Eugène Bullard de Claude Ribbe
Eugène Bullard, un nouvel héros noir en librairie
Claude Ribbe signe chez le Cherche-midi éditeur un récit passionnant sur un personnage méconnu au sujet duquel Charles de Gaulle, président de la République, a dit le 26 avril 1960, lors d’un voyage à New-York : « Voilà un vrai héros français. » Son nom : Eugène Bullard.
Eugène Bullard (1895-1961) est un Afro-américain originaire du Sud esclavagiste américain et qui revendique une ascendance martiniquaise. Nul ne peut dire si cette assertion est vraie, mais « il était farouchement attaché à cela, souligne Claude Ribbe. Certainement, dans le souvenir familial, on a dit qu’il venait de là et lui l’a réaffirmé plusieurs fois, notamment à l’occasion d’un procès » dont il est question dans le récit que lui consacre l’écrivain d’origine guadeloupéenne. Ni roman, ni biographie, c’est un récit vivant, « un moyen, selon l’auteur, de le rendre accessible pour les gens qui ont besoin de se construire, quelle que soit leur couleur de peau ». Le roman démarre à Colombus dans la Géorgie ségrégationniste de la fin du 19e siècle où, malgré l’abolition de l’esclavage survenue trente ans plus tôt, il est difficile pour ne pas dire dangereux d’être né noir. Son père manque d’être lynché et c’est cet événement qui va jeter le jeune Bullard dans l’errance. Il rejoint l’Europe (Glasgow, Londres et enfin Paris) à la fin de la belle époque et devient boxeur, artiste de music hall, avant de s’engager dans la légion étrangère au début de la guerre de 1914. Il a déjà rencontré le futur aviateur Nungesser et ne va pas tarder à croiser, dans le sang et la boue des tranchées de la grande guerre, le chemin de Blaise Cendrars, du peintre Kisling et même du capitaine de Gaulle. Profitant d’un congé de convalescence après avoir été blessé à Douaumont, il va devenir le premier pilote de guerre noir au sein de l’escadrille Lafayette malgré l’opposition des autorités américaines. Celles-ci ne voient pas d’un bon œil ce « nègre » devenir pilote alors que la ségrégation est plus que jamais de mise dans l’armée américaine qui s’apprête à intervenir en France en 1917.
Adaptation à la télé
C’est avec cet épisode héroïque de sa vie que Claude Ribbe a découvert le personnage de Bullard. « Il y a très longtemps, on m’a parlé du monument Lafayette à Marne-la-coquette et j’ai eu envie de gratter… » Ce monument rend hommage aux premiers pilotes américains engagés dans la guerre de 14 mais ne porte pas le nom du héros, et c’est justement ça qui est intéressant. Exclu de la liste par l’officier américain en charge d’ériger le monument, Bullard, grâce à ses appuis dans l’armée française, parvient à faire en sorte que seuls les noms des morts au combat y soient portés…
Après guerre, débutent les années folles dans un Paris ouvert et respectueux des Noirs que ses habitants ont vu combattre en masse contre les Allemands et dont ils découvrent l’art, à commencer par le rag-time et le jazz. Eugène devient batteur et joue dans les « orchestres nègres ». Quand la police militaire américaine essaie de faire appliquer les règles ségrégationnistes dans les bars de Pigalle, c’est la réprobation générale. Bullard, dès lors, devient le francophile qu’il ne cessera plus d’être. Au début de la Seconde guerre mondiale, il se met même au service du renseignement français avant de s’enfuir aux USA après la débâcle de juin 1940. « Ma grande idée, explique Claude Ribbe, est d’exhumer des héros noirs car pour parler des questions douloureuses de l’outre-mer ou de l’esclavage, c’est mieux de le faire à travers de belles figures autour desquelles tout le monde peut se retrouver. » Le livre fait d’ores-et-déjà l’objet d’une adaptation pour France Télévision et l’émission « La dispute » sur France Culture devrait lui consacrer quelques instants le 15 juin prochain.
FXG (agence de presse GHM)
Eugène Bullard, de Claude Ribbe, Cherche-midi, prix 17 €
Sortie le 7 juin.
Une séance de signature aura lieu le 21 juin à 18 h 30 à Paris, à la libraire L'Ecume des pages, 174 bd Saint-Germain Paris 6e.