Edouard Glissant à Avignon - ITW Plenel
Edwyn Plenel, patron de Mediapart et ami d’Edouard Glissant
« Le siècle d’Edouard Glissant ne fait que commencer »
Quel aspect de l’œuvre ou de la vie de Glissant avez-vous choisi d’aborder ?
C’est le temps des hommages puisque chaque année on avait l’habitude de se retrouver avec Edouard à la chapelle du Verbe incarné, lieu du théâtre de l’outre-mer… L’année dernière, en son absence parce qu’il avait commencé d’être malade, on a fait un dialogue avec Manthia Diawara qui a fait un film d’entretien avec lui. Cette fois, comme son œuvre a très bien été résumée par François Noudelmann, j’ai préféré dire à tous ceux qui étaient là qu’Edouard, que j’appelais double maître, n’est pas à prendre comme quelque chose d’inabordable qui nous écrase. C’était un grand maître, mais à hauteur d’homme…
N’est-ce pas une œuvre difficile ?
J’ai dit pourquoi il ne fallait pas penser que son œuvre, par quelque bout qu’on la prenne, était difficile. Elle a plein d’entrées : des poèmes, du théâtre, des romans, des textes de prose, de réflexion, des conférences… Il faut entrer dans son œuvre en se disant qu’elle est devant nous ; c’est une oeuvre pour demain car le siècle d’Edouard Glissant ne fait que commencer car c’est une œuvre au cœur des enjeux du présent. C’est une œuvre en forme de grand sourire en forme de démenti à toutes les politiques qui, aujourd’hui, rabaisse la France, tourne le dos à ce qui est sa vivacité, sa force : notre pluralité. Edouard disait qu’il faut savoir avoir le regard du fils et la vision de l’étranger, l’étranger étant nous. Nous sommes faits d’étranger et nous devons retrouver ce sens de la relation.
Vous vous présentez comme un Breton d’outre-mer et vous glissez de festival en festival pour parler de son œuvre…
J’ai été de ceux qui, notamment avec Mediapart, par des conférences et des débats, se sont faits propagandistes de cette œuvre et de son actualité. Je suis un des passeurs parmi d’autres qui donnent envie…
C’est lié à votre enfance en Martinique, votre adolescence en Algérie ? A votre père touché comme Glissant par l’ordonnance d’expulsion de 1960 ?
Bien sûr, c’est une histoire familiale, amicale, sentimentale… La Martinique est mon pays d’enfance même si ça n’est pas mon pays de naissance. Tout cela joue mais joue aussi la conviction que cette œuvre – je prends toujours ce proverbe qu’il a mis en exergue du Discours antillais (1981) : an neg sé on siec – nous dit que le siècle de Glissant est devant nous, il ne fait que commencer. Alors, on fait du tam tam, du gwo ka, du bélè, on transmet… J’essaie de transmettre cela.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)