du cheval : « Elle est reconnue et n’a pas été relevée, mais il n’est pas acquis au débat qu’il y a eu plus de quinze foulées… » Il ne s’attarde pas et rappelle qu’au même moment un autre incident a attiré l’attention des juges. Il en vient ensuite à la sélection des juges arbitres. « Cessez avec les éléments passionnels », l’interrompt le président Jacomet. Il en revient à l’article 88 du code de la course au trot sur les juges… puis au règlement général du PMU qui engage tout parieur : une fois la flamme rouge hissée, le résultat ne peut plus être remis en cause. « Le rouge est mis ? », reprend Me Talamoni, et il cite en exemple une course du 15 août 2009 à Deauville où le PMU a modifié le résultat alors même que les paiements avaient commencé… Me Lévêque demande la confirmation du jugement de première instance. Délibéré le 6 novembre.
François-Xavier Guillerm, agence de presse GHM
La course litigieuse
En 2005, à l’occasion d’une course de trot, un cheval, L’Ami d’un soir dont le jockey, Jean-Michel Bazire, est une star, fait une faute non sanctionnée : il a couru plus de quinze foulées au galop… Le code de la course au trot prévoit qu’au-dessus de ce nombre, le cheval soit disqualifié. « L’Ami d’un soir a couru 23 foulées au galop, selon Me Talamoni. Tous l’ont vu, le jockey l’a vu puisqu’il s’est de lui-même écarté du peloton… Mais comme rien ne venait de la part de l’arbitrage, il est revenu dans le peloton et a fini la course en seconde position. Tous l‘ont vu, réitère l’avocat de José Dominici, le public, les journalistes hippiques, tous sauf les dix personnes chargés de surveiller la course : le commissaire aux courses et les juges d’allure qui classent le cheval fautif second. » Il en coûte une perte de 36 000 euros pour José Dominici, le plaignant qui avait, sans cette faute d’arbitrage, deux combinaisons gagnantes. « Il y aurait pu y avoir une enquête, un visionnage avant l’affichage des résultats définitifs, mais non… Malgré les protestations du public, le rouge a été mis. » José Dominici a, dans un premier temps, demandé réparation auprès de la société d’encouragement à l’élevage du cheval français, organisatrice des courses. Elle lui a proposé des entrées gratuites « pour apaiser son amertume ». Il a donc attaqué en justice et perdu une première fois avant de faire appel.