FEM et Around Lucy à Avignon
Splendeur et misère avignonnaises pour la compagnie réunionnaise Tétradanse
« Jouer tous les jours, c’est génial ! Mais économiquement, c’est une catastrophe ! » La chorégraphe Valérie Berger a même ajouté sur scène, à la fin du spectacle : « On a tout perdu ! » Une parole qui visait sans doute, dans le public, la déléguée interministérielle à l’égalité des chances des Français des Outre-mer, Sophie Elizéon, qui n’a pu faire autrement que d’arriver en retard, en cette fin juillet, au théâtre de la chapelle du verbe incarné à Avignon pour assister à la représentation de la compagnie Tétradanse qui démarrait chaque jour à midi cinq. « Quand on est aidé à 30 ou 40 %, la mise personnelle est importante, relate Valérie Berger. On est une petite structure avec peu de moyens, mais on avait envie de venir et c’est qui me semble le plus important à retenir que les tracas matériels. Quand on meure, on n’emporte rien dans sa tombe, donc on s’en fout ! » Un ton libre à l’égal du spectacle offert par les trois danseuses et le musicien pendant les 24 jours du festival. Trois petits quarts d’heure captivant pour regarder Valérie Berger, Sandrine Ebrard et Céline Amato évoluer sur fond des créations sonores de Keng-Sam Chane Chick Té. Le spectacle commence avec un premier mouvement, Around Lucy, où Valérie Berger, instinctive, animale voire reptilienne, offre un « geste primitif, épuré, élémentaire », qui renvoie à la féminité originelle de Lucy, celle qu’on a longtemps qualifié « la première femme ». Around Lucy avait été joué sur cinq dates l’an passé au festival d’Avignon, cette fois, c’est tous les jours en prélude de FEM, le deuxième mouvement. Les trois danseuses, masquées, encapuchonnées, voilées, les pieds rivés sur un tabouret, se refilent une robe à la manière d’une patate chaude. Si chacun est libre d’interpréter ce ballet comme il le souhaite, Valérie Berger et ses camarades sont parties sur l’idée que « les discriminations tournent » et que ça tourne pour elles aussi. « Un coup on est bien, un coup on n’est pas bien, commente Valérie Berger, un coup on est libre, un coup on ne l’est pas, mais ce sont les interprétations personnelles qui vont être liées à ce qu’on fait. » Keng-Sam Chane Chick Té mixe en direct, tantôt du gros son presque rock, tantôt de l’électro minimaliste (il a cinq partitions sonores à sa disposition), et chaque représentation est différente. Les trois danseuses changent tous les jours de rôle et de place, manière de réaffirmer cette rotation des discriminations tout en partageant une première place centrale. « On compose avec ça en fonction de chacun, chaque jour... » Difficile d’en faire dire davantage à cette chorégraphe de talent qui travaille sur la liberté, celle des danseuses comme celle du spectateur ; son art n’est pas la parole, mais le corps.
Après le festival d’Avignon, FEM et Around Lucy seront programmés les 18 et 19 novembre chez Bernard Faille et Pascal Montrouge au théâtre Champ fleuri à Saint-Denis.
FXG, à Avignon