Renault et les discriminations
Le CRAN dénonce les discriminations à l’assemblée générale de Renault
Le Conseil représentatif des associations noires qui milite pour la légalisation des statistiques ethniques, a mené, mercredi à Paris, une opération coup de poing pour dénoncer l’utilisation de critères ethniques par la direction des ressources humaines de Renault.
Des militants du CRAN ont fait une descente, mercredi, au palais des congrès de la porte Maillot alors que s’y tenait l’assemblée générale des actionnaires de Renault. Ils voulaient interpeller Louis Schweitzer, président du conseil de surveillance de Renault et, par ailleurs, président de la HALDE (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Ils voulaient dénoncer des discriminations dans cette entreprise et réclamaient dans le même temps la légalisation des statistiques de la diversité en France. « Il s’agit de pouvoir lutter sérieusement contre les discriminations », selon le président du CRAN, Patrick Lozès.
Une centaine de plaintes ont été déposées le jour même par des salariés de Renault s’estimant victimes de discriminations raciales.
Un travail pédagogique sur les discriminations le 10 mai
Très surpris par cette manifestation devant ses actionnaires, Louis Schweitzer a accepté de rencontrer une délégation du CRAN. A l’issue de cette entrevue, Louis-Georges Tin, porte-parole du CRAN, a déclaré que M. Schweitzer a invoqué le fait qu’il n’appartenait plus a l’entreprise et qu’il ne pouvait donc répondre pour elle, « alors que les faits de discriminations reprochés s’étalent sur une trentaine d’années, la durée d’une carrière professionnelle », selon M. Tin. Au-delà du cas Renault, le CRAN demande que les chiffres de la diversité soient disponibles pour toutes les grandes entreprises de France. Ils ont demandé au président de la HALDE de faire réaliser des statistiques locales. Louis Schweitzer a répondu que certaines statistiques ciblées étaient d’ores et déjà programmées. Trop peu, selon les responsables du CRAN, qui ont assuré qu’il s’agissait de moins d’une dizaine. Ils ont enfin saisi M. Schweitzer pour qu’il interpelle le ministre de l’Education nationale afin qu’un travail pédagogique sur les discriminations soit fait à la date du 10 mai.
(Photos : Régis Durand de Girard)
La belle promotion d’un Martiniquais
Les dépôts de déposés hier (une centaine selon le CRAN) ont été coordonnés par Laurent Gabaroum, un employé d’origine africaine qui avait lui-même engagé des poursuites, avec cinq autres employés, pour discrimination contre Renault. Parmi eux, un Martiniquais, Stanislas Breleur, engagé comme électricien spécialisé. La seule promotion de sa carrière a été de passer au service commercial, mais sans contact avec les clients : Stanislas Breleur déclare avoir terminé sa carrière à transporter des cartons de carte grises ! Une promotion qui a eu, pour lui, un parfum de placard…
A ce jours les jugements pour ces affaires sont en cassation ou suivent leur cours, mais aucune condamnation n’a été requise contre Renault.
La phrase
"Le CRAN demande à Ségolène Royal de dire enfin oui aux statistiques de la diversité et à Nicolas Sarkozy de préciser sa pensée sur la discrimination positive a la française qu’il appelle des ses vœux"
Le document discriminant
Laurent Gabaroum qui a été cadre chez Renault a montré à la presse un document (qu’on pourrait considérer comme un outil de statistique sur la diversité ethnique) qui servait a la direction des ressources humaines et dans lequel les origines ethniques sont codifiée par des chiffres :
Afro-britanniques : 370
Britanniques : 130
Français naturalisés : 99
Français : 98
Français d’origine algérienne : 95
Ce document date de 1986 mais cette pratique était interdite par la loi depuis 1978. La communication de Renault a indiqué que ces listes et ces classements n’existaient plus actuellement mais n’a pas pu dire quand ces outils avaient été supprimés. Leur existence permettait, selon Renault, de prendre mieux en compte les problèmes de temps de vacances et de trajet pour ces salariés issus de pays lointains. Un autre document, un "rapport de connaissance" établi en 1986 par le CNRS établit une hiérarchie sur "la qualité d'adaptation dans l'industrie automobile". Il place en tête les Espagnols, puis les Yougoslaves avant de préciser : "les travailleurs les moins bons sont incontestablement les Africains noirs, les Algériens et les originaires des DOM".
Le ministère de la Défense prend les devant
Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense et Louis Schweitzer, président de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (halde), ont signé à l’Hôtel de Brienne, hier à midi, une convention de partenariat. Ce texte pose le principe d’une collaboration qui permettra au ministère de la Défense la mise en oeuvre conjointe d’actions d’information et de formation en matière de lutte contre toutes les discriminations.