GPL en Guadeloupe
George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer est arrivée en Guadeloupe hier soir pour une visite ministérielle de deux jours. Au programme, la sécurité, l’emploi et le chikungunya. Interview.
« Des bandes ont été démantelées »
Est-ce vous estimez que la situation au point de vue de la sécurité publique s’est améliorée depuis l’an dernier ?
L’insécurité en Guadeloupe est un sujet vraiment préoccupant. Je m’y étais rendue en juin avec Jean-Marc Ayrault qui avait rassemblé les équipes au commissariat pour faire le point avec eux et annoncé le renfort d’un escadron ; il l’avait aussi fait avec les élus. Ensuite, Manuel Valls, à l’époque ministre de l’Intérieur, s’est rendu sur place pour étudier avec l’ensemble des forces de l’ordre les solutions opérationnelles à mettre en oeuvre . Des premiers résultats ont été obtenus et l’effort de l’ensemble des acteurs doit se poursuivre, c’est le message que je suis venue faire passer.
Peut-on parler de délinquance en bande organisée, n’est-ce pas excessif ?
C’est ce que disent les services de police, même si c’est doute beaucoup moins structuré qu’ailleurs. Des bandes ont été démantelées et la préfète constate que les choses sont bien orientées. Nous avons eu, ponctuellement, plusieurs drames récemment, mais qui sont pour beaucoup des affaires familiales qui n’ont manifestement pas à voir avec la délinquance crapuleuse. Nous avons, hélas, l’habitude de connaître des drames familiaux et les femmes payent un certain tribut à la violence. Ce sont des choses que nous devons traiter sur le long terme. A la Martinique, l’opération « déposez les armes » a bien marché, en Guadeloupe, ça a donné de moins bons résultats. Aujourd’hui, ça se fait en Guyane. J’ai prévu une réunion de travail avec l’ensemble des responsables de la sécurité. Gilles Leclair, missionné pour mieux coordonner l’action des différents services, m’en fera un point précis. Je suis consciente que c’est un vrai sujet qui préoccupe légitimement la population et, par conséquent, il faut qu’on y soit attentif. Vous pouvez compter sur mon implication personnelle.
Autre constante de la préoccupation des Guadeloupéens, l’emploi…
C’est un sujet sur lequel, précédemment, j’ai travaillé pendant quasiment dix ans, quand j’étais à l’ANT (aujourd’hui Ladom, ndlr). Là, je vais à la rencontre des structures qui s’occupent de formation et d’emploi, notamment le RSMA, qui fait un travail tout à fait intéressant pour les jeunes décrocheurs, ceux qui quittent le système scolaire sans diplôme. Je veux donner un coup de projecteur sur son action tout à fait positive pour la jeunesse et marquer l’attention du gouvernement, et du Premier ministre pour les problématiques de la jeunesse.
Vous avez reçu cette semaine, Colette Koury, présidente de la CCI, et Michèle Montantin, présidente du Medef local. Sont-elles prêtes à donner des contreparties à l’allègement du coût du travail en termes d’emploi dans le cadre du pacte de responsabilité ?
De mon côté, je réfléchis à la meilleures des déclinaisons possibles du pacte de responsabilité dans les outre-mer. Avec le gouvernement, nous sommes conscients que, du fait qu’il existe déjà beaucoup d’exonérations de charges, ce qui sera décidé pour l’hexagone n’amènera pas forcément de plus à l’Outre-mer. Il faut également tenir compte des préoccupations des responsables économiques et de leur nécessaire implication en faveur de la croissance et de l’emploi.
Quand sera-t-on fixé ?
C’est en cours, mais c’est la raison pour laquelle j’accorde beaucoup d’attention aux rencontres avec les uns et les autres afin d’identifier avec eux les points de convergence ; c’est ce que j’ai fait lors de l’entretien que vous mentionnez.
Et les contreparties en termes d’emploi ?
Si on essaie d’injecter des crédits particuliers en outre-mer, c’est pour tenir compte d’une situation de l’emploi local qui est dégradé, il faut donc que l’on ait des garanties à cet égard. Pour l’instant, ce n’est pas encore tout à fait calé.
