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Publié par fxg

Tribune

Par Franck Anretar, président de la Fédération des Associations Africaines et Créoles

Franck-A-nretar--president-TAAC-photo-A--JOCKSAN.jpg« Les dessous amers de l’année de l’Outre-mer »

Dans le cadre de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy, lors d’un meeting avec la coordination nationale des comités de soutien des originaires de l’Outre-mer tenu à l’hôtel Méridien Montparnasse, le dimanche 1er Avril, a annoncé sur un ton non dénué d’une ironie mordante, qu’il ressortait principalement de la consultation des « leaders d’opinion des français d’Outre-mer qu’il fallait faire des festivals pour relancer et valoriser l’Outre-mer ». Le candidat qui, depuis est devenu président de la République, cherchait alors à faire passer le message que le divertissement ne pouvait être un projet valable pour relever un tel défi, et il annonçait être en rupture avec un tel schéma de pensée. Son message avait été accueilli favorablement et soulevé de nombreuses attentes.

Le samedi 8 janvier 2011, le Président Sarkozy propose, sur la base des conclusions des états généraux de l’Outre-mer, de faire de 2011, l’année des Outre-mer. Nous attendions beaucoup de cet événement. Malheureusement, le programme révélé, principalement tourné vers des festivités que l’on promet hautes en couleurs, est largement en contradiction avec cette volonté de rupture. Nous ne contestons pas que l’année de l’Outre-mer réponde à un mal de reconnaissance des ultramarins, une des faiblesses qui caractérise les peuples qui ont souffert d’avoir été l’objet d’une déconsidération systématique, dont il reste encore des traces aujourd’hui. Parce que l’année de l’Outre-mer répond à ce besoin, elle est en général plutôt bien accueillie. Mais l’ivresse qu’elle procure et son pouvoir hypnotisant ne cachent-ils pas des dessous beaucoup plus amers qu’il n’y paraisse ? Car en réalité, ce programme de l’année de l’Outre-mer laisse bel et bien un goût amer. Un goût amer sur sa préparation, un goût amer sur son contenu, et un goût amer sur sa mise en oeuvre.

 

Sur sa préparation d’abord Qui n’a pas daigné consulter un des éléments principaux de la société civile ultramarine, c’est-à-dire les associations tournées vers l’Outre-mer, qu’elles soient en métropole ou en outre-mer d’ailleurs. Point de consultation publique pour solliciter des idées qui fourmillent sur le terrain ! Point de rencontres informelles ou officielles ! Point d’informations préalables ! En dehors du juteux chèque de 50 000 euros versé à l’Association fondée par le délégué Interministériel pour l’Egalité des chances, Patrick Karam, quelle association tournée vers l’outre-mer ou fédération d’associations tournées vers l’outre-mer peuvent se targuer aujourd’hui d’avoir un soutien significatif par les pouvoirs publics, dans le cadre de cette manifestation ou en dehors d’ailleurs ? D’une façon générale, le budget paraît dérisoire, 4 millions d’euros pour financer une centaine d’événements sur un an (à peu près 150, dont certains durent plusieurs jours) . Par comparaison, la seule Garden party de l’Elysée a coûté en 2009, environ 733 000 euros (soit près de 18% du coût total de l’année de l’Outre-mer).

Sur le contenu ensuite, qui, pour l’essentiel, renforce les stéréotypes et les clichés de l’ultramarin dansant, jouant d’instruments exotiques et dotés de qualités physiques indéniables. L’outre-mer est fière de ses artistes et de ses sportifs, mais il est illusoire et dangereux de vouloir enfermer l’ensemble des ultramarins dans ces schémas. L’apport intellectuel et culturel de l’outre-mer est montré timidement par l’héritage d’Aimé Césaire et de Frantz Fanon. Nous nous félicitons de cet héritage, mais nous refusons qu’il soit enfermé à jamais au Panthéon d’un passé révolu de l’outre-mer, et que l’on nie à travers ce programme qu’il existe aujourd’hui encore des intellectuels ultramarins contemporains qui le font vivre, qui le développent, qui le font évoluer et qui ont toute leur place dans le débat national. Ce serait dénier et contester l’héritage lui-même que de vouloir le présenter comme quelque chose d’antique et non actuel. Il faut noter que la plupart des colloques mettant en avant la dimension contemporaine bien vivante de la réflexion intellectuelle des ultramarins auront lieu principalement localement, comme si les réflexions des contemporains ultramarins avaient vocation à rester exclusivement locales. Et ce n’est pas quelques mètres carré de plus dans un salon du livre en perte de vitesse qui donnera une impression contraire !

Nous refusons ainsi que l’outre-mer d’aujourd’hui ne soit invité qu’à danser et à chanter devant des spectateurs métropolitains charmés. Par ailleurs, sur la présentation des richesses de l’outre-mer d’un point de vue de la géographie physique et humaine, plutôt qu’une présentation cosmétique et statistique dans le cadre de colloques auxquels peu de décideurs publics ou privés seront présents, il aurait été souhaitable que des économistes se saisissent de cette année pour produire un rapport sur la façon dont ces richesses peuvent être exploitées et pour en créer d’autres qui bénéficient à l’ensemble des populations concernées. A quand un rapport Attali sur la libéralisation de la croissance en outre-mer ? Quid des perspectives pour sa jeunesse ? Quid des propositions pragmatiques pour relancer le marché du tourisme aujourd’hui sinistré et faire face à la concurrence des îles voisines pratiquant des bas coûts salariaux ?

