Ayrault devant l'Assemblée nationale
Ayrault prononce son discours de politique générale
Ca a commencé dans le chahut avec une opposition survoltée et bruyante : « Trop de ministres ! », entendait-on sur les bancs de droite tandis que Jean-Marc Ayrault gagnait la tribune de l’hémicycle. Malgré ce ramdam et le malaise d’un député qui a perturbé quelques instants la séance, le Premier ministre a parlé pendant une heure et demie pour développer son programme d’action. « Evolution profonde, bouleversement inédit… » L’emploi d’abord avec une conférence sociale qui va s’ouvrir dans quelques jours, une consultation sur la refondation de l’école dès le 5 juillet, des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche en préparation d’une loi de programmation au début 2013, une conférence environnementale à la rentrée, un nouvel acte de décentralisation et l’abrogation de la réforme territoriale…
Les députés de la Guadeloupe ne sont pas tous là. Victorin Lurel étrenne pour la première fois sa place sur le banc des ministres. Hélène Vainqueur n’est pas encore installée comme députée et Ary Chalus, un peu esseulé, voit la fin de son calvaire auprès du groupe PS qui ne veut pas de lui, en caressant l’idée de se joindre au groupe des radicaux de gauche (ils ne viendra toutefois pas voir la presse à l’issue de la séance)… A droite, dans cette partie de l’hémicycle, Daniel Gibbes est le seul élu noir (lui aussi éviterala presse). Côté Martiniquais, seul Serge Létchimy est absent, il est à Cuba. Ses trois collègues sont à gauche dans l'hémicycle, au sein du groupe GDR.
Si le slogan de la campagne était « le changement, c’est maintenant », Jean-Marc Ayrault veut « installer le changement dans la durée ». Deux phases devraient se succéder durant le quinquennat, « la première sera celle des réformes de structure : consolidation ou rénovation de tous les outils qui nous permettront de renouer avec la croissance, la compétitivité et l’emploi ». Et d’abord, la réforme fiscale. Le redressement productif, la jeunesse, la décentralisation, la transition écologique et énergétique. « La justice sera tout à la fois notre moyen et notre but. » C’est alors qu’il a évoqué la justice territoriale et qu’il a adressé « le salut fraternel de toute la nation à nos outre-mer, où la faiblesse des orientations mises en œuvre au cours du dernier quinquennat a pu faire passer pour une forme de désintérêt, voire de désengagement de l’Etat. La politique gouvernementale s’y appliquera avec force autour de trois priorités que sont la jeunesse, l’emploi et la lutte contre la vie chère ». Eric Jalton garde la tête froide : « Les quelques mots pour l’outre-mer sont de tradition, mais ce n’est pas dans un discours de politique générale d’une heure et demie qu’on va développer une politique vis-à-vis de l’outre-mer. L’essentiel est qu’on ait cité l’outre-mer dans le cadre de la politique de justice territoriale. Aucun territoire ne doit se sentir abandonné, d’autant plus les régions ultrapériphériques reconnues au niveau européen comme handicapées structurellement. La France, à travers son Premier ministre, l’a aussi reconnu. » Même son de cloche chez Gabrielle Louis-Carabin : « On veut toujours entendre parler de l’outre-mer ! Mais c’est vrai qu’il a parlé de pouvoir d’achat. Il a surtout parlé de justice, d’équité et du redressement de la France… »
Jean-Marc Ayrault a évidemment parlé des comptes publics, « enjeu majeur » tout en refusant qu’on parle de « tournant de la rigueur ». Le collectif budgétaire reviendra sur l’allègement de l’impôt sur la fortune et des droits sur les grosses successions, le bouclier fiscal, l’exonération des heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 20 salariés. En revanche, la hausse de la TVA prévue en octobre sera annulée. De nouvelles tranches d’imposition à 45 % et 75 % et des revenus du capital imposés au même niveau que celui du travail. Retour des comptes à l’équilibre annoncé pour 2017. Jean-Marc Ayrault prévoit deux fronts : celui du redressement productif à l’intérieur, et celui d’une réorientation de l’Union européenne à l’extérieur. 150 000 emplois d’avenir proposés aux jeunes là où le chômage est le plus élevé. 500 000 logements dont 150 000 sociaux… Et le code minier : « Il imposera des meilleures garanties de protection de l’environnement et une parfaite transparence dans l’instruction et la délivrance des permis d’exploitation. » Après avoir encore détaillé comment il mettra en œuvre le programme de François Hollande, Jean-Marc Ayrault a conclu son discours en évoquant les valeurs de la France, « un idée de la condition humaine. Ce sont des valeurs qui ne sont pas cotées mais qui pour nous n’ont pas de prix ».
