Guéant arrive aux Antilles
ITW Claude Guéant
Le ministre de l’Intérieur arrive samedi en Martinique, puis lundi en Guadeloupe. Au programme de Claude Guéant, sécurité et développement endogène.
« Nous devons faire des progrès contre les violences physiques aux personnes »
Vous avez eu une expérience antillaise dans votre carrière préfectorale comme SGAR entre 1975 et 1977. Comment jugez-vous de l’évolution de ces territoires ?
J’ai toujours été très attentif à ce qui s’y passe. Nous en parlons souvent avec Marie-Luce Penchard depuis que je suis en charge de mes fonctions de ministre de l’intérieur et de l’Outre-mer. Comme secrétaire général de l’Elysée déjà, je me suis beaucoup occupé de la préparation de la LODEOM comme du CIOM qui a pris de très nombreuses décisions stratégiques pour l’outre-mer. Je crois qu’un certain nombre de caractéristiques demeure : l’insularité comme la taille du marché sont une réalité mais je constate qu’il y a eu beaucoup de progrès. Des outils qui permettent des évolutions considérables ont été créés. Je lisais la liste des chefs d’entreprise qui vont participer à une rencontre organisée en Guadeloupe pendant notre séjour. Par rapport à la période que j’ai connue, la liste de ces chefs d’entreprises et la diversité de leurs activités ont considérablement été élargies. Cela veut dire que la stratégie du développement endogène que nous préconisons est fondée. Malgré l’étroitesse des marchés, il y a grâce à l’ingéniosité et l’intelligence des hommes et des femmes de ces départements des projets qui ont vu le jour, qui ont créé des activités et, oserais-je dire, qui ont créé de la fierté parce que construire une entreprise, participer à au développement local, cela crée de la fierté pour leurs responsables mais aussi pour ceux qui y travaillent. Beaucoup d’infrastructures ont été réalisées et elles sont les conditions du développement.
C’est à ce titre que vous allez inaugurer le dock flottant de Jarry en Guadeloupe ?
Quand je suis arrivé en Guadeloupe en 1975, il n’y avait pas de voie d’accès viabilisée pour la zone d’activité de Jarry. « C’était un chemin de terre ». La première proposition que j’avais faite sur le budget régional était de financer cette voie d’accès. Je constate que des usines ont fleuri et qu’on fait aujourd’hui un dock flottant, c’est profondément encourageant. Cela signifie que la voie du développement endogène, qui n’exclut absolument pas la solidarité, je le précise, est une bonne voie parce qu’il y a des ressources d’intelligence, de créativité et d’esprit d’entreprise.
Et l’entreprise COMIA, de Marcel Osenat, au Lamentin en Martinique ?
La société Comia est une entreprise qui illustre bien le développement que l’on peut promouvoir. Elle agit sur deux registres : la fourniture du marché local et son choix de travailler sur une spécificité locale qui lui ouvre des perspectives d’exportations. C’est très emblématique d’une orientation que l’on constate dans les deux départements.
Cet intérêt pour les affaires économiques n’est pas coutumier du ministre de l’Intérieur…
En tant que ministre chargé de l’Outre-Mer avec Marie-Luce Penchard, il est normal que j’embrasse les différents éléments de la vie, des espoirs de ces départements. Je ne résume pas ma fonction, même à l’intérieur de l’Hexagone, à la sécurité ou à l’immigration. Encore que ce soient des thèmes qui sont importants pour nos compatriotes.
La délinquance contre les personnes est importante aux Antilles. Un rapport a même stigmatisé la situation de la Guadeloupe. Comment l’expliquez-vous et que pouvez-contre cet état de fait ?
J’aurai des contacts avec les responsables et les personnels en charge de la sécurité, policiers et gendarmes. Je ferai dès mon arrivée une patrouille avec la BAC de nuit à Fort-de-France. J’observe qu’en 2011, nous enregistrons quand même un reflux de la délinquance dans chacun de ces deux départements qui est de l’ordre de 3 %. Ce n’est pas négligeable. Depuis 2004, il y a un recul de la délinquance générale en Martinique de 7.7 % et en Guadeloupe de 10 %. Nous allons donc dans le bon sens. Il n’en demeure pas moins que nous devons encore faire des progrès dans la lutte contre les violences physiques aux personnes. Ceci dit, elles ont reculé l’année dernière.
Il y a des problèmes immobiliers qui se posent…
Le commissariat de Fort-de-France n’est pas en bon état. La décision a été prise d’en créer un nouveau. J’ai mis en place pour l’année 2012, 6 millions € de crédits pour procéder aux études d’un nouvel hôtel de police qui devrait coûter de l’ordre de 25 millions €. Le train est lancé.
En Guadeloupe, le nouveau commissariat existe depuis 18 mois, mais le bureau de police du Gosier vient de fermer ses portes…
Il y a des questions de doctrine qui se posent et qui ont des conséquences pratiques directes. Certains disent qu’il faut beaucoup de postes de police car ils permettent une présence de la police. Moi, je dirai de façon pratique le contraire : un poste de police maintient des effectifs à l’intérieur d’un immeuble et empêche que cet effectif soit présent sur la voie publique. Je veux plus de patrouilles, plus de moyens de surveillance de la voie publique, plus de visibilité et, finalement, un accès plus direct de la population à la police.
Est-ce que paradoxalement, les moyens de l’OCRTIS ne sont pas disproportionnés en rapport de ceux de la sécurité publique ?
Les Antilles sont la base d’une action de lutte contre le trafic international de stupéfiants. Il faut relever les deux défis de la sécurité quotidienne et des grands trafics avec les moyens adaptés. Aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe, les effectifs n’ont pas été diminués malgré la norme de réduction des effectifs de police avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Au contraire, depuis quelques années, les effectifs ont été augmentés. L’OCRTIS a besoin de moyens pour lutter contre une délinquance spécifique et très difficile à appréhender. Nous avons face à nous des cartels internationaux qui sont puissants et dotés de moyens considérables. Il est d’intérêt général que nous soyons mobilisés et efficaces pour lutter contre ces trafics.
La sanction prise contre le DDSP, Cyril Alavoine (pour une affaire de Cayenne) a causé des turbulences au commissariat de Fort-de-France. Avez-vous un message particulier à adresser aux fonctionnaires de police ?
La police a une exigence déontologique très forte à l’égard de chacun de ses membres et lorsqu’un policier franchit la ligne jaune, il est sanctionné. La police qui a la charge d’appliquer la loi se doit d’être exemplaire. Ce directeur sera remplacé dans les délais les plus rapides et la police retrouvera un mode de fonctionnement normal. Comme ça a été le cas à Lyon et à Lille, la police a continué son travail et il y a eu immédiatement de la part des personnels la volonté de tourner la page sur ces incidents douloureux.
Qu’avez-vous à dire sur les problèmes liés à l’immigration ?
Nos compatriotes antillais sont attentifs à ces questions. Nous avons accueilli, après le séisme dramatique qui a frappé Haïti, les Haïtiens qui étaient en grande difficulté humanitaire et sociale. Maintenant que les moyens de l’aide internationale sont mis en place, que la gouvernance haïtienne a été remise en marche, il faut que l’on soit clair : on lutte contre l’immigration irrégulière aux Antilles comme partout en France, avec fermeté mais discernement
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)