MC MALCRIADO
La MC Malcriado, interview croisée des quatre MC
JP, Stomy Bugzy, Jacky Brown et Izé dans leur loge du New Mornig, le 2 mars dernier (Photos : Régis Durand de Girard)
La MC Malcriado a donné son premier concert public, vendredi 2 mars au New Morning à Paris, deux mois après la sortie de leur album Nos pobreza ke nos rikeza.
Présentez-nous la MC Malcriado...
Izé : C’est la réunion de quatre rappeurs, Jacky Brown des Neg marons, Stomy Bugzy, JP et moi. Nous sommes tous originaires du « petit pays », des îles du Cap-Vert. C’est le quartier, la famille qui nous a réunis.
Jacky Brown : La MC Malcriado, c’est une affaire de famille, ce n’est pas la musique qui nous a réunis.
JP : On se connaît tous depuis toujours. Mon père, celui d’Izé et celui de Jacky sont arrivés en France par le même bateau. Ma mère et celle de Stomy étaient très copines. Avant même notre naissance, la connexion était faite.
Izé : Nos parents sont arrivés en France dans les années 1970. J’ai grandi à Belleville et je suis tombé dans le brassage culturel. Je voulais aussi faire connaître la culture du Cap-Vert à Belleville. Dans Double nationalité et Mobilizé, il y avait déjà un mélange de musique cap-verdienne et de rap. Enfant, Jacky, mon cousin, chantait avec moi. JP, Stomy et Jacky vivaient ensemble à Sarcelles.
Malcriado veut dire mal élevé. Quel est le message ?
Izé : On nous appelait la mafia capverdienne, on voulait pas, on a préféré la MC Malcriado, les mal élevés. Pas forcément dans un sens péjoratifs, on peut être mal élevés face à la misère. Chacun de nous est mal élevé contre quelque chose.
JP : Je suis mal élevé dans le bon sens du terme. C’est une métaphore. A la base on est tous bien élevé, c’est une métaphore contre tout ce qui est négatif.
Stomy Bugzy : Nous sommes mal élevés face à toute forme d’injustice. C’est notre côté rebelle, mal élevés face à l’ancien colonisateur. On ne marche pas dans le rang !
Jacky Brown : Je suis de la family Brown dans le 95 ! A la base j’appartiens aux Neg maron. Un nom choisi pour fuir les préjugés et les stéréotypes qui font des banlieusards des drogués et des voleurs. C’est ça mon côté Malcriado. S’insurger contre l’injustice, ce n’est pas être mal élevé dans son éducation, c’est de la rébellion, un refus de la soumission.
Comment a débuté l’aventure de la MC Malcriado ?
Izé : Ca a commencé en 1998 au festival de Bahia das Gatas à Saint-Vincent (une des îles du Cap-Vert). C’est le Woodstock des îles ! Il y avait Stomy, Jacky et JP. Il ne manquait que moi. Je suis allé faire ce festival en 2003, mais seul.
Stomy Bugzy : C’était un concert de rap. Jacky était en vacances là-bas, à Santiago. Je suis venu avec JP et Amilcar, notre manager. On avait préparé quelques morceaux mais on a beaucoup improvisé et la sauce a pris. C’est là qu’on a décidé de faire le groupe. On nous appelait la mafia capverdienne mais il y avait déjà la mafia Zanfri alors on a pris Malcriado.
JP : Ca a pris le temps qu’il a fallu. On l’a fait à la vibes. Jacky et Stomy ont un planning chargé. C’était pas facile de se retrouver en studio. Mais on y est arrivé et on a fait l’album. La première partie a été faite à Paris en 2004 au festival de Bahia.
Jacky Brown : Au concert de Stomy, rien n’était prévu et au vu de la réaction du public, on a compris qu’il y avait quelque chose à faire. On avait déjà fait Bisso Nabisso avec les Congolais du rap, la MC Malcriado, c’est le Bisso Nabisso des Capverdiens.
Izé : Ca a pris en 2005, on était là, tous les quatre. Depuis huit ans on en parlait. On a pris le temps…
Stomy Bugzy : Depuis 1998, on travaille sur l’album à la coule. L’album a mûri avec nous. On a mis un peu de pression à la fin. Il y avait trop de morceaux inachevés ! On a terminé fin 2006.
Vous aviez déjà joué ensemble ?
Izé : Mon premier titre avec Stomy, c’est un single, Olele Cabo Verde, en 1996, sur l’album Le calibre qu’il te faut, du rap qui parlait déjà du « petit pays ».
JP : Je joue avec un collectif, Les deux doigts, avec Boulet. On a participé à des compils avec Stomy (Sale gosse), on a même fait un titre sur les discriminations sur les terrains de foot avec l’équipe de France et Marc Lavoine. En 2001, on a sorti un maxi, Manuscrit.
C’est facile de passer du rap à la musique capverdienne ?
Izé : Passer du rap à la musique du Cap-Vert… On l’avait en nous ! C’est comme sa langue maternelle et ça n’a pas été difficile de le sortir sur CD ! On sait d’où on vient, on connaît la richesse de nos dix petits cailloux, on parle la langue. Il y a la grande dame, Césaria Evora, et notre génération. L’idée, c’était plutôt de se dire « on va le faire », passer du dire au faire !
JP : C’était une expérience et un défi. Je suis né en France, mais ma langue maternelle est capverdienne. Enfant, j’écoutais ma mère chantant en faisant le ménage. Elle chantait le morna, des slows très doux, la coladera, des rythmes de Saint-Vincent. La musique de mon père était le funana ; il est de l’île de Praïa.
Stomy Bugzy : On garde notre flot de rappeur avec un peu plus de mélodie. C’était une envie et un besoin de s’exprimer dans la langue du Cap-Vert.
Jacky Brown : Je suis un MC qui doit être capable de s’adapter à toutes les musiques, toutes les situations. La musique du Cap-Vert, j’ai baigné dedans. Ca a été facile ! Ca a été une envie, mais ça a été surtout instinctif.
Que signifie le titre de l’album, Nos pobreza ke nos rikeza ?
JP : Nos pobreza ke nos rikeza, c’est notre pauvreté qui fait notre richesse. Chez nous, il n’y a pas de pétrole, pas de matières premières et c’est pas plus mal. C’est peut-être ça notre force !
Stomy Bugzy : Avec cet album là, on a un projet de tournée mondiale !
Izé : L’histoire ne fait que commencer !
Jacky Brown : Maintenant le souhait c’est d’en faire d’autres, continuer.
Quelle votre actualité en dehors de la MC Malcriado ?
JP : Je viens de réaliser un DVD sur le rap et la boxe thaï (Pirana prod). Les Français sont les meilleurs en boxe thaï et ça ne sa sait pas. A chaque boxeur, j’ai fait correspondre un rappeur.
Stomy Bugzy : Je sors Rime passionnelle le 21 mai, un album politiquement engagé, plus provoc et plus hardcore. Je reviens à mes premières amours du temps de Ministère amer. Le 20 juin, Gomez et Tavarez, le n°2, sort en salle et je joue le rôle d’André Aliker, en Martinique, sous la direction de Guy Deslauriers.
Jacky Brown : J’anime deux émissions sur Skyrock et Trace TV. Avec Neg maron, on finalise un album qui sortira en juin ou septembre.