Apourou, "branleur suprême"
PORTRAIT
Apourou, artiste-peintre, Guadeloupéen et Parisien
« Une place insolente pour l’être humain »
Apourou, jeune peintre guadeloupéen exilé à Paris depuis dix ans, a été sélectionné pour participer à la biennale de Florence, fin 2007. (Les photos sont Régis Durand de Girard)
« La figure humaine, c’est là qu’il y a le drame. » Non, Apourou ne peint pas ses angoisses ! Non, Apourou n’est pas un pessimiste né ! « Je porte un regard lucide, dévoilé et je vois la cruauté, la violence qui est en chaque chose. La violence préside à toute existence. » Si l’art est désir, Apourou a soif de tragique. La tragédie au sens grec antique : « La lutte génère la vie » et c’est ce que ce jeune plasticien guadeloupéen, installé à Paris depuis une dizaine d’années, explore dans son travail.
Son petit atelier installé dans une échoppe de la rue Sainte-Marthe, dans le 10e arrondissement, est à son image : un capharnaüm d’objets hétéroclites, beaux ou laids, mais chargés de leur histoire, forcément tragique. A l’exception peut-être de ses pipes et de ses chapeaux dont il ne se sépare jamais. Une coquetterie qui donne à ce « bohème », une élégance très british.
Apourou est de Saint-François et de Petit-Bourg, mais son éclosion artistique s’est faite à Paris, dans la solitude, l’isolement de l’insulaire exilé. L’absence du regard d’autrui lui a permis de faire naître son art. « Au pays, j’écrivais des poèmes… » Aujourd’hui encore il écrit et quand il peint, il écrit encore. « J’ai transféré mon expérience poétique sur la toile. » Il définit son travail comme une exploration de ce qu’il y a derrière. Derrière les choses, derrière les visages, derrière les mouvements des corps, « cet élément de terrestre finitude censé marqué la fin du voyage".
« Bitin la sa ka troublé nou mé sé sa ki ka révélé nou ! »
Qu’il peigne un portrait, un corps, il cherche à montrer l’obscurité, mais une obscurité qui monte vers la lumière. « L’effondrement a déjà eu lieu », pour reprendre le psychanalyste canadien Penny Cot et sa « primitive agonie »... Apourou montre cet effondrement pour mieux signifier que la lumière est montante, à venir. Ne cherchez pas la joie dans son travail car « la joie se vit et ne se peint pas ». Ce qui se peint chez Apourou, c’est ce qui dérange. « Bitin la sa ka troublé nou mé sé sa ki ka révélé nou ! » Il y a dans ses toiles des autoportraits, partout, même quand il peint une femme nue. « Je crois que ma peinture est très littéraire, ce sont des poèmes… » Les mots sont là, tapis sous les couches de peintures, de café et des matériaux qu’il expérimente. « Le spectateur doit pouvoir enlever les mots de mes toiles et lire ma poésie… » Une poésie qui donne « une place insolente à l’humain ». Et quand on lui demande de se dire, il rétorque un rien goguenard : "Apourou : branleur suprême !"
Apourou, branleur suprême
Apourou, c’est l’artiste. Jimmy, c’est l’individu. Jimmy est né en 1971 à Pointe-à-Pitre. Collégien à Petit-Bourg, puis lycéen à Baimbridge, il décroche un bac littéraire avant de faire du droit à Fouillole, à défaut de pouvoir y étudier la littérature et la philosophie. « Finalement, j’ai aimé. Avec le droit, on était au cœur de l’humain. » Il s’est fait sa propre « philosophie politico-juridique », sa poésie et sa peinture s’y sont retrouvées. Il cite ses prédécesseurs artistes et juristes : Paul Valéry, Cézanne et Saint-John-Perse. Saint-John-Perse, un maître dont il refuse d’afficher le portrait dans son atelier car il lui reproche d’avoir voulu taire un temps son antillanité… Mais il le place juste après Césaire.
Apourou a été sélectionné pour exposer à la biennale de Florence et il est en tractation pour exposer chez JMArt, la galerie parisienne de la Martiniquaise Johana Auguiac.