Statistiques de la diversité
1 865 000 Noirs adultes en France
Le CRAN a rendu public hier matin une étude statistique de la diversité en France qui étudie la population noire de France et d’Outre-mer à travers la perception qu’ont d’eux-mêmes les Noirs. Une première quand on sait que la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) veille à faire respecter la loi informatique et libertés qui interdit la collecte d’informations faisant apparaître les origines ethniques ou religieuses.
Le Comité représentatif des associations noires (CRAN) a demandé à TNS/SOFRES de réaliser un sondage auprès de la population noire de France. Cette étude entend analyser la perception des personnes se disant noires sur les discriminations dont elles peuvent être victimes, et de mieux connaître les caractéristiques de cette population. C’est le premier sondage jamais réalisé sur la population noire de France, selon le CRAN et la SOFRES. 3, 86 % des personnes sondées (âgées de plus de 18 ans) se disent noires. Soit, selon une projection de la SOFRES, 1 865 000 Noirs adultes en France. Un peu plus de la moitié d’entre elles se disent victimes de discriminations.
Ce sondage fondé sur un critère ethnique est légal », a précisé, Brice Teinturier de TNS/SOFRES lorsqu’a été évoqué un risque de fichage racial, « le passage du Rubicon des statistiques de la diversité ». « C’est un baromètre d’opinion des discriminations et il s’appuie sur des données obtenues pour la première fois auprès des populations noires de France. Il n’y a pas de flirt avec l’illégalité ! »
Pour une « politique équitable »
Le sondeur assure qu’il n’est pas question de comptage, mais « d’une perception de ce que l’on est, des gens qui se déclarent eux-mêmes noirs. » A partir de cette estimation de la population noire, le CRAN entend apporter des solutions contre la discrimination. Ainsi, foin des quotas ou de discrimination positive, Patrick Lozès parle d’objectifs (qu’il fixe par exemple à 8 % d’élus à l’Assemblée) et Louis-Georges Tin parle de « politique équitable » : « Ce qui a été fait pour les femmes peut être fait pour les Noirs ! » Ce baromètre est le premier d’une série qui se veut annuelle. Car pour Patrick Lozès, le combat contre les discriminations est un combat sans fin et les statistiques sont un moyen de d’évaluer les progrès accomplis en matière de lutte pour l’Egalité des chances. « La seule raison qui fait que je suis discriminé, c’est noir, noir, noir ! »
301 personnes en métropole se sont déclarées noires (sur les 12 000 sondés) ; 280 personnes dans les quatre DOM (sur 500 sondés) se sont déclarées noires.
Le Collectifdom dénonce les « racialistes du CRAN »
La question des statistiques ethniques provoque un nouveau schisme entre le CRAN et le Collectifdom. Ce dernier dénonce ces « Afro-Français » qui ont décidé qu’il y aurait une « communauté noire » en France, « bafouant la tradition universaliste » française. Les Ultramarins du Collectifdom reproche au CRAN de n’être qu’un « groupuscule regroupant des associations presque exclusivement africaines. Il compte très exactement 68 adhérents à jour de leur cotisation, dont 10 associations (chiffres communiqués par le secrétaire général du Cran en septembre 2006) ». Le Collectifdom s’oppose résolument au CRAN qui « tente aujourd’hui d’appuyer ceux qui veulent introduire officiellement le racisme dans les statistiques et viennent d’obliger la CNIL, malgré sa position de rejet de principe, à entamer des auditions sur l’opportunité de statistiques ethno-raciales. » Le sondage du CRAN aurait, selon Claude Ribbe, pour but de démontrer qu’il existerait une communauté noire en France. « Le Cran se garde bien de faire la différence entre Antillais et Africains et présuppose ce qu’il doit démontrer : la réalité d’une communauté noire en France. » Et il oppose un sondage réalisé par la commission consultative des droits de l’Homme à paraître fin mars, « qui fait voler en éclat la notion d’une communauté noire ».
La CNIL se penche sur la mesure de la diversité, aujourd’hui illégale
Pour la première fois depuis sa création en 1978, la CNIL, présidée par Alex Türk, sénateur du Nord, a organisé des auditions sur le thème de la mesure de la diversité. Depuis le novembre, 60 à 70 auditions ont déjà été effectuées par le groupe de travail présidé par l’universitaire Anne Debet. Patrick Lozès et Louis-Georges Tin du CRAN ont été entendus, de même que Claude Ribbe, Azouz Begag, ministre délégué à l’Egalité des chances, Claude Bébéar (Institut Montaigne, AXA), Louis Schweitzer (HALDE), François Héran (INED) Richard Descoings (Sciences Po), Alain Bauer (Observatoire National de la Délinquance), Dogad Dogoui (Africagora)… Les auditions s’achèvent en principe aujourd’hui. « Pour lutter contre les discriminations, encore faut-il pouvoir les mesurer », souligne-t-on à la CNIL qui rappelle que la collecte d’informations faisant apparaître les origines ethniques ou religieuses est précisément interdite par la loi informatique et libertés à l'exception de quelques cas limitativement énumérés. La CNIL entend présenter un rapport à la mi-mars avec des recommandations et des outils. « Si de nouvelles catégories doivent être créées, elles ne pourront l’être que par les parlementaires, indique Inès Rojic de la CNIL. Car ce débat autour des statistiques ethniques attise lui aussi des passions, comme l’incontournable affrontement que se livrent le CRAN et le Collectifdom sur le sujet !*
*Le site internet de la CNIL propose un questionnaire à tous sur la question des statistiques de la diversité. www.cnil.fr
3 questions à Patrick Lozès
Quelles seraient les catégories à introduire dans les statistiques de la diversité ?
Ce sont les types en usage dans la vie ordinaire, les Blancs, les Noirs, les Arabo-Berbères, les asiatiques, et il faudrait une rubrique « autre » et une rubrique « ne souhaite pas répondre » pour préserver la liberté des personnes interrogées. Ces rubriques doivent faire l’objet d’un large débat au sein de la Nation.
Pourquoi compter les Noirs ?
Les gens qu’on ne compte pas sont les gens qui ne comptent pas. Il est donc problématique de ne pas prendre en compte les populations noires dans les bases de données de l’INSEE. Si l’on refusait de compter les femmes dans la vie politique en France, comment saurait-on si la parité est respectée ? Et si l’on refuse de compter les Noirs, comment saura-t-on si la diversité est respectée dans le monde du travail ?
N’y a-t-il pas un risque de fichage policier comme pendant la seconde guerre mondiale ?
Les recensements sont anonymes et autodéclaratifs. Les données recueillies sont rendues anonymes. Il n’y a pas de liens entre les réponses données et les individus. Le fichage, c’est le lien entre une personne et une information. Cependant une rubrique mentionnant la couleur de peau chez les Noirs ne devraient pas poser de problèmes, bien au contraire. Les Noirs sont surreprésentés dans les contrôles policiers. Avec les statistiques de la diversité, on pourrait montrer et prouver le décalage éventuel entre le nombre de Noirs d’un quartier et le nombre de Noirs contrôlés dans ce même quartier. Ce décalage, c’est de la discrimination.