Marie-Luce Penchard aux Antilles du 8 au 12 octobre
Interview Marie-Luce Penchard
" L’Etat a respecté ses engagements et j’en apporterai la preuve "
La ministre de l'outre-mer sera en Guadeloupe, les 8 et 9 octobre, puis en Martinique jusqu’au 12.
200 logements sociaux construits en Martinique en 2008 (contre 1500 en Guadeloupe) certes il y a des problèmes de foncier, mais 70 millions de travaux sont en attente faute d'un accord de l'Etat pour les avances de trésorerie proposées par les organismes de logements sociaux. Peut-on espérer voir la situation s'arranger ?
En Martinique, où la problématique se situe autour du foncier, il y a plus de réhabilitations et plus d’opérations de rénovation d’habitat insalubre. Cela peut expliquer cette différence. Comme je l’ai indiqué à Toulouse lors de l’assemblée de l’Union Sociale pour l’habitat, je suis disposée à réorienter les crédits pour des opérations prêtes à démarrer. Il y a des opérations qui bénéficient d’une autorisation d’engagement mais dont on sait qu’elles ne pourront être engagées avant un ou deux ans en raison de difficultés dans le montage financier, la maîtrise du foncier ou sur les garanties financières. Si une opération n’est pas prête, il faut la déprogrammer et reporter le budget une opération validée. Mon objectif n’est pas de faire de l’affichage autour des 300 millions d’euros de la ligne budgétaire unique, en annonçant le financement de 5 000 logements pour qu’au final, le bilan soit de 150 logements en Martinique et1 500 en Guadeloupe. Je veux agir de manière pragmatique.
Et sur la trésorerie ?
Sur la question de l’avance de trésorerie, l’Etat a proposé de mettre en place des conventions d’actions foncières qui permettent de baisser la part de la commune de 20 % à 10 %. L’Etat est allé beaucoup plus loin grâce au plan de relance en permettant de mobiliser des crédits pour financer autrement le coût du foncier. Je ferai le point dans les deux départements au cours d’une réunion avec la direction départementale de l’équipement, en présence des acteurs du logement social, pour que l’on me dise où se situent les problèmes et pourquoi les opérations ne sont pas déjà engagées. Et nous trouverons des solutions.
Pourquoi y a-t-il ces retards dans le traitement des dossiers du RSTA ?
J’ai accordé un délai supplémentaire, de 15 jours jusqu’au 15 septembre, pour que les salariés puissent déposer leur demande pour le premier trimestre (de mars à mai). J’ai également clairement indiqué que si le dossier n’était pas complet, l’essentiel est qu’il soit parvenu avant le 15 septembre au service gestionnaire. Tous les dossiers remis à ce moment-là seront pris en compte. Il ne faut pas qu’il y ait d’inquiétudes sur ce point. J’en profite pour rappeler que ce dispositif a été mis en place dans un contexte particulier en seulement trois mois. Les délais de paiement s’expliquent aussi par le fait que les documents étaient pré-remplis et que certains demandeurs n’ont pas complété les informations demandées au verso. Cela a entrainé des demandes d’informations complémentaires. J’ai reçu les responsables de la caisse nationale d’assurance vieillesse, opérateur national du RSTA, et nous avons pris des engagements. Aujourd’hui, il y a eu 19 000 paiements effectués en Guadeloupe sur une cible de 60 000 personnes et 18 000 en Martinique sur une cible de 50 000 personnes. Et nous allons monter en puissance puisqu’à la mi-octobre, nous serons pour l’ensemble de l’outre-mer à 100 000 paiements effectués et 200 000 en novembre. Je tiens d’ailleurs à saluer l’investissement des équipes de la CGSS sur ce dossier qui travaillent sans compter leur temps pour leurs compatriotes.
A quand la fin du RMI ?
Comprenons-nous bien. Le RSA en métropole est une prestation qui regroupe sous un même nom le RMI, l’API et une prestation nouvelle pour les travailleurs à bas revenus. Il est prévu de réaliser une évaluation du RSTA en 2011. René-Paul Victoria avait été missionné pour étudier l’application du RSA outre-mer. Il faudra aussi qu’un vrai choix soit fait localement : veut-on le RSA ou le RSTA ? Dans l’accord Bino, la référence c’est le RSTA et moi, je me désole de voir qu’en Guadeloupe et en Martinique, on n’applique pas le RSA alors que c’est une bonne mesure qui permet de conjuguer à la fois un emploi et un complément de revenu. Je pense à des femmes, des familles monoparentales qui pouvaient avec le RSA percevoir avec trois enfants, 400 euros alors qu’avec le RSTA, elles n’ont que 100 euros et qu’un célibataire qui vit chez sa mère perçoit autant. Je pense qu’en termes de justice sociale, il faudra se poser ces questions. Parce que d’une certaine manière, on était en train de vouloir créer un SMIC guadeloupéen - et ce n’est pas possible, au regard de l’article 73 de la Constitution avec l’égalité législative -, on a imaginé une mesure dont les effets peuvent créer des injustices.
