Au bonheur des îles, spritualité, ésotérisme et quimbois à Paris
Pierre Bonan, au Bonheur des îles
Pierre Bonan reçoit chaque jour, comme un maire, ses compatriotes au « Bonheur des îles », son magasin parisien où il distribue ses conseils, des nouvelles du pays, et réalise des ventes de produits spirituels ou ésotériques.
Trônant derrière son bureau, ce natif de Moro (Le Gosier en Guadeloupe) prépare les paquets de feuillages. Tout autour de lui des fioles de produits, eaux et parfums aux couleurs chatoyantes et aux noms très évocateurs : secrets des hommes, brize krazé, dégagement, dominateur de puissance, sé mwen ki met, esprit des hommes, pou inmé mwen, o d’amour, plus fort que l’homme, brise tout, contre la jalousie, min né vini, douvan neg, eau céleste, vini a mwen, héliotrope blanc, eau de mer, inoubliable, etc… Il vend aussi des livres de prières, des bougies, des sachets de poudre... Plus de 2000 produits sont référencés. « Ici, tout est authentique. » Cette passion l’anime depuis 1986, année de création de son premier point de vente. Ici, à deux pas des métros Jaurès et Colonel-Fabien, tout un chacun peut trouver son bonheur ou de quoi rêver.
Pierre Bonan consacre son temps à la mise en place des dernières denrées en rayon, celles qui sont très demandées pour la fin de l’année : des plantes aux noms puissants : douvan nèg, poaka, vétivè, armoise, lavande rouge, onteze, ki vivra véra… « Les feuillages des Antilles, mes compatriotes en ont besoin pour le thé, le bain et bien d’autres choses comme la tension, le diabète… Il n’y a qu’ici qu’ils peuvent les trouver », lance le boutiquier dans un grand rire. Tous ses produits viennent de Guadeloupe, Martinique, Dominique, Cuba et Haïti est son premier fournisseur .
Ni vu ni connu
« Je suis un espère d’herboriste. Depuis l’enfance, j’ai vu mes grands-parents les préparer pour guérir les gens. » Il est un véritable conseiller social qui reçoit dans sa boutique. Le dimanche matin, avant ou après la messe, ce sont les Antillais qui viennent le plus, mais le samedi, ce sont les Haïtiens qui fréquentent l’église Saint-Georges toute proche, qui viennent à la boutique. Pierre réserve un accueil particulier à chacun de ses clients, leur donne ses petits conseils sur une prière, un parfum… « Par principe, explique-t-il, les Antillo-Guyanais ont gardé leur culture en venant vivre en Hexagone. Ils viennent à chaque fin d’année chercher leurs feuillages et autres eaux et fioles. Ils rentrent et me demandent on ben de dézanvoutman, on ben-démaré… » Et il explique : « Toute la force du ben-démaré est le razyé péyi pou pren plito dènyé jou a lanné-la. »
Chez lui, toutes les communautés se croisent sans se parler, sans vraiment se regarder. Les gens demandent discrètement leurs marchandises, sortent leur liste timidement et la présentent à Pierre sans un mot. Certaines personne téléphonent avant de se déplacer pour savoir s’il y a du monde ou pour faire préparer leurs provisions. En arrivant, ils paient, récupèrent leur cabas et, vite, repartent. Tout le monde vient ni vu, ni connu.
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
Au Bonheur des îles, 142 bd de la Villette, 75019 Paris, entre les métros Colonel Fabien et Jaurès.
Tel : 01 42 39 13 98
Pas de succession prévue
Avec la nouvelle législation douanière mise en place sur le transport des plantes et feuillages depuis 2009, et les diverses augmentations du coût du transport, le patron du Bonheur des îles tire le signal d’alarme : « Je suis obligé de réduire ma marge de rentabilité. Il arrive que je paye la marchandise deux à trois fois plus cher que le prix d’achat avec les diverses taxes et le transport. Je suis tributaire, c’est dur ! » Aujourd’hui, Pierre, pense à sa suite. Il n’est pas épuisé, mais il a envie de faire autre chose de sa vie, de tourner une page. Il n’a pas de successeur, pas de repreneur digne de confiance pour lui confier la clef de son « lieu du bonheur des autres ». « Si je cesse un jour, j’aimerai qu’un compatriote reprenne la suite pour que mon peuple continue de trouver les produits dont il a besoin. Il faut quelqu’un qui aime le contact. » A bon entendeur…