Edmond Mondésir
L’émotion bélè d’Edmond Mondésir au New Morning
Vendredi dernier, sur la scène du New Morning, le précurseur du bélè moderne, Edmond Mondésir, est venu diffuser ses mélodies subtilement arrangées par son fils Manuel qui l’accompagnait à la guitare. Depuis trente ans, Edmond Mondésir s’inscrit dans les traces de Ti-Raoul ou Ti-Emile. Pour autant, il sait entourer de jeunes talentueux : Boris Reine-Adélaïde au tambour, Willy Joseph Noël à la basse, Thomas Bellon à la batterie, et Ina Martin au chœur. En guest star, Fred Deshayes, le guitariste du groupe Soft, a fait sensation en interprétant une chanson au fort accent identitaire : « Ou sé matiniké, mwen sé gwadloupéyen, nou adan mwen mond la. » Puis, un autre Martiniquais, incontournable sur Paris, Dédé Saint-Prix, est venu pour deux chansons, tirant dans la fosse son ami Philo pour marquer le rythme du bélè des normes… Le travail d’Edmond Mondésir a été récompensé par le prix France-Musique 2011 pour son dernier album. « Je fais un travail pour aller plus loin, car aujourd’hui je sais que nous sommes Martiniquais, nous sommes un peuple et ce que je fais dépasse la frontière du pays parce que l’exploitation de la musique bélè est immense ». A la fin de cette swaré bélè, Edmond Mondésir a poussé les instruments et invité les danseuses et danseurs de l’association Boukan et de Lékol bèlé Paris à s’associer à lui pour un bouquet explosif. (Ces deux associations donnent rendez-vous le 18 juin à Vitry pour leur grande soirée bèlè au théâtre.)
Pour son premier show sur la scène la plus courue de la world music à Paris, le pilier de la tradition bélè a assuré.
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
Les danseuses et danseurs de l’association Boukan et de Lékol bèlé Paris
Edmond Mondésir et Joseph Noël
Ina Martin
Avec Jocelyne Beroard
3 questions à Edmond Mondésir
"Nous sommes dans le momen,t de l'existence"
Comment est né ce duo que vous interprétez avec le guitariste et chanteur du groupe guadeloupéen Soft ?
Il y a une rencontre en Martinique mais ce n’était pas préparé et on l’a fait sans répétition. Il m’a simplement dit : « Edmond tu as fait un morceau, j’aimerai le chanter avec toi. Mais c’est une chose qu’on ne va faire qu’une fois. » Il a compris profondément le sens du morceau. Lorsque nous disons « Nou matiniké », ce n’est pas seulement valable pour les Martiniquais, c’est une manière de penser dans une démarche d’échange.
La musique bélè retrouve ses notes de noblesse. Est-t-elle toujours assise sur une base revendicative ?
Aujourd’hui, nous avons dépassé le moment de la revendication pour entrer dans le moment de l’existence. Il faut faire naître des choses qui nous valorisent dans une dimension positive. Il est vrai qu’il a fallu pendant longtemps lutter contre le déni, contre l’oubli, contre le mépris. Nous ne pouvons pas rester éternellement dans une attitude négative. Il faut un moment passer à une démarche de construction. Je me suis résolument inscrit dans cette démarche de construction. Pour dire les choses simplement, nous sommes dans le moment de l’existence.
Etes vous le disciple des grands maitres du bélè ?
Mon inspiration est une manière de les honorer. Car c’est d’eux que je puise cette volonté de poursuivre ce qui s’est fait. Mon développement, ma contribution sont une manière de leur dire que je ne peux pas faire moins pour les honorer que d’apporter autant que possible ce que je peux faire. Et jusqu’à ma mort.
Propos Recueilli par Alfred Jocksan