Deces de Claude Emeri
L’UAG perd un de ses grands professeurs
Claude Emeri, professeur agrégé des universités en droit public et science politique, est décédé le 16 janvier dernier à Plassac en Gironde où il a été inhumé. Des générations d’étudiants antillais ont été à son école entre 1966 et 2003. Né le 17 octobre 1933 pres de Bordeaux, Claude Émeri a grandi à Saigon ; son père y était pilote du port. Rapatrié d’Indochine en 1946, il a fait toutes ses études supérieures à Bordeaux. Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques en 1955, il devient l’assistant du constitutionnaliste Maurice Duverger, alors directeur de Sciences Po à Bordeaux, et obtient l’agrégation des universités en 1966. Sa carrière le conduit d’abord à l’Institut Henri-Vizioz de Fort-de-France, préfiguration partielle de la future Université Antilles-Guyane (UAG) ; il y reste jusqu’en 1970.
Le 27 mai 1967, Claude Emeri était envoyé en Guadeloupe pour la journée. Il devait y retrouver Jean-Claude Courbain, alors leader syndical étudiant, et un collègue enseignant, Pierre-Marie Larnac. Il s'agissait pour eux trouver une date pour l’examen de commis d’administration municipale. « J’avais importé cet examen, temoignait Claude Emeri peu avant sa mort, sous l’égide de l’Association nationale d’Etudes municipales dont l’objet était, pour l’essentiel, d’expulser le clientélisme et le spoil system de la carrière des fonctionnaires municipaux. Cet examen n’avait pu se dérouler à la date prévue, du fait des mouvements sociaux et du barrage traditionnel du pont de la Gabarre.
Souvenirs de mai 1967
Larnac assumait le quotidien d’un local d'enseignement situé rue Victor-Hugues, aux limites des règlements sanitaires et de sécurité incendie, bouffé par les termites et les ravets, consommateurs gourmands, dans une armoire dénommée Bibliothèque des pages d’un vieux Juris-Classeur rarement mis à jour… L’institut Vizioz n’était alors digne de son titre d’établissement public d’enseignement supérieur que par le dévouement et la foi en l’avenir de deux agents formidables, Madame Myrtille, secrétaire administrative exemplaire, et Monsieur Henri Marie, appariteur-concierge-chauffeur d’une vieille 403 Peugeot dont la maison-mère martiniquaise s’etait délestée sur sa succursale parce que trop essoufflée… Et si j’évoque ladite 403 et son sympathique conducteur, c’est parce qu’ils m’ont introduit et sorti ensemble, honorablement des évènements de mai 1967 dont je n’ai compris la gravité que grâce à eux… »
Après une longue période de vingt six ans durant laquelle il enseigne le droit public et la science politique à Bordeaux, puis à Paris. Il rejoint la Sorbonne avant de diriger le centre d’analyse comparative des systèmes politiques. Le professeur Emeri revient à l’UAG en Guadeloupe. Parmi ses étudiants, il repère le jeune Fred Deshayes dont il dirige la thèse et qui entame déjà sa carrière de chanteur… En mars 2000, Claude Emeri publie avec ses confrères du Centre d'analyses géopolitiques et interrnationales de l'UAG, Julien Merion, Fred Reno et Jean-Pierre Sainton, chez Jasor, La question statutaire en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique.
Lors d’une des dernières sessions d’examen de droit constitutionnel qu’il lui revient de corriger en 2003, peu nombreux sont ses étudiants de 1er cycle qui repèrent son ironie dans l’intitulé du sujet qu’il leur a concocté. Alors que le militant du syndicat independantiste, l'UGTG, Michel Madassamy, doit faire face à une condamnation à de la prison ferme, Claude Emeri interroge ses étudiants sur l’évolution statutaire d’une île imaginaire passant du statut de département d’outre-mer a celui d’Etat associé à l’ancienne métropole. " Cette île est, précise-t-il, présidée par une certaine Madame Samy…" C’était un homme surprenant, à l'humour quelque fois britannique, et brillant.
De retour a Plassac l'année suivante il devient juge de proximité, commentateur féru du Monde.fr et un grand lecteur du Canard enchainé.
Le 16 janvier dernier, au matin, il s’est levé, a enfilé sa robe de chambre, récupéré son journal, s’est assis à la table de la cuisine pour boire son café en lisant quand, de battre, son cœur s’est arrêté.
FXG, à Paris
Pour les témoignages de sympathie : Colette Emeri - 1 Bellevue - 33390 Plassac