Après la prestation du Premier ministre, alors que la parole était au patron du groupe PS, Chantal Berthelot et Victorin Lurel se sont éclipsés peu avant 17 heures pour se rendre aux Invalides où un hommage militaire et républicain était rendu aux deux soldats du 9e RIMA morts lors de l'opération Harpie, la semaine dernière en Guyane. Ils sont ensuite revenus discrètement en séance.
FXG (agence de presse GHM)
Ils ont dit
Gabrielle Louis-Carabin (app. PS Guadeloupe)
« J’ai voté pour le président de la République ; le Premier ministre engage son gouvernement et c’est sans problème que j’approuve la politique qu’il a exposée. J’ai voté pour la confiance.
La jeunesse, l’emploi et, naturellement, pour les Outre-mer, la vie chère, il y a eu des engagements pris par le président de la République ; la situation financière est difficile et le Premier ministre ne l’a pas caché. Il faudra effectivement un plan de rigueur mais toujours est-il qu’aujourd’hui, il répète sans cesse que le problème de la jeunesse est au cœur des préoccupations et, au niveau de l’Education nationale, ce sera prioritaire. »
Eric Jalton (PS Guadeloupe)
« J’ai voté la confiance. Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault est conforme aux engagements électoraux du président de la République, pour le redressement mais dans la justice sociale, territoriale, notamment vis-à-vis des régions d’outre-mer et je m’en réjouis. La priorité pour la jeunesse, pour l’emploi, pour la lutte contre la vie chère, autant de priorités, notamment l’éducation placée au cœur des préoccupations du gouvernement mais aussi les handicapés, la politique de santé, le rééquilibrage du territoire au niveau national, tout ça sont autant d’orientations conformes aux engagements de campagne présidentielle.
Les moyens seront là par le rétablissement d’une justice fiscale, c’est-à-dire quelques avancées sociales pour les plus défavorisés et une justice fiscale en faisant contribuer davantage les plus aisés de la population française, du monde entrepreneurial, des spéculateurs. Il n’y a pas de gaspillage, on prend l’argent où il est au nom de l’équité et on avantage des catégories sociales, on fait une politique solidaire au niveau de la jeunesse, de l’emploi et de la vie chère.
C’est une politique de maîtrise des dépenses publiques, de redressement des déficits de la France mais dans la justice car comme l’a dit Jean-Marc Ayrault, ce n’est que dans la justice sociale, fiscale et territoriale qu’on va être efficace en termes de croissance et de progrès économiques. »
Bruno-Nestor Azerot (GDR Martinique)
« J’ai voté la confiance comme je l’avais annoncé. Quand bien même j’appartiens à un groupe pluriel, j’ai la chance de garder toute mon indépendance. J’ai donc voté la confiance au gouvernement Ayrault. Je l’ai entendu parler de la jeunesse, de l’emploi et surtout de la thématique de la vie chère. J’en ai été content même si c’était un petit clin d’œil aux Antilles et aux outre-mer mais on peut se satisfaire que cela ait été mentionné dans son discours. Maintenant, il ne s’agit pas de rester dans un discours, il s’agit pour moi d’être dans l’opérationnel et je vais être très veyatif avec mes collègues pour voir comment nous pourrons véritablement faire en sorte qu’il y ait des résultats sur ces sujets-là.
Il faut aussi être réaliste ; la crise est là. Il faut trouver 8 milliards pour cette année, 33 l’année prochaine, ça fait beaucoup d’argent et ce n’était pas prévu. Il faut être solidaire du gouvernement et tous ensemble, nous pouvons très bien obtenir des résultats. »
Alfred Marie-Jeanne (GDR Martinique)
« Je n’ai jamais apporté ma confiance à aucun gouvernement français par définition. J’attends au pied du mur l’ouvrier. C’est bien la première fois que je participe à un vote de confiance au chef du gouvernement et j’ai voté abstention. C’est une abstention positive. A partir du moment où des mesures seront prises, qui ne portent atteinte aux intérêts de la Martinique, je voterai pour. J’ai toujours fait ainsi. A partir du moment où l’on portera atteinte aux intérêts supérieurs de mon pays, ce sera contre. Je prendrais un seul exemple : j’ai été le seul député d’Outre-mer à intervenir à l’Assemblée contre la TVA sociale qu’on vient de supprimer. On peut être à 7 000 km et défendre convenablement son pays. J’ai été élu par le peuple martiniquais par conséquent, je défendrai jusqu’au bout ses intérêts. Si ses intérêts sont pris en compte, aucun problème.
