Affaire Elisor - Jour 3
L’accusé principal face à ses contradictions et revirements
« Si tout le monde avait bien fait son boulot, je ne serais pas tout seul. On serait nombreux dans le box. » Amadou Fall a fini par lâcher cette phrase alors que Me Célestine Tacita, conseil de la partie civile, puis Mme Brutin, l’avocate générale, lui demandaient de s’expliquer sur ses contradictions et ses différentes versions des faits. Un brouhaha est alors monté dans la salle d’audience de la cour d’assises de Bobigny qui juge, depuis vendredi dernier, Amadou Fall et Alassane Diop pour le meurtre de Claudy Elisor. Ce père de famille d’origine guadeloupéenne avait été tabassé à mort dans la nuit de la saint Sylvestre 2010 par une bande de jeunes africains venus de la cité voisine au Blanc-Mesnil (93).
Depuis le début du procès, Amadou Fall, accusé principal, oppose sa version des faits à celle des témoins. L’ennui pour l’accusé, c’est qu’au début de la procédure, il avait procédé à des aveux complets sur lesquels il est revenu devant le juge d’instruction. Le président Sottet rappelle ses aveux à la cour d’assises : « J’ai dit à des gens de la cité du 212 (voisine de la salle du réveillon, ndlr) que j’avais été refoulé. On est parti à quatre à la salle. J’ai trouvé le gars avec des gants (celui qui l’a éconduit, Claudy Elisor, ndlr). Il m’a frappé au visage, je lui un mis un coup de poing qui l’a fait tomber. J’ai réalisé qu’il y avait des enfants. J’ai voulu partir ; j’ai vu le champagne, pris trois bouteille. J’ai vu le gars qui se relevait. Je lui ai mis une balayette et des coups de pied dans le ventre. Il est retombé… » Le président achève la lecture de ce procès-verbal et demande à l’accusé qui se tient les bras croisés et se balance de droite a gauche : « Tout ca, vous l’avez inventé ? » « On me l’a suggéré », répond-il avant d’ajouter : « Je ne me rappelle plus. » « Et quand vous avez dit : tout ca est de ma faute, j’en assume toute la responsabilité et je suis désolé pour la famille de la victime. Ce n’est pas vrai, demande le president. Et quand vous avez dit : je n’ai fait que me défendre ? » « Je ne sais plus », répond l’accusé. « Si c’est vous, il faut le dire », lance encore le président. « Pourquoi on doute de moi et pas des témoins qui ont donné des versions différentes ? » L’accusé et le président se font face. C’est un moment clé de l’audience. Le président Sottet va essayer de pousser l’avantage : « Les choses n’arrivent pas au hasard. Je ne sais pas si c’est suffisant pour la cour, mais il faut une explication logique, rationnelle, pour que des personnes avec qui vous n’avez rien à voir viennent, après votre depart de la salle dont vous avez été refoulé, frapper à mort celui qui vous a éconduit. » La veille, Amadou Fall a pourtant bien dit qu’il avait avisé des jeunes de sa cité avec ces mots : « Y a embrouille au château d’Egypte. Allez-y ! » « Oui, j’ai dit ça. » « Et comment ont-ils su alors que c’est celui qui portait des gants ? » L’accusé affirme qu’il ne connaissait pas ces jeunes gens.
Soutien de Jean-Claude Naimro de Kassav
Me Tacita lui demande alors : « Vous avez déclaré en garde à vue que vous n’étiez pas revenu tout de suite… » Il nie. L’avocate générale s’y met : « Vous vous êtes débarrassé de votre téléphone avant d’aller à la police et vous ne parlez pas de cette jeune femme rencontrée alors que vous voyiez les gyrophares devant le château d’Egypte ? C’est pourtant votre alibi… » C’est alors qu’il a sorti cette phrase sur le fait qu’il soit tout seul à la barre… La partie civile revient à la charge et demande pourquoi l’éducatrice spécialisée qui voit Amadou Fall depuis trois ans en prison, a indiqué que le jeune homme avait « beaucoup réfléchi sur la gravité de ce qu’on lui reproche et les raisons de sa détention » ?
Auparavant, la mère d’Amadou Fall est venue témoigner. Elle aussi a changé de version puisque, avant la garde à vue de son fils, elle a dit au policier qui l’accueillait : « Amadou n’est pas seul à avoir participé à l’agression de la victime. » A la barre, elle conteste, admet simplement que son fils « a pu faire le chaud devant le vigile ». Me Tacita lui demande si son fils a l’habitude de se teindre les cheveux. « Non. » Il les a teints avant son interpellation… Alors que la maman de l’accusé dépose, le clavier de Kassav, Jean-Claude Naimro, entre dans la salle et rejoint les bancs du public. Il est venu soutenir la famille Elisor.
FXG, a Paris
« C’est ma salle, c’est ma soirée ! »
Fabienne Elisor, l’épouse de la victime et mère de leurs deux enfants, est venu témoigner de son réveillon. Elle se souvient que le vigile, M. Doucouré (qui a reconnu Amadou Fall), l’a appelé vers 4 h 45 car quelqu’un voulait entrer. Cet homme dit alors à Fabienne : « C’est ma salle, c’est ma soirée ! » Elle lui dit qu’il doit se tromper de soirée, mais l’homme insiste. Elle appelle alors son mari qui raccompagne calmement l’intrus à l’extérieur. C’est après cela, alors qu’elle raconte cette scène à son frère, qu’elle entend un grand fracas, voit des gens qui courent dans tous les sens et distingue ces mots : « Il y a un homme à terre ! » Elle se rapproche et découvre son mari, la tête baignant dans une marre de sang. Elle a reconnu Amadou Fall et même le chien dont on a retrouvé l’image dans le portable d’Alassane Diop, l’autre accusé, celui qui est soupçonné d’avoir, avec le pitbull, empêcher tout mouvement de sortie.