Habdaphaï contre Rodolphe Désiré
ITW Habdaphaï
L’artiste Habdaphaï s’oppose à la tentative de municipalisation du marché d’art contemporain par le maire du Marin.
« Le marché d’art contemporain ne peut devenir un projet municipal »
Que se passe-t-il avec la manifestation du marché d’art contemporain ?
Il y a tout un groupement d’artistes dont je fais partie qui proteste contre la tentative d’appropriation de cette manifestation par la municipalité du Marin. Cette ville qui nous accueille depuis la première édition et qui était notre partenaire, a décidé de récupérer une manifestation globale que les artistes ont créée pour en faire une manifestation municipale. Le problème qui se pose est que cette manifestation est une des seules, créées par nous, artistes martiniquais, qui nous permet de faire la montwasyon, l’éducation pour le droit des artistes, d’organiser des rencontres et de mettre en place une convivialité entre ces artistes et le public. Elle ne peut pas devenir un projet municipal…
Est-ce qu’il ne tient pas qu’à vous, les artistes, de la boycotter et de la faire ailleurs ?
Oui… Nous sommes en train de mobiliser les artistes pour le faire mais le problème qui se pose avec le Marché d’art contemporain, c’est que c’est la seule manifestation qui permet aux artistes en Martinique de faire 60 % de leur chiffre d’affaires annuel. Il y a donc beaucoup d’artistes qui sont sceptiques et qui hésitent, y aller, ne pas y aller… D’où le Collectif que nous avons monté pour monter des actions si le marché se fait… Mais le principal pour nous c’est que les artistes n’y aillent pas ! Nous sommes devant un homme redoutable, Rodolphe Désiré, le premier magistrat de la ville du Marin. Et comme nous allons vers l’Assemblée unique, le parti de Rodolphe Désiré détient tous les pouvoirs. Les artistes qui ne veulent pas se mouiller parce qu’ils attendent des subventions ou des aides, ne veulent pas prendre de risque. Et si nous laissons faire, si nous ne sommes pas aidés par la population, par les médias, cette manifestation va disparaître pour devenir une manifestation municipale.
Craignez-vous de devenir des « artistes officiels » ?
Oui, c’est ce que je crains. Mais aussi, notre projet est international avec les artistes de la Caraïbe, d’Europe et des Amériques que nous invitons. Si ça devient une manifestation municipale, ce ne seront simplement que les artistes du pouvoir qui pourront y participer. Par ailleurs, c’est une manifestation qui avait vocation à devenir itinérante…
Et bien, si c’est la couleur politique du maire qui vous dérange, allez-voir les municipalités gérées par le MIM…
Mais non ! C’est une manifestation apolitique. Mais quand le maire du Marin, qui commence à sentir son déclin, sait que le marché d’art contemporain draine 20 à 25 000 personnes, ça lui fait une belle aura. Voilà pourquoi il veut récupérer ça au moment où l’artiste martiniquais est en train de s’émanciper et de sortir de son silence…
Pourquoi ne pas vous tourner vers des privés comme la BDAF ou la fondation Clément ?
Nous sommes des artistes indépendants et nous voulons faire les choses par nous-mêmes. Et quand un pouvoir politique décide de récupérer une activité que nous avons, il nous dépossède, nous désarme et nous sommes désespérés… Les artistes ont commencé le boulot ; nous ne devons pas nous laisser manipuler comme Le Marin essaie de le faire.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)