Edouard Glissant et Edwy Plenel
Interview Edwy Plenel, directeur de Médiapart
« Les peuples qui s’ébranlent aujourd’hui sont en écho complice avec le poète Edouard Glissant »
Votre père, vice-recteur de la Martinique en 1959, partage avec Edouard Glissant le triste privilège d’avoir été victime de l’ordonnance du général de Gaulle…
Mon père est aujourd’hui le dernier survivant de ce qui s’est passé en face de l’église de Saint-Germain-des-Prés au 44 rue de Rennes, la création du front antillo-guyanais pour l’autonomie, en avril 1961. C’est cela qui a entraîné tous ceux qui étaient fonctionnaires à être sanctionnés, interdits d’enseigner et surtout interdits de Martinique… Qui ne pouvaient pas être… dans leur pays…
Vous êtes submergé par une vague d’émotion... Voulez-vous que l’on arrête ?
Non. L’émotion, il faut l’assumer. La pensée et l’œuvre d’Edouard Glissant affleuraient d’une émotion vivante… Cette émotion, c’est de dire qu’Edouard Glissant, on peut l’enfermer dans une œuvre immobile, des textes académiques qu’on apprend à l’école en oubliant combien c’est une œuvre vivante qui s’est enracinée dans l’espérance de l’émancipation, dans ce moment de combat pour la négritude, dans le premier congrès des écrivains noirs qui a eu lieu à la Sorbonne à Paris. Mais en même temps, il a été voir au-delà. La force d’Edouard Glissant, ce qui fait que pour moi, il est vivant pour le siècle avenir, c’est qu’Edouard voyait combien les indépendances ne devaient pas imiter la domination et combien il fallait aussi imaginer un autre temps, le temps des authentiques libérations, le temps du tout-monde, le temps de l’identité-relation comme il disait.
Qu’en est-il de son message ?
Il y a une résonance formidable car le dernier colloque international sur l’œuvre d’Edouard Glissant s’est tenu en Tunisie, à Carthage. Je pense que les peuples qui s’ébranlent aujourd’hui sont en écho complice avec le poète Edouard Glissant.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
(Photo : Régis Durand de Girard)