4e jour du procès Mamodtaky
La mémoire d’Anita Remtoula mise à mal à la barre
Apres les premiers jours du procès en appel de Mamod Abasse Mamodtaky aux assises de Creteil, l’on connaît un peu mieux la partie qui se joue entre défense et partie civile. Si mardi, Me Dupond-Moretti a gagné une manche en décrédibilisant l’enquête de police sur laquelle est bâtie l’accusation, mercredi, c’est la partie civile qui a remporté la manche avec le témoignage accablant de Jean-François Crozet contre l’accusé. Crozet, condamné lors du procès de première instance à Paris en 2008, a affirmé que Mamodtaky était sur les lieux de la tuerie avec lui, à Fénoarivo, le 22 avril 2001, quand cinq membres de la famille de l’ex-épouse de l’accusé, Anita Remtoula, ont été tués et cinq autres blessés. Le président Jean-Paul Albert avait d’ailleurs du remettre à sa place à plusieurs reprises Eric Dupond-Moretti pour un trop plein d’agressivité.
Hier matin, une quinzaine de membres de la famille Remtoula étaient présents pour entendre le témoignage d’Anita. Celle-ci a d’abord livré sa version des faits, mêlant son propos de longs sanglots, sous le regard impavide de Mamodtaky.
Le président s’est ensuite livré à un interrogatoire minutieux. Anita Remtoula s’est montrée très évasive, ne se souvenant pas de grand-chose, si ce n’est une affirmation qu’elle a réitérée : « J’ai vu Mamod me tirer dessus. » Dans une première déposition à la police malgache, alors qu’elle était hospitalisée après la tuerie, on lit : « J’ai eu l’impression que c’était Mamod… » « Je n’ai jamais parlé d’impression », s’emporte-t-elle à la barre, rappelant que cette déposition était en malgache et qu’elle était encore sous le choc. Et comme la défense, Mes Dreyfus-Schmidt et Dupond-Moretti insistent sur les divergences de ses témoignages, elle tonne : « Vous y étiez ?! » Le président lui demande si elle a vu et reconnu les deux autres tireurs, Jean-François Crozet et Babar Ali. « Non. » « Pourtant vous les aviez déjà vus », lance la défense. Elle élude : « Ca fait douze ans maintenant… Il m’arrive d’avoir des troubles, j’ai subi un gros traumatisme. Je me culpabilise beaucoup… C’était un mariage d’amour et j’ai du mal à regarder ma famille en face… » Elle se souvient mieux de Mamod. « Il avait le visage découvert, était vêtu d’un jean et d’un haut blanc. J’ai vécu avec lui, je l’ai vu et reconnu. » La question de savoir pourquoi elle avait attendu 18 mois pour déposer plainte à Saint-Denis est restée sans réponse, arguant simplement de sa peur. Ses réponses, souvent, se sont réduites à une formule : « Je ne me souviens pas. »
L’audition qui a suivie, celle de son oncle, Goulzaraly Remtoula, n’est pas venue renforcer la thèse d’Anita. Si le sexagénaire a vécu les mêmes choses que sa nièce, il n’a vu que deux tireurs qu’il reconnaîtra ultérieurement, Jean-François Crozet et Babar Ali. Quant à Mamodtaky, il ne l’évoquait au lendemain de la tuerie que comme une menace puis un commanditaire.
Ce matin, la cour procède à l’audition de l’accusé. La confrontation de ce dernier avec Jean-François Crozet, très attendue, aura lieu le 18 février.
FXG, à Créteil
Le témoignage d’Anita Remtoula
« Les hommes jouaient aux boules, les femmes faisaient les brochettes. Vers 18 h 30, on a entendu du bruit ; papa m’a dit : « On dirait des enfants qui jouent aux pétards… » J’ai vu des enfants tomber et là Mamod m’a tiré dessus. Une balle dans le bas-ventre, une autre à côté du cœur… C’est une tragédie, une horreur, des cris… Papa m’a fait monter dans la voiture. Il y avait mes frères blessés, Alexandre et Malik… Papa était affolé. En partant pour l’hôpital, j’ai remarqué la Twingo blanche et une autre voiture… » Elle raconte ensuite le coup de téléphone que son père a reçu alors qu’elle est à l’hôpital : « Ma belle-sœur Fazilakathoune voulait emmener ma fille ; Mamod voulait qu’on lève l’interdiction de sortie de territoire de notre fille. Mamod a dit à Papa : « Ca ne te suffit pas que j’aie tué ton fils, tu veux que je tue les autres ? »