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Publié par fxg

George Pau-Langevin arrive cet après-midi en Martinique pour assister à la conférence de coopération régionale. Elle reste jusqu'à vendredi. Interview. 

"L’immersion du Cosette a été guidée par l’urgence d’un risque grave pour le port"

George-Pau-Langevin.jpgLa diplomatie territoriale sera au cœur de cette conférence. Un an après l'intégration de la Martinique et de la Guadeloupe dans les organismes internationaux de la région, quel est le bilan ?

Nous ne sommes évidemment pas encore à l’heure des bilans. C’est une nouvelle page qui s’est ouverte ; elle est prometteuse. Le gouvernement a fait du renforcement des relations entre les outre-mer et leur voisinage une priorité. C’est un engagement du président de la République. Il y a d’une part la volonté de promouvoir la dimension ultramarine de l’influence de la France à l’international et, d’autre part, la volonté d’ouvrir de nouvelles perspectives de développement pour nos territoires. La promotion d’une diplomatie territoriale, encadrée par l’État, s’appuie donc sur l’action des collectivités locales, notamment celles des Régions. A ce jour, la Guadeloupe et la Martinique sont devenues membres associés, en leur nom propre, de la CEPALC-CDCC et de l’AEC. Elles ont également présenté leur candidature auprès de l’OECO. Ces organisations régionales constituent un cadre irremplaçable pour favoriser un rapprochement avec les pays voisins. A cela, il faut ajouter le rôle des agents des DFA affectés au sein du réseau diplomatique français. C’est véritablement de nouveaux réseaux de coopération qui se créent et la conférence régionale qui se tient cette semaine en Martinique arrive à point nommé pour prendre la mesure de ce changement.

L'insertion économique régionale sera freinée tant que la CARICOM maintiendra ses listes négatives. Cette question peut-elle faire l'objet d'une réflexion particulière avec nos partenaires caribéens ?

La Caricom veut créer un marché commun unique entre ses 15 États membres qui se caractérise par un protectionnisme que symbolisent ces listes négatives de produits interdits à l’importation. Ces listes visent tout pays tiers à l’organisation, France, DOM et, donc, DFA compris. Certes, les choses ne sont pas figées, car il est possible que des opérateurs économiques locaux obtiennent d’un État de la Caricom des licences en dérogation à ces listes négatives. Pour autant, nous savons que la situation reste précaire et qu’elle n’incite pas les entreprises des DFA à exporter vers des États de la Caricom. Les DFA ont présenté leur candidature auprès de la Caricom pour une adhésion sous le statut de membre associé, en leur nom propre, et cette démarche a été accueillie favorablement par les Etats membres lors de la 25e conférence des chefs d’État et de gouvernement, les 10 et 11 mars derniers. Cela progresse mais nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre. C’est pourquoi le gouvernement agit pour soutenir les entreprises exportatrices des Outre-mer. A l’occasion de ma visite en Martinique, dans le cadre de la conférence de coopération régionale, je signerai la déclinaison régionale de la convention de partenariat entre le ministère des Outre-mer, Ubifrance, l’Agence Française de Développement et Bpifrance pour le développement à l’export des entreprises des Antilles et de la Guyane. Ce protocole, qui couvre la période 2014-2017, vise à répondre aux difficultés des entreprises exportatrices d’outre-mer qui subissent des contraintes logistiques du fait de l’absence de compagnie maritime et aérienne régionale freinant l’export des produits locaux dans la zone, et du fait du manque de compétitivité des industries locales par rapport à ses concurrents régionaux.

La Martinique, comme la Guadeloupe, sont victimes de l'invasion des Sargasses. Quelle aide le gouvernement peut-il apporter à nos collectivités qui soufrent depuis 2011 de ce phénomène ?