Dans une situation telle que nous la connaissons aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, ce n’est pas seulement de la rigueur, il y a de l’austérité en filigrane, mais il faut être objectif, ce n’est pas d’aujourd’hui que les différents gouvernements de la France ont laissé aller les déficits. C’est la même chose dans notre pays, il y des collectivités en déficit. Il ne faut pas jeter la pierre à un gouvernement. Tous portent à la longue cette responsabilité. C’est cette accumulation qui fait qu’aujourd’hui, la France est en train de perdre sa souveraineté. »
Jean-Philippe Nilor (GDR Martinique)
« Je me suis abstenu parce que s’il y a des options que je partage, s’il y a des espérances qui ont été formulées et que je partage aussi, j’ai trouvé qu’il y avait encore beaucoup d’incertitude quant aux moyens réels qui seront déployés sur le terrain. J’entends par là l’absence de garanties quant aux concrétisations mêmes sur le terrain pour le peuple martiniquais, pour l’école, l’hôpital, l’emploi… Donc j’ai préféré m’abstenir. C’est un moyen de maintenir d’une certaine manière une confiance par rapport aux propos verbaux et une vigilance de tous les instants par rapport à l’action qui sera menée parle gouvernement.
La jeunesse, l’emploi,la vie chère sont de ces perspectives que je partage mais ça reste encore du verbe. Lorsqu’on sait qu’il y aura au minimum une politique de rigueur, sinon d’austérité, pour l’instant, je n’ai pas suffisamment de garanties quant aux moyens qui seront déployés en Martinique pour pouvoir donner un blanc seing au gouvernement. »
Chantal Berthelot (PS Guyane)
« Le Premier ministre a eu un discours de responsabilité ; il n’a pas caché l’ampleur des difficultés même si elles avaient été anticipées lors de la campagne. Je rappelle qu’on était revenu sur des mesures actées mais non financées comme l’hôpital de Saint-Laurent. Il a été acté, mais il n’y a pas les12 millions €… Il fallait aussi revenir sur les prévisions de croissance. Mais on sait que l’effort doit être collectif : il faut faire payer ceux qui peuvent payer le plus. On reviendra sur la loi TEPA (le paquet fiscal, NDLR), sur la loi rectificative du budget, sur la TVA sociale qui allait encore toucher les plus démunis. C’est un discours que je vais relayer parce qu’il me semble tout à fait dans le ton et la mesure nécessaires vu la situation actuelle.
La réforme du code minier ne m’a pas surpris. On est plus qu’en phase car les Guyanais et moi-même souhaitons cette révision puisque, que ce soit l’exploitation des mines aurifères ou les hydrocarbures, le vide juridique est à l’origine des incompréhensions qu’on a rencontrées il y a un mois.
Le passage qu’il a consacré à l’Outre-mer est important mais il est à ramener à sa juste valeur
parce que nous sommes dans la France. Tout ce qui a été dit concerne aussi les outre-mer mais il était bien de rappeler que dans les outre-mer, il y a des difficultés comme la vie chère qu’il a citée. Nous y travaillons d’ores et déjà et des choses seront annoncées prochainement. »
Gabriel Serville (GDR Guyane)
« Le discours est tout à fait conforme à ce qu’avait annoncé François Hollande. Le Premier ministre peut mettre en musique la partition qui avait déjà été écrite et à laquelle j’avais déjà pleinement souscrit. J’ai donc simplement voté en faveur de ce discours. Il a eu une pensée très forte pour la jeunesse. Je suis éducateur et je souscris pleinement à cette volonté de mettre la jeunesse et l’emploi au cœur des préoccupations gouvernementales. On a beaucoup parlé de justice et ce sont les valeurs qui fondent mon action politique. Je pense qu’on va pouvoir travailler dans d’excellentes conditions avec ce Premier ministre.
Quant à son intervention sur le code minier, ça fait un petit moment qu’on en parle, qu’on dit qu’il faut le réviser, le remettre à plat de manière à mieux définit les conditions dans lesquelles les mines seront exploitées en Guyane. J’attends de voir à quel moment ce débat sera mis sur la table. »