Sur la mise en oeuvre enfin, qui ne bénéficie que très peu en termes de retombées financières aux ultramarins. La société chargée de la communication de l’événement n’est pas détenue ou gérée par des ultramarins. A-t-elle d’ailleurs mis en avant, sur ce projet, des managers ultra-marins ? Il est permis d’en douter. La manne financière de cette année pompeusement consacrée à l’outre-mer aura-t-elle des retombées sur les économies de ces Territoires ? On peut aussi s’interroger quant au budget alloué à ce projet (montant, critères d’attribution, etc..) et aux réels bénéficiaires de cette opportunité en termes économiques. Quant à la conférence de presse de lancement, les ultramarins présents dans la salle ne semblaient pas avoir été beaucoup invités… Ou alors pas du même bord ? Une séparation volontaire ? Il serait grand temps que sur les sujets qui les concernent, les ultramarins soient davantage représentés et de préférence qu’ils ne soient pas mis à part, qu’il y ait un minimum de mixité, à l’image des ces territoires ! Lors des 150 ans de l'abolition de l'esclavage, déjà organisée par le commissaire Daniel Maximin, à la demande de Lionel Jospin en 1998, comme la présente année des Outre-mer, il avait été rapporté que les ultramarins invités pour l’occasion mangeaient d'un côté, et Catherine TRAUTMANN la ministre de la culture de l'époque, Laurent Fabius et leur délégation, de l’autre. Les officiels en question n’ayant même pas daigné boire un verre avec leurs propres invités. Triste illustration du « tous nés en 1848 » mais certainement pas tous égaux. Un mot encore pour déplorer la faible implication des élus politiques locaux qui sont pourtant ceux-là mêmes qui devraient donner l’exemple, susciter l’enthousiasme et entraîner les compatriotes ultramarins dans ce qui leur est présenté comme un évènement majeur censé étaler leur dynamisme. A écouter nos compatriotes antillais et autres, l’année des Outre-mer semble se préparer et se dessiner dans une relative indifférence, à mille lieues de leurs véritables préoccupations.

Décidément, l’année des Outre-mer commence avec un goût amer, mais il est encore temps que ses organisateurs corrigent le tir en prenant en compte les remontées de terrain des associations. Il est temps encore que le groupe France TV joue précisément à cette occasion pleinement son rôle de promotion de l’outre-mer. Malgré le fait de ne pas nous avoir consultés, les organisateurs ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus.

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F
<br /> <br /> LA NOTION DE JUSTICE EST UN RESSENTIMENT.... JE VOUS LAISSE Y RÉFLÉCHIR...<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Interesting****<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> je suis de tout coeur avec vous vous mon soutien<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> subvention, subventions !<br /> <br /> <br /> "qui ont toute leur place dans le débat national". <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le débat national se déroule dans  l'assemblée nationale ou au sénat. Les élus de l'Outremer n'y manquent pas. Quant aux débats télévisés ou radiodiffusés ou dans la presse papier, ils<br /> s'adressent à des français blancs en priorité auxquels par culture, par éducation depuis des siècles, ont a dit que le noir était l'antithèse du blanc. L'Africain qui meurt de faim dans son pays,<br /> l'antillais ex-esclave nourrit "par pitié" par le blanc français. Le Noir ne saurait prendre place sur un pied d'égalité aux débats "nationaux" (stériles souvent, puérils, modestement). C'est un<br /> concept qui équilibre les pensées depuis nanni nannan.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Les antillais de Métropole doivent-ils être communautarisés "officiellement" ???? je souhaite que non. Vous avez le financement pour un logement, en cette période de crise, rarement on vous<br /> éjecte. Le logement social...Si politiquement les antillais ne sont pas prioritaires, ils s'en sortent quand même. Trouver un emploi...Si la compétence est au rendez-vous, avec un peu de chance<br /> cela reste jouable. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Alors reste la question des noirs (people, intellos reconnus, modèles noirs de réussite en métropole...), je crois plus digne d'avoir nos têtes antillaises, comme M. Malsa aux Pays, sur leurs<br /> terres. Même si certains sont plus ouvent en Métropole qu'aux Antilles, mais c'est la continuité territoriale.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui en France toute la technologie, le savoir vient des States, plus de France. Le gouvernement achète des avions les refile à Air Caraïbes (compagnie "pseudo privée") y récupère Air<br /> force Sarko one, etc...C'est comme cela partout.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La question de la Fierté, de la Frime, de la Vanité, politique ou non est affaire de communication. L'année de l'Outremer est la vanité du pouvoir, un jeu de comparaison avec les échecs de la<br /> "France" aux maghrebs, à chacun ses jeux. Notre Zouk se maghrébinise en canard sur tropiquesfm, la diversité de ex-RFO est douteuse, mais c'est ainsi. A quand un antillais qui fait un Zouk-Raï,<br /> la musique n'a pas de frontière, mais tout n'est pas musique.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Cependant, les ultramarins des West Indies communiquent eux sur la création musicale, théâtrale, littéraire, sportive, familliale, plastique, numérique...Et ces communications doivent-elles être<br /> nécessairement nationales ? N'étant pas fermées, du moins je le crois il n'y a pas "mort culturelle" et il y a résistance. Tant que chromatiquement Will Smith, ce descendant d'esclave et noir,<br /> nous représente, à l'instar de Rihanna, de quoi faut-il se plaindre à l'échelle de l'Europe ? Acheter mes Dashin chez des Chinois n'a rien d'humiliant, dès qu'ils sont apêtissants....Les<br /> chroniques "blanches" de JJ Seymour sont en quelque sorte du "Guignol" radiophonique.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Si M. Anretar avait pris la peine de consulter le programme de l'année des OM, il se serait aperçu que le CDOM n'est pas la sel association à être subventonnée : le CIFORDOM Vibrations caraibes,<br /> Karukera, Madi & Kera, etc.... Mais bien sûr, il est plus facile de critiquer sans savoir !!!<br /> <br /> <br /> <br />
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