L’Etat s’est fortement mobilisé sur ce dossier en prenant ses responsabilités et en allant même au-delà, car nous prenons cette question très au sérieux. Il y a eu d’abord un devoir d’information. Dès les premiers échouages, la préfecture a organisé des réunions avec les maires concernés pour les informer du phénomène et de leurs responsabilités en matière de ramassage. Ensuite, il y a eu un déploiement de moyens avec des reconnaissances aériennes régulières pour anticiper au mieux les échouages, puis avec des mesures exceptionnelles comme la mobilisation des forces armées et du SMA et, enfin, le déblocage de crédits exceptionnels de l’ADEME pour expérimenter le ramassage en mer et faciliter la valorisation de ces algues. Outre cela, l’Etat exerce toute sa vigilance quant à la prise en compte des éventuels risques pour la santé des citoyens. C’est pourquoi les taux d’hydrogène sulfuré que dégagent ces algues sont régulièrement mesurés par l’Agence régionale de santé sur plusieurs zones importantes d’échouages. Nous effectuons ainsi un suivi au jour le jour. Nous ne voulons prendre aucun risque. Mais, au-delà de cette mobilisation, il faut tout faire pour comprendre les raisons de ce phénomène naturel qui semble prendre de l’ampleur et qui a donc vocation à se reproduire. J’ai donc demandé à l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) de réaliser une étude pour en rechercher et en analyser les causes. De même, j’ai demandé de rechercher des pistes de valorisation des algues. Mais, pour l’heure, il est important est de poursuivre le ramassage des algues partout où elles s’échouent, en particulier pour limiter les impacts sur des sites touristiques.

Vous aborderez lors de votre visite en Martinique la question de l'économie solidaire. Concrètement, cette filière est-elle réellement pourvoyeuse d'emplois productifs. Sinon, que peut-on en attendre ?

J’ai cette conviction que l’économie sociale et solidaire représente un important gisement d’emplois. Aujourd’hui, ce segment représente dans nos territoires plus de 51 000 employés et 5.000 établissements, soit entre 8 et 12 % des effectifs salariés, selon les territoires. Il y a chez nous un fort potentiel que l’Etat soutient déjà et que le gouvernement veut soutenir davantage encore car, au-delà de sa contribution à la lutte contre le chômage, l’économie sociale et solidaire répond à des demandes sociales et à des besoins citoyens que l’on identifie très bien dans les services à la personne ou la santé, mais aussi dans la restauration, l’agro-transformation. Des outils de financement existent, comme le micro-crédit, mais nous nous inscrivons aujourd’hui dans une action volontariste qui cherche à fédérer les énergies. Ainsi, avec le ministère du Travail, le ministère de l’Economie, le secrétariat d’Etat à l’Economie sociale et solidaire, et la Caisse des dépôts et consignations, nous avons uni nos forces autour de deux axes : un plan sur 4 ans pour aider les entreprises à se structurer et à se développer ; des mesures d’accompagnement des TPE pour y favoriser une première embauche. Si nous avançons ensemble, il y à l’échelle des outre-mer la possibilité de créer 4 000 emplois en 4 ans. C’est loin d’être négligeable.

Immerger le Cosette, était-ce vraiment la seule solution possible ?

Il n’y avait hélas pas d’autre choix, sauf à accepter de laisser couler le Cosette, à tout moment, dans les eaux du port. Cette hypothèse, qui pouvait intervenir à tout moment, faisait peser une menace sérieuse sur la sécurité des installations portuaires, sur l’environnement et sur l’activité économique locale. Cette menace est devenue une réalité dans la nuit au début de la semaine. Depuis une quinzaine de jours, la situation du Cosette, déjà en état de délabrement très avancé, s’était fortement détériorée avec l’apparition de voies d’eau. Les services de l’Etat et ceux du Grand port maritime ont tenté à la fois de colmater et de pomper les importantes entrées d’eau. Or, dans la nuit de lundi à mardi, une brutale aggravation de la situation a été constatée. Cette aggravation a fait échec à l’option qui avait été décidée, à savoir de faire venir à temps un bateau semi-submersible pour le conduire vers un chantier de démantèlement dans l’Hexagone. Je le redis, il n’y avait plus d’autre choix, surtout avec de possibles changements de conditions météo en cette saison, que de prendre la décision de l’immerger en urgence. C’est ce que le préfet a fait, à 5 heures hier matin. L’immersion n’est qu’une solution de dernier recours, exceptionnelle, qui ne correspond pas à la politique française en matière de traitement des navires épaves. Mais, elle a été guidée par l’urgence d’un risque grave pour le port, principale desserte de l’Ile, et donc poumon économique. Cette option a été mûrement réfléchie. Le Cosette a été débarrassé de son carburant, de ses huiles, de ses batteries qui sont les polluants les plus importants etil n’avait plus de moteur. Il a été immergé par 2 700 mètres de fond, à 16 milles nautiques de la Martinique. Je rappelle que les conventions internationales, en particulier le protocole additionnel de Londres de 1996, reconnaissent les situations de force majeure et permettent de recourir à cette solution par exception. Toutes les précautions possibles ont été prises. L’Etat a agi en responsabilité.

Propos recueillis par FXG, à Paris 

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