La vie est ailleurs
CINEMA.
Une vraie toile pour le Bumidom
Jeudi soir, au cinéma Reflet Médicis, dans le 5e arrondissement de Paris, Michel Reinette, scénariste, et Antoine Léonard-Maestrati, réalisateur, ont présenté leur long-métrage, la Vie est ailleurs. On a vu France Zobda, Joby Valente, Willy Salzedo, Patrice Ferus, Harry Roselmack, Christiane Taubira… 1 h 25 d’un film qui raconte l’histoire des émigrés du Bumidom. Avec la musique de Soft, les témoignages à la fois émouvants et drôles de gens qui sont partis, de ceux qui sont restés et des enfants nés en banlieue parisienne. Sarcelles, Garges, Villiers-Le-Bel, Créteil… Henri Bangou, Aimé Césaire, Pierre Aliker apportent leur éclairage sur ces années Bumidom. Mais plus qu’un documentaire, c’est un vrai film de cinéma, un film qui raconte une histoire. « On a fait ce film parce que le problème de la migration pour les Antillais est un sujet tabou. Les parents n’ont jamais raconté à leurs enfants comment ils étaient partis », note le réalisateur. Michel Reinette a vécu toute cette histoire, « pas avec le Bumidom puisque je voyageais en première classe, mais je les ai vus en 3e classe… » Selon le scénariste, la migration a été organisée sciemment par le Premier ministre Michel Debré en 1962, sur une idée du général Némo, chef d’état-major des armées aux Antilles. « Il a fait un beau coup : il a résolu une crise sociale aux Antilles et une crise économique en métropole après les lois cadres pour l’Afrique et la perte de l’Algérie ».
Et c’est ainsi que durant vingt ans, les Antilles sont venues alimenter le 5e DOM avec une main d’œuvre qui a occupé les emplois non qualifiés de la fonction publique (Poste, hôpitaux, collectivités, RATP…). Cette histoire est racontée « en creux » dans le film, ce qui ressort, ce sont les histoires vécues. Quelques scènes de fiction s’intègrent à merveille comme des scènes de mémoire (où la musique de Fred Deshayes apporte sa part de rêve ou d’angoisse)… « Cette période est un marqueur important de l’histoire des Antilles, poursuit Michel Reinette. Une société vidée pendant une génération ne sort pas indemne de ce genre de situation. On a parfois diaboliser les prises de position sur l’esclavage, mais il faut parler, pas par esprit de revanche, mais pour être soi-même. » « Je n’ai pas voulu faire du cinéma, reprend le réalisateur. C’est un film direct, brut. »
Le film sort dans une salle à Paris (reflet-Médicis), dans le réseau Utopia en Province, en Martinique, le 18 avril, en Guadeloupe, le 20 avril.
Ils ont dit :
Harry Roselmack : « Ce film a un grand mérite et un intérêt pluriel. Il y a la tendresse que l’on ressent pour les anciens et c’est le mérite historique. J’ai écouté aussi les jeunes. Cela explique bien l’état d’esprit de notre jeunesse. Mais ce que j’ai découvert dans ce film, ce que je ne savais pas (ma mère ne me l’a pas dit), c’est le traumatisme des gens qui venaient par ce biais là. »
Jean-Pierre Passe-Coutrin : « Notre communauté fait un chemin autour de son identité. Ce chemin passe par l’histoire de l’esclavage, comme celle du Bumidom. Les exemples de Michel Reinette, Harry Roselmack ou Serge Romana existent. Mettons-nous au travail et sachons qui nous sommes. »