Habitat insalubre et indigne dans les DOM
Serge Létchimy veut penser l’urbain autrement
« Il ne s’agit pas d’adaptation, il faut revisiter au fond, la philosophie et la politique de l’habitat insalubre ». Serge Létchimy a été chargé en avril dernier d’une mission par le gouvernement sur l’habitat insalubre et indigne. Hier, il a remis son rapport au secrétaire d’Etat à l’Outre-mer en présence du secrétaire d’Etat au Logement, Benoit Apparu. Avec 50 à 60 000 habitats insalubres et 150 000 personnes touchées, le député maire de Fort-de-France a parlé d’une « situation inacceptable pour la République ». Le taux d’insalubrité est de quelque 7 % dans les DOM avec un pic de 26 % du patrimoine en Guyane où la situation, en la matière, est grave. Dans l’Hexagone, ce taux tombe à 2.5 %... Mais le pire est qu’on a une méconnaissance parfaite de la situation et aucun inventaire précis, à l’exception de la Réunion où l’agence AGORA a identifié l’ensemble du patrimoine insalubre et indigne. « Aujourd’hui, il y a des opérations qui sont bloquées depuis 10, 20, 25 ans… Il y a un découragement généralisé des opérateurs, constate le député Létchimy. On a confondu les procédures financières et les procédures opérationnelles… Il n’y a pratiquement plus d’opérations nouvelles depuis cinq ans. » Il préconise donc quelques pistes pour relever le défi de l’habitat indigne. En premier lieu, il conviendrait de réformer la gouvernance en créant un pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne avec son plan d’action et deux pilotes : la préfecture et le conseil général. « Il faut une grille de lecture de l’habitat populaire en tenant compte de l’habitat informel… » Plutôt que la RHI (résorption de l’habitat insalubre), ce dispositif lourd et qu’il qualifie de procédure financière, le député prône une résorption de l’habitat spontané en prenant en compte l’informel, c’est-à-dire les gens qui ont construit sur le terrain d’autrui, des communes ou des cinquante pas. Car on ne peut faire de RHI sur la zone des cinquante pas géométriques ! « On va vers l’échec total si on ne tient pas compte de l’informel, des enjeux culturels, des besoins d’une nouvelle dynamique locale. » Dans une ville comme Fort-de-France, l’ensemble des opérations comme les quartiers de Bo Kanal, Trenelle, Volga plage ou la pointe des Carrières seraient redémarrées au sein d’une politique nouvelle politique urbaine chargée de répondre aux enjeux des plus pauvres et des plus démunis. « On inscrirait une nouvelle dynamique de l’économie sociale du bâtiment parce que ça permettrait de donner du souffle à des gens qui font de la voirie, réseau, distribution (VRD), des routes, de la réhabilitation de maisons et ça permettrait de s’attaquer à une exclusion qui me semble inacceptable. » Globalement, Serge Létchimy propose de repenser globalement la lutte contre l’habitat indigne en 14 points. « C’est une orientation complètement politique qui peut faire l’objet d’une proposition de loi, ça peut être aussi toute une série de mobilisations sur le plan local et qu’on fasse un diagnostic global dans chaque département et mettre en pluriannualité une série d’interventions en fonction des enjeux. »
Indemnisation des familles installées dans de l’habitat informel, maintien sur place des gens recasés, s’attaquer aux marchands de sommeil, nouveaux critères d’évaluation de l’insalubrité, bref le rapport Létchimy replace l’homme au coeur du projet urbain.
FXG, agence de presse GHM
L’avis du secrétaire d’Etat au Logement, Benoît Apparu
Il y a quelques préconisations, quelques pistes de travail, notamment en matière de gouvernance à réformer. Est-ce que ça passera par des mesures législatives ? On le verra bien… L’outil pour aboutir au résultat est très secondaire. Ce que je demande tout de suite à mes services au ministère du Logement, c’est d’étudier de façon très précise le rapport de Serge Létchimy et de nous très vite les moyens nécessaires pour parvenir aux objectifs. Ca prendra du temps à se mettre en place et ça peut prendre plusieurs années d’éradiquer l’habitat indigne, mais les décisions, il faut les prendre tout de suite parce qu’aujourd’hui, les outils qui existent ne sont pas adaptés à la situation des quatre DOM. Ce sont ces outils là qu’il nous faut faire évoluer. Il n’y a pas nécessairement un besoin de masse financière supplémentaire importante, on a besoin de bien se réorganiser, bien se mettre en ligne entre les collectivités locales et l’Etat, d’inventer les bons outils pour faire ce qu’on a à faire et avec ça, on aura fait 50 % du chemin.