Daniel Dalin, president du Collectifdom
Le Collectifdom a adressé une citation directe à comparaître à Jean-Sébastien Vialatte, député UMP du Var, auteur du tweet : « Les casseurs sont sûrement des descendants d'esclaves, ils ont des excuses #Taubira va leur donner une compensation ! » Interview de Daniel Dalin, president du Collectifdom
« Les descendants d’esclaves, c’est nous les Antillais, Guyanais, Réunionnais »
Mercredi, le député Vialatte et le président de la Fondation du mémorial pour la traite des Noirs, Karfa Sira Diallo, ont signé un protocole par lequel l'élu s'engage à « dénoncer des déclarations racisantes qui attaquent l'unité nationale (…) Organiser une exposition et un colloque le 5 octobre sur la mémoire de l'esclavage dans sa commune, et initier un festival culturel annuel sur l'esclavage chaque 27 avril ». Vous en satisfaites-vous ?
Ça me laisse un goût amer. J’ai rencontré Karfa Diallo pour lui dire qu’il fallait permettre des conditions de jurisprudence pour faire condamner des gens qui tiennent de tels propos et j’ai vite compris que ma proposition n’allait pas dans son sens. Mais les descendants d’esclaves, c’est nous, les Antillais, Guyanais, Réunionnais. Karfa Diallo, en acceptant le marché de Vialatte, ne fait que perpétrer le fameux crime de vendre encore une fois la mémoire de nos aïeux contre une stèle, des colloques et des machins… Avant, c’était de la verroterie ! Comme si la municipalité de Six-Fours allait se sentir concernée ad vitam aeternam par ce genre de choses.
La Fondation du mémorial pour la traite des Noirs a retiré sa plainte. Que faites-vous avec votre citation directe ? Est-ce toujours d’actualité le 2 septembre prochain devant la 17e chambre correctionnelle de Paris ?
Plus que jamais ! Heureusement que le Collectifdom n’est pas une association girouette. Nous pensons qu’il faut condamner de manière pénale ces comportements. Si Vialatte s’est dépêché de signer un protocole, c’est parce qu’il sait très bien qu’il est allé trop loin et que, devant la justice, il se fera condamner. A-t-on le droit de dire que les descendants d’esclaves étaient les casseurs du Trocadéro ? On a été vendus une deuxième fois par ceux dont les aïeux nous ont déjà vendus, il y a quelques siècles ?
Il y a quelques mois, vous avez porté plainte contre l’humoriste Nicolas Bedos pour des propos publiés dans Marianne que vous avez estimés racistes. Qu’en est-il ?
Un juge d’instruction a été nommé et la plainte suit son cours… J’ai bien recu de temps à autres quelques appels pour me dire qu’on ne peut pas tuer l’humour… Je répète, comme dans l’affaire Vialatte, qu’il faut créer les conditions de jurisprudence pour que les racistes soient condamnés.
Le CRAN a organisé la pose de la première d’un musée de l’esclavage et de la colonisation au Trocadéro, la veille de l’anniversaire de la naissance de Césaire. Pourquoi ne pas vous être associés au CRAN qui mène souvent les mêmes combats que le Collectifdom ?
Le CRAN est spécialiste des rideaux de fumée. Le CRAN a déposé une plainte contre la Caisse des dépôts pour sa participation à la ruine d’Haïti. Tout le monde sait bien que cette plainte n’a aucune chance d’aboutir. Meme s’il y a des combats communs que nous aurions pu mener ensemble, une association qui est basée sur la couleur de peau n’est là que pour racialiser la population française. Au moment où l’on parle de supprimer le mot race de la Constitution, les associations noires de France, ca ne peut pas coller avec les conceptions du Collectifdom.
Le Collectifdom défend les intérêts des Domiens dans l’Hexagone, on peut tout aussi bien le taxer lui aussi de communautarisme…
Non, parce que dans notre association, il y a des Antillais qui sont blancs, qui sont métis…
Ça peut etre vu comme un communautarisme antillais…
Pourquoi pas, il y a bien un communautarisme juif. Faut pas avoir honte de le dire : oui, pourquoi pas, ca ne pose aucun souci.
Le Collectifdom a été marqué par son premier président, Patrick Karam pour qui le président Sarkozy a créé la délégation interministérielle à l’Egalité des chances des Français d’Outre-mer…
Qu’on soit de droite ou de gauche, à partir du moment où l’on travaille pour l’Outre-mer, le Collectifdom ne peut y rester insensible. Patrick Karam, devenu délégué, n’a eu de cesse de travailler pour les ultramarins, mais c’est vrai aussi en contrepartie que les actions qu’aurait pu mener le collectif, l’ont été par le délégué. Donc nous étions un peu en retrait.
Il a eu pour successeur Claudy Siar et maintenant Sophie Elizéon. Quel regard portez-vous sur leur action ?
Claudy Siar, ça a été un autre tempo et il est passe. Sophie Elizéon, c’est aussi une autre manière de travailler. Elle fait plus œuvre de fonctionnaire et je ne crois pas qu’en cas de coup dur, on puisse compter sur elle. Je n’ai pas l’impression que la délégation interministérielle puisse servir de bouclier. Je suis déçu par ces premiers mois et j’attends l’heure du bilan.
Militant actif du PS pendant la campagne présidentielle, vous avez été exclu du PS, le 12 avril dernier, pourquoi ?
A Saint-Denis (93), le Parti socialiste n’a pas respecté ses propres statuts pour permettre l’élection d’un député. Nous l’avons contesté, dénoncé et les instances régulatrices du PS n’en ont jamais tenu compte. Comme il y a les élections municipales qui se profilent, c’est tellement plus simple de nous virer du PS ! J’ai pris acte et je suis fier de dire que nous avons créé un espace de parole pour tous ceux qui ont été exclus du PS et qui ne souhaitent pas renforcer les rangs du Front de gauche, ni encore moins ne sont attirés par le Front national. Nous avons créé un parti politique, le Parti socialiste de gauche. Pour le moment, il vivote parce que nous n’avons pas de moyens financiers, mais je suis persuadé d’etre dans le bon chemin. Ceux-là même qui m’ont exclu reviendront vers nous, tout simplement.
Propos recueillis par FXG, à Paris