Mais au-delà des aides, quelle politique économique faut-il avoir ? Doit-on encore croire au developpement endogène ?
Le président de la République avait promis une politique de développement solidaire, c’est à dire une politique qui veille au mécanisme de solidarité tout en stimulant la création locale de la valeur ajoutée. Une partie de l’opinion avait perçu, dans le developpement endogène, une manière de dire : débrouillez-vous. Nous trouvons normal aujourd’hui de tout importer parce que ça coûte moins cher ; en même temps, nous devons nous préoccuper de developpement durable, d’économie d’énergie et de production locale. Pour autant, nous n’avons pas à renoncer à la solidarité nationale. C’est exactement ce qui a été mis en œuvre depuis deux ans à travers le retour de l’Etat outre-mer, notamment en termes financiers tout en aidant au développement de la production locale, ce qui permet également de lutter contre la vie chère. Nous avons aussi des possibilités avec les pays de l’association des Etats de la Caraïbe, mais cela suppose de faciliter les déplacements entre les îles de la Caraïbe et pour l’instant, c’est encore très insuffisant.
Cela suppose aussi que les Etats de la Caraïbe revoient leurs negative lists qui ferment la porte à nos exportations…
Nous devons trouver un équilibre entre le fait que nous soyons en Europe, avec le niveau de vie correspondant, et les sujétions particulières que cela nous impose. Nous devons produire avec des normes et des salaires européens, d’où la nécessité, et c’est tout l’intérêt du pacte de responsabilité et de sa future déclinaison ultra-marine, de rendre plus compétitives nos entreprises par rapport à celles de leur environnement. Je crois, en tout cas, qu’un dialogue qui soit plus régulier avec les Etats de la Caraïbe est utile. J’ai constaté que tant la Région Guadeloupe que la Région Martinique sont très satisfaites de pouvoir développer ainsi des échanges dans leur zone géographique.
Cette zone est touchée aujourd’hui par un nouveau virus, le chikungunya. Votre collègue de la Santé nous assure que cette épidémie ne donne lieu à aucune restriction aux voyageurs, mais néanmoins, tout le monde se mobilise. C’est inquiétant…
La Guadeloupe est un peu en retard dans l’évolution de l’épidémie par rapport à Saint-Martin qui a connu son pic, il y a quelque temps, et il faut donc ne pas baisser la garde. En règle générale le chikungunya n’a pas d’incidence trop dramatique. Il faut simplement que les gens continuent à être vigilants Il y a des précautions simples à prendre comme des mesures de prévention et de sensibilisation : ne pas laisser se développer des gîtes larvaires. Mais il n’y a aucune raison d’inquiéter ni la population ni les futurs touristes aux Antilles. C’est, encore une fois, un simple message de vigilance qu’il convient de passer car l’épidémie n’est pas derrière nous.
Mais ça fait des années qu’on nous sensibilise à cause de la dengue…
La pédagogie consiste à répéter les choses, dire encore aux gens de ne pas laisser des eaux stagnantes… Se pose aussi le probleme des carcasses de voiture qui peuvent aussi être des nids à moustiques. Globalement, ce qui permet de lutter contre le chikungunya et la dengue relève toujours de mesures pour l’environnement, pour la salubrité et qui vont aussi de pair avec notre ambition touristique.
Faut-il restructurer la lutte anti-vectorielle ?
Il faut que tout le monde travaille ensemble autour de l’épidémie et que chacun soit vigilant. Pour l’instant, tout le monde doit travailler main dans la main. Si le chikungunya a fait beaucoup de ravages à la Réunion, c’est parce que personne n’y était pas préparée et qu’on a perdu un peu de temps avant de faire face. Aujourd’hui aux Antilles, on a une grosse habitude de lutte contre la dengue, on connaît mieux le virus et ce n’est pas une maladie qui inquiète. Il faut être vigilant, mais il n’y a pas lieu d’etre inquiet.
Propos recueillis par FXG, à Paris