En Guadeloupe des milliers de personnes ont défilé dans les rues à l’appel du LKP pour demander à l’Etat de respecter ses engagements. Que leur répondez-vous ?
L’Etat a respecté ses engagements et j’en apporterai la preuve. Il faut arrêter de mentir aux Guadeloupéens ! Il y avait 165 mesures dans le protocole et sur celles-ci, il y en a 102 qui relèvent de l’Etat. Sur le 102, il y en a 71 qui ont été mises en œuvre. J’apporterai ces éléments aux Guadeloupéens parce que maintenant, il faut que chacun puisse dire réellement où nous en sommes dans l’application du protocole. Il ne sert à rien de défiler pour qu’au bout du compte, cela se termine par de grands discours. Je pense que les postures politiques sont une chose, mais les Guadeloupéens attendent qu’on règle leurs problèmes. Ils ont bien vu les effets des grèves du mois de février. Et même si des revendications étaient légitimes, on voit aujourd’hui que des solutions décidées dans la précipitation n’étaient pas forcément les meilleures. Aujourd’hui, je ne veux pas de politique spectacle car c’est trop sérieux. Je ne suis pas là pour faire des débats télévisés mais des réunions de travail. Je demande qu’il y ait un comité de suivi, que tout le monde vienne autour de la table pour montrer que l’Etat a tenu ses engagements. Il faut ensuite échanger afin de pointer les mesures qui ne sont pas appliquées et regarder comment les améliorer. On est dans un pays de droit ! Je suis disposée à revoir certaines choses mais il convient d’effectuer un travail préalable. C’est la raison pour laquelle, j’ai invité le porte-parole du collectif, Elie Domota, à participer à cette réunion qui va être organisée par le préfet le 12 octobre. A l’issue, il faudra repérer les secteurs qui posent difficulté, puis je viendrai dans un second temps pour prendre les arbitrages nécessaires et je pourrai alors rencontrer M. Domota.
Rencontrerez-vous Elie Domota pendant votre séjour ?
J’ai indiqué par un courrier rendu public à M. Domota la méthode que je viens de décrire et qui, à mes yeux, doit être celle d’une démarche de dialogue constructif. J’attends de savoir comment il s’inscrit dans cette démarche.
Tout le monde veut la transparence sur le prix des carburants. Pourquoi est-ce si difficile de satisfaire cette aspiration ?
Je crois que nous avons apporté de nombreux éléments : les trois rapports sur le sujet, la communication dans la presse sur la réforme progressive. La question du carburant est liée aussi à l’avenir de la SARA. Nous ne pouvons pas nous précipiter mais pour autant, nous ne pouvons pas faire jouer la solidarité nationale indéfiniment sur une question qui revient à subventionner un produit de consommation. Je préfère que la solidarité nationale joue au travers de questions essentielles que sont l’éducation et la santé parce que c’est le devoir de l’Etat. C’est pourquoi, il convient de poursuivre cette réforme pour que nous parvenions au prix le plus juste qui corresponde à la réalité des coûts. Et que les consommateurs sachent exactement à quoi correspondent ces coûts, car certains d’entre eux sont liés à des choix d’organisations des territoires. Quand on veut préserver l’emploi, ce qui est légitime, cela a un coût. Il faut le savoir et ce coût-là, il faut qu’on puisse dire que c’est le choix d’un mode de distribution. On ne peut vouloir à la fois des prix bas et vouloir maintenir un dispositif dont on sait qu’il génère des coûts supplémentaires. J’ai engagé ce discours de vérité et je vais le poursuivre.
Allez-vous évoquer la restitution des états généraux ?
Il faut attendre le comité interministériel de l’outre-mer et à l’issue de ce comité, je serai amenée à faire un déplacement sur chacun des territoires pour expliquer les décisions et assurer le suivi des propositions tout en expliquant pourquoi certaines propositions n’auront pas été retenues. Je ne veux pas de frustration parmi mes compatriotes car ce travail est très riche. Il sera utile à tous car il sera demain le chemin que nous suivrons chaque fois que l’on aura à intervenir dans un secteur. Ces états généraux sont la feuille de route pour l’avenir.
Vous allez justement visiter une école de bèlè à la Martinique, pourquoi ?
Sur ce déplacement, j’ai voulu aborder les questions de conditions de vie, le logement, l’insertion des jeunes, mais en même temps j’ai entendu ce qui a été dit en février, que l’identité et la culture étaient importantes pour les Guadeloupéens et les Martiniquais. Je souhaite donc m’investir dans ce domaine pour étudier la manière dont le ministère peut s’y associer. Voilà pourquoi j’ai voulu aborder dans ce déplacement le thème de la culture.
Maintenant que la date des consultations sont connues, que va-t-il se passer ?
On va rentrer dans une phase réglementaire avec une succession de procédures : saisine du conseil d’Etat, du conseil des ministres, organisation d’un débat parlementaire puis publication des décrets qui organisent les consultations avec une campagne de douze jours.
Propos recueillis par FXG, agence de presse GHM