Colonial tour

Le CRAN a organisé, jeudi 14 février, un tour du Paris colonial avec des historiens.
En 1931, les Parisiens prenaient le bus à plateforme pour aller à l’expo coloniale de Vincennes. En 2013, le Conseil représentatif des associations noires a ressorti le même bus pour embarquer parlementaires, historiens et journalistes dans une exploration du Paris colonial. Casque en toile et liège sur la tête, gobelet empli de « Y’a bon Banania » chaud dans la main, les touristes coloniaux parmi lesquels l’eurodéputé vert, Jean-Jacob Bicep, ont embarqué place des Victoires où trône un louis XIV équestre. Il fait face à l’emplacement de l’ancien hôtel de Massiac. « C’était un riche propriétaire français de Saint-Domingue, mais qui vivait à Versailles », détaille l’historien Marcel Dorigny. Aujourd’hui disparu, l’hôtel était le siège du « Comité des colons de Saint-Domingue résidant à Paris », le club ancêtre de tous les lobbyings coloniaux, malgré sa dissolution ordonnée à la chute de Louis XVI. Ses membres obtiendront de ceux qui ont voté la déclaration des droits de l’homme l’autonomie interne des colonies et un « statut des personnes », formule qui leur évite d’avoir à prononcer le mot « esclave »… Lors de l’examen du budget, le 28 juillet 1793, les députés découvrent ébahis qu’il y a une ligne de subvention destinée à la traite atlantique. Ils y mettent un terme.

Le vieux bus passe la rue des Petits-Champs, pas loin de celle du Coq-héron. Dans ces deux voies, la Société des amis des Noirs, créée en 1788, y a siégé. Le bus manque la rue Vivienne. On doit pourtant aller y voir le siège de la Compagnie des Indes. Fondée en 1664 par Colbert, elle donne le monopole absolu à ses actionnaires du commerce avec les Indes orientales et occidentales. Elle a, de surcroît, le monopole absolu sur la traite dans l’océan Indien. La traite atlantique est aux mains de compagnies privées. Le port base de la Compagnie des Indes est Lorient en Bretagne, ainsi nommée dès sa création parce que « port de l’orient ». En 1793, le démantèlement de la Compagnie des Indes a été l’objet d’un énorme scandale politico-financier avec procès à la clé.

L’hôtel de la Marine

Rue de Lille, le bus dépose ses touristes devant le siège de la Caisse des dépôts et consignations. L’établissement public n’a jamais eu de vocation coloniale, mais c’est lui qui a géré l’argent versé par le République d’Haïti à la France en indemnisation de l’abolition et de l’indépendance. 150 millions de francs or, chiffre réévalué aujourd’hui à 21 milliards de $... Au versement des premiers 30 millions, la CDC a redistribué l’argent aux colons dépossédés. Le circuit se poursuit avec l’hôtel des Invalides où repose le corps de Napoléon, l’homme qui a rétabli l’esclavage, avant de s’achever à la Goutte d’or, au cœur d’un Paris populaire où cohabitent nombreux enfants de la colonisation et de son corolaire, l’immigration.
FXG, à Paris
L’Assemblée nationale
