Daniel Marsin et la politique commerciale de l'Europe
Daniel Marsin, sénateur de Guadeloupe
« La question des tarifs douaniers n’est pas une question exotique »
Le Sénat a adopté à l’unanimité, hier matin, une résolution visant à demander à l’Europe de mettre en cohérence ses politiques sectorielles, comme le POSEI, et sa politique commerciale avec le reste du monde.
Quel est l’origine de cette résolution ?
La Commission veut réécrire le Programme d’actions spécifiques liés à l’éloignement et l’insularité (POSEI) qui est en faveur des régions ultrapériphériques de l’Europe. En réécrivant ce règlement, la crainte est qu’on le modifie à notre désavantage. Les sénateurs de la mission outre-mer, MM. Larcher et Doligé ont proposé que la France prenne une résolution pour exiger de la Commission qu’on introduise dans le POSEI le principe de la compensation des dégâts causés sur nos économies du fait des accords passés avec des pays tiers, notamment sud-américains.
En fait vous voulez éviter les incohérences entre la politique à l’égard des RUP et la politique commerciale européenne ?
Le 15 décembre 2009, un accord a été signé avec les pays latino-américains pour mettre fin à la guerre de la banane en abaissant les tarifs douaniers de 176 € la tonne à 114. En mai 2010, un accord dont le principe est acté avec le Pérou et la Colombie, prévoit d’arriver, d’ici 2020, à des droits de douanes ramenés à 75 € la tonne. Le processus en cours vise à rendre les droits de douane nuls. La politique commerciale de l’Union européenne semble déconnectée des autres politiques sectorielles et on arrive à une incohérence puisque les DOM bénéficient du POSEI et de l’autre côté, on passe des accords qui mettent en péril le développement agricole.
C’était l’objet de vos deux amendements…
Oui, car il y a bien des mesures de sauvegarde qui sont prévues en cas d’invasion de produits de pays tiers et qui permettent de remettre en vigueur des droits de douane. C’est ce qu’on appelle les instruments de défense commerciale. Mais en réalité », ces clauses ne sont jamais opérationnelles et même si on voulait les mettre en œuvre, ce sont des procédures trop longues…
Il est plus simple de se contenter de compenser les pertes de nos agriculteurs ?
C’est exact mais ce n’est pas sain parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir. En plus ces compensations financières sont aléatoires. Suite aux accords signés en 2009 et 2010, la France a demandé 40 millions € dont 30 pour la banane. Actuellement, l’Union ne proposerait que 10 millions pour l’ensemble des RUP ! La question de la compensation est majeure et doit être juste, mais les mesures de sauvegarde doivent surtout être opérationnelles et faciles à actionner. Aux Etats-Unis, lorsqu’il y a danger, les Américains prennent des mesures en un mois. En Europe, c’est six mois pour constater le problème et six mois encore pour mettre en place des mesures. Il faut surtout qu’on fasse une évaluation de l’impact de ces accords avant de signer l’accord et pendant son déroulement.
Le rapport et vos deux amendements ont été adopté à l’unanimité, mais après ?
Nous allons transmettre cette résolution au gouvernement et aux autorités européennes, mais la conférence des présidents du Sénat a décidé que la question ferait l’objet d’un débat en séance publique. C’est une rare fois où cela se fera. Pourquoi ? Parce que les pays européens et la France se sont rendus compte que ce n’est pas une question exotique. Elle nous préoccupe nous, Ultramarins, mais elle va plus loin puisque, si les accords sont signés avec le Mercosur, ce n’est pas seulement la banane, le sucre et le rhum qui seront touchés, mais aussi l’élevage français ! Ce qui me fait m’interroger sur la priorité que représente l’agriculture ultramarine dans les politiques européennes.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)